Somalie , colère et incompréhension après l’interdiction d’importer du khat

Somalie , colère et incompréhension après l'interdiction d'importer du khat

Le Monde.fr avec AFP

Le 08.09.2016 à 09h00

Mis à jour le 08.09.2016 à 10h10

Un commerçant somalien de khat.
Crédits : SIMON MAINA/AFP

Depuis le début de la semaine, l’habituel bruit de ferraille et les klaxons continus des camions chargés de khat ont cessé de résonner dans Mogadiscio : le gouvernement somalien a décidé d’interdire temporairement l’importation de cette plante dont les effets euphorisants sont très prisés dans toute la corne de l’Afrique.

Cette décision, dont les raisons n’ont pas été expliquées, a été accueillie avec stupéfaction par les consommateurs et les milliers de personnes vivant du commerce du khat.

« Vous ne pouvez pas juste décréter que le khat est interdit sans dire pourquoi ou sans proposer d’alternative aux gens qui dépendent de son commerce », déplore Naciimo Abdiweli, une mère de cinq enfants qui vend du khat sur un des petits étals qui parsèment la capitale somalienne.

Vingt millions de consommateurs dans la région

Le khat également connu sous le nom de miraa est un arbuste poussant en Afrique orientale et dans la péninsule Arabique, dont les feuilles amères doivent être mastiquées longuement pour procurer une sensation euphorisante.

Il a des effets similaires à ceux des amphétamines et est classé comme une drogue illégale aux Etats-Unis, au Canada et dans la plupart des pays européens.

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En Somalie, le khat est consommé dans le cadre de pratiques sociales, culturelles et religieuses. Mais il conduit aussi à de nombreux abus et à des phénomènes d’accoutumance.

Traditionnellement, la consommation de khat se faisait l’après-midi pour les hommes. Mais ils ont aujourd’hui de plus en plus tendance à en prendre à toute heure du jour et de la nuit.

Les « accros » au khat peuvent dépenser tout leur argent dans l’achat de cette plante, puis passer des heures à moitié assoupis, une bave verte s’écoulant d’entre leurs dents brunies par les feuilles.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la plante provoque irritabilité, insomnie et léthargie. Malgré cela, près de 20 millions de personnes en consomment dans la région.

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Lundi, le gouvernement a décidé d’interdire à tous les avions transportant du khat l’entrée dans l’espace aérien somalien. Le khat consommé en Somalie est produit au Kenya, où de larges communautés reposent sur son commerce pour vivre.

Etals vides

Le ministre somalien des transports, Ali Ahmed Jama Jangeli, a refusé d’indiquer les raisons de cette interdiction. Aucun autre responsable gouvernemental n’a fourni d’explication.

« On nous a dit que le gouvernement avait empêché les avions d’amener le khat (‘), mais nous ne savons pas pourquoi », reprend Naciimo Abdiweli.

L’annonce a également provoqué le mécontentement des producteurs kényans. « C’est une grosse perte pour nous, s’inquiète Dave Muthuri, président de l’Association des producteurs et commerçants kényans de khat. Les cultivateurs se lamentent sur leurs pertes. Ça a pris tout le monde par surprise. »

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Cette semaine, le khat, qui doit être mâché frais car ses effets diminuent au fil des heures, a fané dans des sacs à Meru, au centre du Kenya, où il est cultivé, et à l’aéroport Wilson de Nairobi, d’où il part vers la Somalie.

Aucun sac de khat n’a quitté le Kenya vers la Somalie depuis lundi et des dizaines de tonnes ont été perdues, selon Dave Muthuri.

A l’autre bout de la chaîne, à Mogadiscio, le commerce est au point mort. « On est assis devant des étals vides sur les marchés en attendant des nouvelles, mais il semble que le gouvernement ne veuille pas nous dire ouvertement pourquoi il a arrêté ce commerce », explique Ahmed Ugaas, un négociant en khat.

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Aucun gouvernement ou autorité n’a jamais réussi à interdire durablement le khat en Somalie, que ce soit l’ancien dictateur Siad Barré, les chefs de guerre qui lui ont succédé ou les islamistes radicaux Chabab.

« Ce n’est qu’une question de jours et ensuite ce sera retour à la normale, prédit Zakariye Mohamed, un consommateur régulier que l’interdiction n’affole guère. Le régime militaire [de Siad Barré] était plus puissant que ce gouvernement et il n’a pas réussi à l’interdire. Même les Chabab, qui tuent des gens, n’y sont pas arrivés. C’est un sujet très délicat. »

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