Violences sur migrants à Calais , six mois de prison avec sursis requis contre un CRS

Violences sur migrants à Calais , six mois de prison avec sursis requis contre un CRS

Les faits se déroulent le 5 mai 2015 dans la matinée, lors d’une vacation de la CRS 4 sur la rocade portuaire de Calais. La CRS 4 était arrivée la veille : il s’agissait de son premier jour d’intervention dans la ville et, pour le prévenu (à la différence de ses collègues), de sa toute première mission à Calais.

Dès le début de l’audience ce mardi matin, le tribunal a indiqué qu’il prévoyait de visionner l’une des vidéos incriminant le prévenu, qui contient
huit séquences, dont quatre dans lesquelles le CRS s’est identifié
. Maître Montbrial, qui défend ce dernier, a alors fait remarquer qu’il s’agissait d’un montage. «
Ce sont bien des morceaux choisis
», confirme le tribunal, qui ajoute être «
conscient des difficultés de travail des forces de l’ordre à Calais
». «
Simplement, lorsqu’il y a des dérapages, il est normal de demander des comptes aux personnes concernées
», a précisé le président Marlière, qui a par ailleurs rappelé le contexte dans lequel ces CRS sont intervenus : «
Il y avait alors un fort afflux de migrants qui tentaient de prendre d’assaut les camions sur l’autoroute. La mission des CRS était de les empêcher d’y accéder et, à défaut, de les faire sortir des camions et de les repousser. »

Le prévenu est un homme de 30 ans, originaire de la Réunion, CRS depuis huit ans, dont ces trois dernières années au sein de la CRS 4, basée en Seine-et-Marne. Il s’avance à la barre du tribunal vêtu d’un costume gris sombre sur chemise blanche. D’une apparence calme, il présente bien et répond poliment et très distinctement aux questions. Le président l’invite à s’expliquer sur les faits : «
Ce matin-là, on a été appelés en renfort sur la rocade. On a été submergés assez rapidement car des centaines de migrants se précipitaient sur l’autoroute. » Environ 700 migrants étaient présents aux abords de la rocade, rappelle le tribunal, alors que les CRS étaient une trentaine. D’après le prévenu, les migrants étaient «
un peu tendus, un peu excités. Ils avaient pour but coûte que coûte de regagner les camions. Il y avait de l’agitation
».

Un coup de pied mais pas de coup de poing

«
Avez-vous utilisé les techniques policières de maintien de l’ordre qu’on vous a apprises ou avez-vous dépassé l’usage de la force strictement nécessaire
», demande le président au prévenu. Celui-ci semble hésiter avant de répondre. «
J’ai utilisé les techniques qu’on apprend à l’école de police, sans les outrepasser
», finit-il par dire. Il réfute les coups de poing dont fait état le procès-verbal des enquêteurs.
Quant au coup de pied qu’on lui reproche, il reconnaît l’avoir asséné, mais pour assurer sa propre sécurité
: «
Dans nos techniques de police, on doit mettre une distance de sécurité pour assurer notre intégrité si on sent une poigne, une agression. C’est ce que j’ai fait
».

Un témoin est appelé par le tribunal. Il s’agit du chef de service du prévenu
: «
Il s’agit de l’un des meilleurs personnels que j’ai. C’est un bon gars. Et s’il n’avait pas été le bon gars que je vous écris, je ne serai pas venu ce matin depuis la capitale pour lui apporter mon soutien. » Il ajoutera un peu plus tard : «
Ma présence face à vous doit bien s’expliquer par le fait qu’à mon niveau hiérarchique, on ne reproche rien à mon subordonné. » Le prévenu a affirmé avoir pratiqué la technique dite « Chicago », apprise en formation, et qui consiste, explique-t-il, «
à faire passer un individu par-dessus un obstacle de 50 centimètres ou d’un mètre
». Face au tribunal, son chef reconnaît que les images de la vidéo sont « choquantes », mais maintient qu’il n’y a « pas eu de faute commise ».

Au cours de l’audience, le tribunal a procédé au visionnage des vidéos qui incriminent le prévenu. «
Regardez, ce n’est pas une distance de sécurité, ça !
», commente le procureur en qualifiant l’attitude du CRS à l’égard des migrants. Le tribunal visionne les images à plusieurs reprises, et invite le témoin à réagir. «
Ces images, plus je les vois, moins elles me choquent
», déclare-t-il simplement.

Six mois de prison avec sursis requis

Dans ses réquisitions, le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, Jean-Pierre Valensi, a estimé qu’il y avait bien eu des faits de violence sur des migrants : «
L’accumulation des faits
» qui apparaissent sur la vidéo le prouve, selon lui. Les migrants sont traités «
comme des paquets
» estime-t-il : «
Ils sont tous repoussés de la même façon. Il y en a un qui reçoit des coups de poing et des coups de pied, c’est un comportement inadmissible. » Il requiert six mois de prison avec sursis.

Pour l’avocat de la défense, ces réquisitions sont «
s
urréalistes
». Selon lui, condamner le prévenu, revient à signer «
l’arrêt de mort d’un des CRS les plus brillants de sa catégorie
». Il rappelle que
l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) n’a pas relevé d’infraction
et que, s’il y a bien eu un coup de pied de la part du CRS, il s’agit «
d’un geste de violence parfaitement légitime au regard de l’ensemble des éléments
».

Le tribunal a mis l’affaire en délibéré, et rendra sa décision le 31 mai.

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