Sciences participatives , les Français prêts à participer à la recherche

Sciences participatives , les Français prêts à participer à la recherche

Le Monde
| 23.05.2016 à 16h54
Mis à jour le
25.05.2016 à 14h50
|

Par Hervé Morin

Mais d’abord, qu’est-ce que la science participative ‘ Voici la définition qu’en donne le récent rapport sur le sujet de François Houllier, PDG de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) : le terme désigne « des formes de production de connaissances scientifiques auxquelles des acteurs non-scientifiques-professionnels qu’il s’agisse d’individus ou de groupes participent de façon active et délibérée ». On parle aussi parfois de sciences citoyennes, de recherches participatives, d’inventaires, de crowdsourcing un foisonnement terminologique qui ne facilite pas l’appréhension du phénomène par le grand public.

Lire aussi :
 

Dix ans d’observations citoyennes des papillons de nos jardins

Compter les papillons dans son jardin, scruter le ciel, partager ses données de santé, jouer en ligne à replier des molécules, trier des images de collisions de particules, optimiser des algorithmes, prêter du temps de calcul de son ordinateur, etc., les modalités et sujets des sciences participatives sont multiples. Depuis les années 2000, souligne le rapport Houllier, le nombre de publications scientifiques s’appuyant sur la participation active des citoyens explose littéralement. La France est au septième rang mondial et représente 4 % de cette production.

Pour François Houllier, la méconnaissance du grand public s’explique par le fait que cette « innovation sociale est encore émergente, à partir d’un socle étroit d’amateurs et de passionnés ». Mais il constate que les questions de santé mobilisent des populations concernées qui, « au-delà de la curiosité scientifique, veulent résoudre des problèmes ». « Aux Etats-Unis, précise-t-il, une large majorité des publications des sciences participatives provient de la recherche médicale. » Pourtant, lors de réunions organisées en préparation de son rapport, « des naturalistes et des associations de malades ont découvert qu’ils ne se connaissaient pas, alors qu’ils avaient des pratiques très proches ».

Emeline Bentz, responsable des sciences participatives à la Fondation Hulot, constate qu’« il y a beaucoup de progrès à faire pour toucher le grand public », mais trouve « encourageant de voir que les gens perçoivent l’intérêt de ces programmes ». La Fondation Hulot s’est donné pour mission d’animer les réseaux de porteurs de ces programmes. « Il y a peu de mutualisation alors que les moyens restent assez faibles », constate-t-elle. Il faut aussi développer le lobbying auprès des institutions scientifiques, où « il y a encore parfois des réticences vis-à-vis de la qualité des données recueillies ».

Lire aussi :
 

Un forum pour échanger sur la science

La physicienne Claire Adam-Bourdarios coordonne les projets de sciences participatives portées par la collaboration Atlas, un des détecteurs du grand accélérateur de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN). Si les sondés placent la physique en queue de peloton des disciplines auxquelles ils pourraient contribuer, elle a plusieurs exemples à faire valoir. Il est possible de prêter du temps machine de son PC, pour des projets de calcul distribué : 10 000 volontaires représentent la puissance d’un centre de calcul d’une université, note la chercheuse. « On peut aussi repérer à l »il nu des événements rares ou spéciaux dans les images tirées des collisions de particules effectuées au CERN », note-t-elle. Vingt-cinq mille « chasseurs de Higgs » ont analysé plus de 100 000 images. Enfin, des participants plus spécialisés ont contribué à améliorer les algorithmes d’extraction de signal par rapport au bruit de fond. « Ces communautés, plus geeks, aiment les défis, tournent tout en concours. » L’implication est à dimension variable.

Un tiers des sondés souhaiteraient recevoir une indemnité financière en échange de leur participation. « Il ne faudrait pas s’orienter vers une ubérisation’ de la science qui poserait vraiment question », prévient Emeline Bentz. Une quarantaine de structures associatives engagées dans les sciences participatives ont demandé à être associées à l’élaboration de la charte commandée par le ministère de la recherche pour juin 2016 et souhaitent que le principe du bénévolat y soit explicité. « Il faudrait rester dans un registre bénévole, sinon il pourrait y avoir des effets non maîtrisables », sur la qualité des données par exemple, voire sur l’emploi scientifique, abonde François Houllier.

Lire aussi :
 

«’Le Turc’» d’Amazon, fournisseur de cobayes en ligne

Autre mise en garde : il ne faut pas voir la science participative comme un moyen de faire de la recherche pas chère : « Ce n’est pas gratuit d’animer des programmes, de recueillir des données solides », souligne Emeline Bentz. Parmi les sondés, 57 % considèrent pourtant que la participation des citoyens pourrait « compenser la baisse de crédits alloués à la recherche scientifique ».

Lire aussi :
 

Budget : l’écologie et la recherche ponctionnées

Romain Julliard, responsable du programme Vigie-Nature au Muséum national d’histoire naturelle, estime que l’un des défis pour les sciences participatives est de « savoir si elles resteront un gadget pour la recherche ou si elles auront un pouvoir transformatif. Les sondés sont lucides sur ce potentiel, mais jusqu’où osera-t-on aller ‘ On donne des compétences aux citoyens pour s’approprier les enjeux. C’est particulièrement adapté dans des situations complexes et de crise, comme pour l’environnement, la biodiversité, où il ne s’agit pas seulement de recueillir des données, il faut aussi agir ». Les sciences participatives, un levier politique ‘

Le Forum Science, recherche et société, qui aura lieu le 25 mai au CNAM à Paris, accueillera une conférence plénière sur les sciences participatives, de 14 heures à 16 heures. Inscription gratuite : http://www.forum-srs.com/

Leave A Reply