Sourires douleurs colères et même colle à papier peint (oui oui !) , on a passé 24 h aux urgences

Sourires douleurs colères et même colle à papier peint (oui oui !) , on a passé 24 h aux urgences

La priorité des urgentistes : prendre en charge les patients. L’enjeu sous-jacent : libérer des lits pour éviter l’attente. Alors le service grouille sans discontinuer. C’est un jeu de chaises musicales et médicales, dans un concert de sonneries de téléphones. Récit, parfumé au gel hydroalcoolique.

> 11 h, infection urinaire

Un colosse au doux visage est allongé sur un lit, dans l’une des six salles d’examen. Hospitalisé il y a dix jours, il se plaint de douleurs lorsqu’il urine : «
Je vais aux toilettes dix à quinze fois par jour, ça me fait des gros frissons. » Le chef du service des urgences, le Dr Grégory Duncan, l’ausculte : «
Il y a une forte suspicion d’infection urinaire. Nous allons attendre les résultats des analyses biologiques au laboratoire de l’hôpital pour conforter l’hypothèse.
»

> 14 h 45, l’attente

Une quadragénaire a franchi les portes des urgences vers 12 h 30. Les pompiers l’ont amenée après un malaise au travail. Depuis, elle est alitée dans un couloir et montre quelques signes de découragement, mais souffle : «
Il y a un monde fou. Mais bon, il faut que j’attende mon tour. Il vaut mieux être dans mon état pas trop grave, plutôt que les gens qui sont prioritaires dans un état inquiétant. »

> 15 h 25, « une journée terrible »

Une infirmière passe la tête dans le bureau des cadres : « Il n’y a plus que quatre paires de béquilles adulte et une enfant’ » Geneviève Bourgain, cadre infirmière anesthésiste présente : « Nous gérons les équipes, les patients, la logistique, nous faisons en sorte qu’il y ait des lits disponibles en faisant le lien avec les différents services. On sait que ça va être une journée terrible et la situation en fin d’après-midi va être encore plus critique. »

La suite lui donnera raison avec quelques situations de blocage temporaire. Dans les couloirs, derrière les portes coulissantes, des râles, des respirations haletantes, des pleurs d’enfants. Mais aussi des sourires avec les patients, des personnes rassurées.

> 20 h 52, le chef hausse le ton

Dans un box, une femme se plaint assez lourdement de ne pas être suivie. Le Dr Duncan arrive et adopte un discours posé mais ferme : «
Bonjour, je suis le chef de service, désolé il y a de l’attente, nous vous comprenons, mais nous avons eu un gros week-end, nous avons un bassin de population important, et pourtant, nous sommes présents. Je m’occupe d’un autre patient qui a perdu connaissance et j’arrive.
»

> 21 h 30, situation bouillante

Une fillette de dix ans a reçu une balle de pistolet à bille dans un il
: paupière gonflée, pupilles inégales, elle voit flou. Elle est transférée en ophtalmologie. Dans le même temps, un jeune homme est placé sous une douche froide forcée après des brûlures aux épaules et au torse. Sa copine lui a jeté une casserole d’eau bouillante lors d’une dispute.

> 23 h 05, une gorgée de décolle papier peint

Un couple est reçu par un médecin, le Dr Chopinaud. La femme, quadragénaire, raconte : « Mon mari est rentré du travail, il a déposé son sac. J’ai voulu faire du rangement et j’ai sorti une bouteille du sac. Je pensais que c’était de l’eau et j’ai bu…
»

Le récipient ressemble bien à une bouteille d’eau. « Mais dedans, j’avais mis du produit pour décoller le papier peint
», indique le mari. Sa femme a vomi plusieurs fois.

Un coup classique, analyse le médecin, qui doit absolument connaître la marque du produit avant d’appeler le centre anti-poison de Lille. Il montre plusieurs photos de produits pour décoller les papiers peints au mari, qui en identifie un. Le centre anti-poison de Lille rassure, il n’y a aucun danger.

> 3 h, une ivresse

«
J’ai mal à ma tête. Je vais vomir. Eeeh, mais j’ai du sang sur les mains
! » Arrivé en titubant, chapeau sur la tête, vers 1 h, un Boulonnais d’un âge indéfinissable se fait recoudre l’arcade sourcilière : «
Je me suis pris un coup de tête par un jeune…
» Cyril, l’interne, fait plusieurs points de suture malgré les gesticulations de la victime alcoolisée, respectueux à sa manière : «
Vas-y, fais ton boulot chef.
»

> 6 h 20, un décès

Un homme est admis aux urgences dans une phase de coma après avoir été trouvé inanimé devant chez lui. Il souffre de plusieurs traumatismes au niveau du visage. Consommateur d’alcool, il est habitué des chutes à cause de l’ivresse. Alors qu’il est placé dans l’espace « urgences vitales », il tombe en arrêt cardio-respiratoire. Il s’est probablement étouffé. Le médecin ne pourra rien faire pour le ramener à la vie.

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