Une splendide bulle pour le télescope Hubble
À l’occasion de son 26e anniversaire en orbite, le télescope spatial Hubble nous offre une vision spectaculaire d’une petite région de notre galaxie.
La nébuleuse de la Bulle (NGC 7635) se situe à plus de 8 000 années-lumière de nous dans la constellation de Cassiopée. Cette mosaïque de quatre images a été réalisée avec la caméra à grand champ (WFC3) du télescope spatial Hubble pour fêter son 26e anniversaire en orbite. Cette bulle est formée par le vent stellaire de l’étoile la plus brillante, située en haut à gauche de la formation, dans la zone qui apparaît ici en bleu ; l’étoile qui semble presque au centre de la bulle est en fait plus proche de nous dans l’espace. Les traits à 90° visibles autour des étoiles sont des artefacts produits par l’instrument. Les couleurs de cette image ne correspondent pas à ce que nous pourrions voir à l »il nu, même avec un très puissant télescope ; elles ont été choisies en fonction des filtres utilisés pour révéler les différents éléments présents dans la nébuleuse (bleu pour l’oxygène, vert pour l’hydrogène et rouge pour l’azote). Cliquez sur l’image pour l’afficher en grand format.Crédits : NASA, ESA, Hubble Heritage Team
Déposé en orbite à quelques centaines de kilomètres d’altitude à la fin du mois d’avril 1990 par les astronautes de la navette Discovery, le télescope spatial Hubble s’apprête à fêter son 26e anniversaire : décollage de la navette le 24 avril 1990 et largage du télescope sur son orbite le 26 avril 1990. Les astrophysiciens du monde entier l’utilisent avec toujours autant d’enthousiasme pour sonder l’univers, des plus petits objets du Système solaire aux galaxies les plus lointaines, et, comme chaque année, quelques heures de son précieux temps d’observation ont été consacrées à la réalisation d’une image d’anniversaire. Cette fois-ci, il s’agit d’un splendide portrait de la nébuleuse de la Bulle, un objet céleste de la constellation de Cassiopée.
Crédits : ESA/Hubble, Digitized Sky Survey 2, Nick Risinger ; Music: Johan B. Monell
Les astronomes amateurs qui scrutent le ciel avec des lunettes et des télescopes d’un diamètre modeste ne parviennent que très difficilement à distinguer une petite portion de la nébuleuse de la Bulle. Elle apparaît comme une tache grisâtre collée contre une étoile près de dix fois moins brillante que l’astre le moins lumineux perceptible à l »il nu, non loin du célèbre amas stellaire Messier 52. Pourtant, comme souvent en astronomie, il ne faut pas se fier aux apparences. Cette étoile insignifiante (SAO 20575) se situe à plus de 8 000 années-lumière de nous et elle est, en fait, au moins vingt à quarante fois plus massive et plusieurs centaines de milliers de fois plus lumineuse que le Soleil. Très jeune moins de 4 millions d’années et extrêmement chaude plus de 35 000 °C , elle fait preuve d’une activité intense, inondant son environnement cosmique de rayonnement ultraviolet et soufflant un puissant vent stellaire qui heurte à plus de 1 700 km/s le gaz de la vaste nébuleuse au sein de laquelle elle est née. La Bulle est le résultat de cette confrontation, le vent stellaire repoussant et comprimant le gaz du milieu interstellaire qu’une émission de rayonnement ultraviolet fait alors luire. Cette bulle matérialise le rayon d’action du vent stellaire de SAO 20575 ; elle mesure près de dix années-lumière de diamètre et elle continue de grandir. Une valeur à comparer au diamètre de la sphère d’influence du Soleil, l’héliosphère, qui serait proche de 35 heures-lumière seulement.
En zoomant dans la nébuleuse de la Bulle, on voit ce que les astronomes appellent des globules cométaires, de vastes poches de gaz progressivement érodées par l’intense rayonnement ultraviolet de l’étoile SAO 20575.Crédits : NASA, ESA, Hubble Heritage Team
Le télescope spatial Hubble avait déjà photographié cette région du ciel, mais jamais avec une telle résolution et, surtout, jamais avec un champ aussi large qui permet de montrer la bulle au sein de son environnement nébuleux. Sa forme sphérique est remarquable, pourtant, le fait que l’étoile à l’origine de cette formation ne soit pas au centre intrigue les astrophysiciens qui estiment probable que, sur la gauche, la nébuleuse de la Bulle entre en contact avec une région de gaz froid plus dense. En zoomant vers l’intérieur de la bulle, on peut remarquer juste à droite de l’étoile une zone qui apparaît en ocre jaune et, si l’on agrandit cette portion de l’image, on distingue des sortes de globules plus ou moins allongés. Situés derrière la bulle, ils sont visibles par transparence et ils nous font presque face ; vous pouvez les comparer à ceux qui apparaissent de profil dans l’angle gauche supérieur de l’image à grand champ. Chaque globule est aussi vaste que notre Système solaire disons jusqu’à l’orbite de Pluton, soit près de 12 milliards de kilomètres de diamètre et contient une masse de matière comparable à celle d’une planète comme la Terre. La portion du globule tournée vers l’étoile est vivement éclairée et ionisée par les ultraviolets et on distingue parfois une sorte de traînée qui s’éloigne de l’étoile, un peu comme la queue d’une comète gigantesque. De tels globules ont déjà été observés en grand nombre dans d’autres types de nébuleuses. Les astronomes estiment que ces globules cométaires sont formés par l’évaporation de vastes poches de gaz sous l’action du rayonnement ultraviolet intense de l’étoile proche. Leur densité peut être jusqu’à mille fois plus grande que celle du milieu interstellaire environnant mais, dans le cas présent, leur masse est insuffisante pour qu’ils puissent abriter une étoile en formation et ils seront totalement érodés relativement vite, ne laissant plus rien d’apparent dans la belle nébuleuse de la Bulle que l’étoile géante SAO 20575, qui se transformera probablement en supernova dans une dizaine de millions d’années !
Guillaume Cannat (pour être informé de la parution de chaque nouvel article, suivez-moi sur Twitter, sur Facebook ou sur Google+)
Signaler ce contenu comme inapproprié