Tourisme de mémoire , le Nord Pas-de-Calais mise sur ses retombées économiques

Tourisme de mémoire , le Nord  Pas-de-Calais mise sur ses retombées économiques

L’héritage laissé par les deux grands conflits mondiaux du XXe siècle est immense. Pour certaines villes, au-delà du traumatisme véhiculé dans la mémoire collective, les vestiges de ces douloureuses années témoignent encore aujourd’hui d’un passé qui questionne. Dunkerque, qui vit depuis lundi au rythme des claps de début et de fin de Christopher Nolan, fait partie de ces « villes mémoires » qui ont subi la destruction puis la reconstruction. Elle profite de cette actualité hollywoodienne inédite pour organiser ce vendredi un colloque international au Kursaal, regroupant dix villes « martyres ».

Renaître de ses cendres

«
Alors que nous commémorons l’Opération Dynamo (fin mai début juin 1940), nous avons souhaité replacer notre agglomération sur la carte du monde et célébrer l’esprit de Dunkerque, cet esprit de résilience qui a permis à notre ville de se redresser
», expliquait récemment Patrice Vergriete, le président de la communauté urbaine.

Des représentants des villes d’Hiroshima (Japon), Saint-Pétersbourg et Volgograd (ex-Stalingrad ; Russie), Gdansk (Pologne), Rostock (Allemagne), Guernica (Espagne), Ypres (Belgique), Bizerte (Tunisie), Caen et Oradour-sur-Glane (France), sont les invités de cette journée ouverte aussi au grand public. Dix villes, avec Dunkerque, qui sont parvenues à renaître de leurs cendres après le chaos.

Elles échangeront sur leur aménagement et leur reconstruction ; la résurgence des sentiments nationalistes et le tourisme de mémoire.

Attractivité

«
Ce patrimoine est un témoin vivant de l’Histoire, note le maire de Dunkerque. Il est nécessaire de le valoriser afin de renforcer l’attractivité de nos territoires. » Chacun le mène sa manière : à Dunkerque, l’office de tourisme propose par exemple aux vacanciers d’acheter des Pass Dynamo, qui incluent une visite du Mémorial du souvenir de l’Opération Dynamo et du Fort des Dunes, autre site témoin de l’Histoire, à Leffrinckoucke.

Il y a encore deux ans, ce tourisme était en dormance dans le Dunkerquois. Il est devenu un axe de développement de l’emploi local clairement affiché. BENJAMIN CORMIER

56,8 MILLIONS DE RETOMBÉES DANS LA RÉGION

Depuis quand le Nord Pas-de-Calais surfe-t-il sur le tourisme de mémoire Nous avons posé la question à Christian Berger, directeur du comité de tourisme de la région.

GIEM

Depuis quand le Nord Pas-de-Calais mise-t-il sur le tourisme de mémoire

« La prise de conscience a d’abord été politique. À l’occasion des 90 ans de la Grande Guerre, le président du conseil régional a senti arriver l’effet centenaire. Et, en 2008, quand on nous a demandé de travailler sur le tourisme de mémoire, il y a eu unanimité des élus sur cette thématique. Un comité de pilotage a été mis en place ainsi qu’un comité scientifique qui a entrepris un gros travail de fond, C’est la première fois que la région allait aussi loin. »

Pourquoi ce travail n’a-t-il pas été mené avant

« La France a une histoire de la Grande Guerre très centralisée sur Verdun et pas forcément toujours glorieuse, contrairement à la Grande-Bretagne qui a combattu pour la liberté des autres, hors de ses frontières. ».

Aujourd’hui, observez-vous déjà les retombées du travail mené

« Notre projet n’était pas la mémoire d’un pays contre un autre, de la France et de la Grande-Bretagne contre l’Allemagne. Nous l’avons abordé d’un point de vue mondial et c’était un bon choix : 45 % des visiteurs sur les sites sont étrangers, alors que ce pourcentage n’est que de 29 % dans la région.

Un visiteur français sur deux est également extérieur à la région et 77 % des gens ne seraient pas venus si nous n’avions pas communiqué sur ces sites. Cela crée du tourisme. Entre juillet 2013 et juillet 2014, les retombées sur le territoire ont été estimées à 56,8 millions d’euros. Et on peut parier que l’on peut l’inscrire dans la durée quand on voit les liens noués avec l’étranger. »

Comment

« En structurant ce tourisme de mémoire car sans doute y aura-t-il un tassement après le centenaire. Nous avons pour cela formé 300 hôteliers-restaurateurs, signé une convention avec le front de l’Est pour travailler ensemble sur la communication autour de nos sites et créer de nouvelles destinations.

Il nous faut aller plus loin et inscrire ce tourisme mémoriel dans un tourisme d’histoire et patrimonial, en créant de nouveaux parcours de mémoire comme celui sur la reconstruction de Bailleul qui montre comment la Première Guerre mondiale a redessiné la ville autour du travail de l’architecte Louis-Marie Cordonnier. Partir des traces laissées par la Grande Guerre pour expliquer les faits historiques et préparer l’avenir. » SOPHIE LEROY

Près de 50 sites dans le Nord Pas-de-Calais et plus de 700 000 visiteurs

Sont recensés 37 sites de mémoire 14-18 et une dizaine de sites 39-45, sans compter les cimetières militaires.

En cinq ans, leur fréquentation est passée de quelque 454 000 visiteurs à 773 500, portée l’an dernier par l’inauguration de l’Anneau de la mémoire à Ablain-Saint-Nazaire ou l’ouverture de nouveaux lieux Lens 14-18, centre d’histoire Guerre et Paix, à Souchez.

Vous avez dit tourisme de mémoire

Le tourisme de mémoire valorise les sites liés aux conflits contemporains. Il est né à la fin de la Grande Guerre par les anciens combattants et les familles endeuillées souhaitant se rendre sur les champs de bataille, lieu de souvenir.

Il s’est surtout développé après les années 80 : 79 % des sites ont ouvert ces 35 dernières années, un sur quatre depuis 2000. La moitié est consacrée à la Seconde Guerre mondiale.

La France compte neuf hauts lieux de la mémoire nationale (dont Notre-Dame de Lorette, trois musées nationaux, 17 musées de tradition, 273 nécropoles nationales et 2 000 carrés militaires dans les cimetières communaux. C’est le ministère de la Défense qui assure la gestion, l’entretien et la valorisation de ce patrimoine.

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