Une prise en charge plus rapide pourrait éviter la moitié des accidents vasculaires cérébraux

Une prise en charge plus rapide pourrait éviter la moitié des accidents vasculaires cérébraux

Ce sont des signes d’alerte à traiter en urgence : ils sont la « fumée précédant l’éruption prochaine d’un volcan : l’accident vasculaire cérébral (AVC) », lance le professeur Pierre Amarenco, chef du service de neurologie et du Centre d’accueil et de traitement de l’attaque cérébrale, à l’hôpital Bichat (AP-HP, Paris). Environ un AVC sur quatre est ainsi précédé d’un de ces signes, nommés « accident ischémique transitoire » (AIT).

Pourtant, ces symptômes à très haut risque restent largement méconnus. Une étude internationale coordonnée par Pierre Amarenco, publiée le 21 avril dans la revue New England Journal of Medicine, révèle que leur prise en charge très précoce dans les 24 heures après leur apparition diminue de moitié la survenue ultérieure d’un AVC.

Paralysies, troubles de la parole, de la mémoire…

Troubles de la parole, de la mémoire, de la marche ou de l’équilibre, voire paralysies… les séquelles des accidents cérébraux, qui frappent chaque année 150 000 personnes en France, sont redoutables. Environ 120 000 de ces accidents sont d’origine ischémique : ils résultent de l’obstruction, par un caillot sanguin, d’une artère du cerveau ou du cou. Les autres sont d’origine hémorragique, liés à la rupture d’une artère du cerveau.

Les signes d’alerte sont les mêmes que ceux d’un AVC, de survenue toujours brutale ; mais au lieu d’être durables, ils sont brefs et réversibles. L’AIT se manifeste par une faiblesse ou une paralysie d’un membre (main, bras ou jambe) ou de la face ; ou bien par une perte de la sensibilité d’un bras, d’une jambe ou de la face. Ce peut être encore un trouble de la parole (une incapacité soudaine à prononcer ou à trouver les mots, une difficulté d’articulation) ; ou bien une perte de la vue d’un il ou des deux yeux. Ce peut être enfin un trouble de l’équilibre.

Dans ces AIT, le patient récupère très vite, généralement au bout de quelques secondes à quelques minutes. Cette fugacité des troubles, leur réversibilité rassurent souvent : et c’est le piège. Car dans 12 à 20 % des cas, l’AIT est suivi d’un AVC au cours des trois mois qui suivent. Telles étaient du moins les statistiques avant 2003, c’est-à-dire avant la mise en place de « cliniques » dédiées spécifiquement à la prise en charge de ces AIT. « Il s’agissait d’offrir une réponse manquante à un besoin de santé publique, explique Pierre Amarenco. Jusqu’alors, quand les patients faisaient un AIT, ils étaient envoyés aux urgences de l’hôpital, mais comme leurs symptômes avaient disparu, ils étaient renvoyés chez eux, puis adressés à leur médecin traitant. Les examens prescrits étaient réalisés dans les 15 jours suivants. Entretemps, bien des patients faisaient un AVC. »

D’où la création, en 2003 à l’hôpital Bichat, d’une première clinique « SOS-AIT ». Dans ce centre, les patients peuvent bénéficier d’une prise en charge immédiate , dans les 24 heures qui suivent leurs symptômes. Le défi : réaliser en moins de trois heures tous les examens nécessaires. A l’issue de ce bilan, 70 à 75% patients rentrent chez eux avec une ordonnance de traitement préventif, 25 à 30% nécessitent un traitement immédiat, et sont hospitalisés sur place.

« Avec ce système bien rôdé, la durée moyenne de séjour d’un patient qui a fait un AIT est de moins d’un jour, alors qu’elle est de 6,5 jours en moyenne en France », souligne Pierre Amarenco. Dès 2007, son équipe démontrait qu’une prise en charge ultraprécoce permettrait de réduire de 80 % le risque d’AVC ultérieur. La même année, ces résultats étaient corroborés par l’équipe anglaise de Peter Rothwell, de l’université d’Oxford.

Seulement deux centres dédiés en France

L’étude publiée le 21 avril dans le New England Journal of Medicine avait un objectif plus ambitieux encore : montrer, partout à travers le monde, l’intérêt de cette prise en charge ultra-rapide des AIT dans des centres dédiés. Ou du moins, dans les 61 cliniques qui participaient à cette étude, dans 21 pays des cinq continents. Au total, 4 789 patients ayant présenté un signe d’AIT ont été inclus, entre 2009 et 2011. Près de 80 % d’entre eux ont pu bénéficier d’une prise en charge dans les 24 heures suivant leurs symptômes. Le risque d’AVC de ces personnes, prises en charge très tôt, a chuté à 6,2 %, un an après leur AIT. Soit un risque diminué de plus de moitié.

Un quart des 120 000 AVC ischémiques ayant lieu chaque année en France, soit 30 000 AVC, sont précédés de signes d’AIT. Si leur risque de survenue peut être réduit de 50 à 80%, grâce à ces cliniques SOS-AIT, ce sont entre 15 000 et 24 000 AVC qui pourraient être ainsi épargnés chaque année . Des résultats qui plaident fortement en faveur d’un développement de ces structures SOS-AIT sur le territoire : il n’en existe que deux effectives à ce jour, à Paris et Toulouse. Au Royaume-Uni, environ 200 structures équivalentes ont été créées à partir de 2008, dans le cadre d’une stratégie nationale de lutte contre les AVC. « Nous estimons que ces cliniques ont permis d’éviter 10 000 AVC par an au Royaume-Uni, et d’économiser 200 millions de livres sterling uniquement en termes de coûts de la prise en charge en aigu », conclut Peter Rothwell.

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