Succession , quand l’un des héritiers ment

Succession , quand l'un des héritiers ment

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Lors d’une succession, il arrive que des héritiers en soupçonnent d’autres d’avoir obtenu du défunt certains avantages, comme des dons en espèces, et de ne pas les avoir déclarés. Ils doivent le prouver au juge, en procédant au besoin, à une analyse détaillée des comptes du défunt. C’est ce qui se passe dans l’affaire suivante, qui oppose Danièle et Patricia X à leur frère, Richard, après la mort de leur mère, Agnès.

Les deux femmes font valoir, auprès de la cour d’appel de Douai, que Richard et sa mère, Agnès, étaient, depuis l’année 2000, co-titulaires d’un compte de la Caisse d’épargne. Le compte était alimenté, jusqu’au décès de celle-ci, le 30 mai 2010, par les seuls revenus de sa pension de veuve de mineur, soit 2 446 euros par mois. Elle ne payait pas de loyer, puisqu’elle était logée gratuitement, et ses charges (téléphone, télévision, électricité, gaz et assurance) s’élevaient à 207 euros par mois. Elles constatent que le compte était néanmoins vidé de ses avoirs chaque mois.

Elles admettent qu’Agnès, ayant vécu chez elle pratiquement jusqu’à la fin de sa vie, avait des dépenses d’alimentation, d’entretien, et vraisemblablement d’aide à la personne. Mais elles estiment que son train de vie ne saurait justifier qu’elle dépense l’intégralité de ses revenus. 

Elles s’interrogent sur la destination des sommes importantes qui étaient retirées en espèces au distributeur. Elles produisent des attestations montrant qu’Agnès gratifiait les enfants et petits-enfants de ses fils, alors qu’elle avait rompu toute relation avec elles, lors de leur visite pour les v’ux le 1er janvier 1996. Elles estiment que Richard, qui disposait d’une carte bancaire, opérait les retraits à son profit.

Mais la cour d’appel de Douai juge en novembre 2014 que, la mère et le fils étant co-titulaires de la carte bancaire, «il est impossible de savoir lequel des deux a procédé aux retraits d’espèces au distributeur ». Elle estime que les deux femmes ne prouvent pas que « les sommes retirées n’ ont pas été remises » à Agnès, et que celle-ci a « utilisé partie de ces sommes pour gratifier son fils Richard »….                    « Les besoins d’une vieille dame, fût-elle coquette ».

Les deux filles montrent qu’à partir de l’année 2004, d’énormes paiements par carte bancaire ont été effectués chaque semaine dans une grande surface. La cour d’appel admet cette fois que « les montants dépensés excèdent les besoins alimentaires et d’entretien d’une vieille dame, fût-elle coquette ». Ils s’élèvent à 74 108 euros pour les années 2004 à 2009. « Ils constituent, pour la proportion des trois quarts, eu égard aux besoin d’une dame âgée de 84 ans en 2004 et 89 ans en 2009, une donation indirecte », juge la cour.

Les deux filles s’étonnent encore de l’importance des dépenses d’essence : 5.539,43 euros, payés par carte bancaire, entre 2004 et 2009 ; elles estiment que cette somme correspond à des pleins pour l’utilisation quotidienne d’un véhicule, et qu’elle excède la simple contribution qu’aurait pu faire leur mère à ses frais de déplacement. La cour d’appel juge que 70 % de cette somme constituent une « donation indirecte ».

A partir de janvier 2010, Agnès n’a plus été en mesure de se déplacer. En février, elle été hospitalisée, dans un état de grande détresse. Ses filles ne comprennent pas que la somme de 10 134 euros ait pu être prélevée sur son compte, en espèces. La cour juge qu’il « est vain de soutenir, comme le fait Richard X, que Mme X ait pu revendiquer durant cette période des besoins conséquents et le désir de procéder à de nouvelles gratifications en espèces à ses proches, alors qu’elle vivait dans l’attente du dénouement de son existence ». Elle juge que le fils doit « rapporter » à la succession la somme de 9500 euros (ainsi réduite pour tenir compte des dépenses d’entretien et des frais de visite et de soins prodigués à sa mère).

Les donations consenties à un héritier sont censées constituer une avance sur l’héritage, sauf s’il s’agit de « présents d’usage » (cadeaux de mariage, de naissance, de réussite à un examen, à conditions qu’ils ne soient pas disproportionnés par rapport au niveau de fortune du défunt), ces derniers n’étant pas « rapportables » à la succession. Celui qui dissimule ces donations peut être accusé de « recel successoral ».

..                                     Recel successoral .

C’est ce qu’ont demandé Danièle et Patricia X, après avoir fourni un courrier de leur frère, qui fixait la part de chacun des héritiers à 817 euros. La cour a jugé qu’il « avait omis sciemment les donations indirectes dont il avait bénéficié» et qu’il avait « porté atteinte à l’égalité des héritiers ». Elle lui a appliqué la peine prévue par l’article 778 du code civil, selon lequel « lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part ».Richard X a donc été condamné à rendre la somme de 68 958 euros, augmentée des intérêts légaux ; il sera ensuite exclu du partage de cette somme entre les héritiers.

Il s’est pourvu en cassation, en se plaignant de ce que la cour d’appel n’ait pas cherché à savoir si les donations n’avaient pas été en réalité effectuées au profit de sa s’ur et des enfants de celle-ci, et si les donations indirectes ne constituaient pas des donations non rapportables.

La Cour de cassation a rejeté son pourvoi, le 16 mars, en jugeant qu’il n’y avait pas lieu de remettre en cause l’appréciation souveraine de la cour d’appel de Douai.

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