Vers des sanctions symboliques de l’UE pour l’Espagne et le Portugal

Vers des sanctions symboliques de l'UE pour l'Espagne et le Portugal

Le Monde
| 07.07.2016 à 19h58
Mis à jour le
08.07.2016 à 04h12
|

Par Sandrine Morel (Madrid, correspondance) et
Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)

La Commission européenne a constaté très officiellement, jeudi 7 juillet, que l’Espagne et le Portugal n’avaient pas respecté leurs engagements dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance pour leurs budgets 2015, comme l’annonçait Le Monde mercredi. Cette décision est inédite depuis que les règles européennes ont été renforcées, juste après la crise financière de 2007-2008.

Elle ouvre logiquement la voie à une procédure de sanctions, dans des contextes politiques délicats pour les deux pays visés. L’Espagne n’a toujours pas de gouvernement stable à l’issue des élections législatives du 26 juin. Au Portugal, une coalition de gauche installée depuis le début de 2016, refuse de « payer » pour les erreurs de la droite précédemment au pouvoir.

En 2015, Madrid a enregistré un déficit public de 5,1 % de son produit intérieur brut (PIB), bien au-dessus des 4,2 % attendus par Bruxelles. Lisbonne a affiché 4,4 % de déficit, au lieu des 2,7 % prévus.

La décision étant difficile à prendre, la Commission Juncker a choisi d’en faire porter la responsabilité en partie aux Etats membres. Charge aux ministres des finances de l’Union européenne, qui se réuniront mardi 12 juillet à Bruxelles, de lancer formellement la procédure de sanction. L’institution communautaire aurait dû constater le non-respect des engagements pour les budgets 2015 dès le mois de mai, mais à l’époque, elle avait préféré ne pas bouger, de peur d’influer sur la campagne pour les législatives qui battait son plein en Espagne.

Une mansuétude critiquée

Et pour ne pas donner l’impression de traiter plus durement le Portugal, la Commission lui avait aussi accordé un délai. Mais cette mansuétude avait été très critiquée par l’Allemagne, les Pays-Bas et la Banque centrale européenne, très pointilleux sur le respect du pacte, considéré comme essentiel pour la stabilité de la zone euro. Ouvertement attaquée pour son caractère trop « politique », notamment par les pays de l’Est depuis la victoire du « Leave » lors du référendum britannique du 23 juin, la Commission préfère désormais faire profil bas.

Les grands argentiers européens pourraient lancer la procédure formelle de sanctions, prévue par l’article 126.8 du traité de l’Union européenne (UE). « Difficile de ne pas confirmer ce que dit la Commission, les chiffres des deux pays parlent d’eux-mêmes » selon une source européenne proche du dossier. A dater de ce constat des ministres, la Commission aura vingt jours pour rédiger une recommandation de sanctions. « Elle a l’obligation juridique de proposer des sanctions », ajoute cette source.

L’amende peut théoriquement aller jusqu’à 0,2 % du PIB des pays concernés et être assortie d’une suspension provisoire d’un minimum de trois mois des fonds structurels européens. De leur côté, les capitales ont dix jours, à dater du lancement de la procédure par le Conseil, pour s’engager à des réformes ou à des mesures additionnelles de réduction de leurs déficits, afin d’espérer faire baisser les amendes.

Des « sanctions égales à zéro »

La Commission a déjà envoyé plusieurs signaux sans ambiguïté : si Lisbonne et Madrid donnent des gages, les sanctions devraient rester symboliques. « Des sanctions égales à zéro sont une possibilité », a dit Pierre Moscovici, commissaire à l’économie européen, jeudi. Tout le monde à Bruxelles reconnaît que l’Espagne et le Portugal ont durement souffert de la crise financière de 2007-2008 et que ces pays ont subi des années d’austérité pour en sortir. « On doit tenir compte des efforts accomplis par ces deux pays, a déclaré Valdis Dombrovskis, premier vice-président de la Commission. Ils auront la possibilité de réagir, pour demander une réduction, voire une mise à zéro des amendes. »

Le ministre de l’économie espagnol, Luis de Guindos, a répété à plusieurs reprises ces dernières semaines qu’il s’attendait à une « amende de zéro euro », tout en soulignant qu’il était « impensable » que l’Espagne, qui a réduit son déficit public de 9 % en 2011 à 5,1 % en 2015, malgré deux années de récession, soit sanctionnée. Le 5 juillet, il déclarait encore être « sûr qu’il n’y aura pas d’amende », car « sanctionner l’Espagne serait une baisse de crédibilité de la zone euro ». « Notre objectif pour l’an prochain est de réduire le déficit public en dessous des 3 %, et je crois que nous pouvons très bien y arriver », a-t-il encore dit jeudi, après l’annonce de la Commission.

Mariano Rajoy, l’actuel premier ministre espagnol (PP, conservateurs), pressé par Bruxelles de trouver une coalition pour gouverner après les élections de la fin de juin, souhaite obtenir l’investiture du nouveau Parlement la dernière semaine de juillet, afin de travailler pour approuver un nouveau plafond du budget pour 2017. Mais il n’a encore trouvé aucun autre parti que le sien qui soit disposé à lui donner la majorité absolue au Parlement.

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