Salaires et patrons invisibles , les salariées de l’ex-Dia à Lille piégées

Salaires et patrons invisibles , les salariées de l'ex-Dia à Lille piégées

Caroline Roseuw le reconnaît : son banquier a été « compréhensif ». Mais même un banquier compréhensif a des limites. Et l’employée de l’ancien Dia de la rue du Molinel les a atteintes. «
On n’a plus aucun revenu, on est à zéro.
» Alors, cette semaine, la Madeleinoise a dû se résoudre à demander de l’aide. À la mairie, à la CAF, au Secours populaire. Caroline est pourtant salariée. En CDI. Mais sa dernière paie remonte à juin. Et son employeur s’est comme volatilisé. Comme sa collègue Ludivine, cette trentenaire, qui élève une fille de 5 ans, est piégée. «
On ne veut pas démissionner, ou on n’aura rien.
»

Un projet de chaîne spécialisée dans les produits frais

Il y a deux mois, pourtant, elle y croyait, Caroline. Son magasin, comme 36 autres en France, venait d’être racheté. Par le groupe Gastt. Un illustre inconnu, dont le CV ne compte qu’un service de traiteur et trois épiceries fines à Paris, selon la revue spécialisée Linéaires. Gastt se propose de créer une nouvelle chaîne spécialisée dans les produits frais. En juin, Caroline, Ludivine et leurs collègues d’Avesnes-sur-Helpe sont invitées à une réunion de présentation. «
C’était un beau projet, j’étais convaincue, raconte Caroline. Je devais même commencer à recruter.
» Le mirage va vite se dissiper.

Une aide d’urgence pour les salariés

Fin août, seuls huit magasins, dont ceux de Lille et Avesnes-sur-Helpe, ont été effectivement repris par Gastt. Aucun de leurs 47 salariés n’est plus payé. Dans Linéaires, le président de Gastt, Adam Kuzmicz, dit uvrer à une régularisation «
dans la semaine
».

FGTA Force ouvrière n’attendra pas. La fédération, qui réclame la réintégration des salariés de Gastt chez Carrefour et la restitution des salaires dus, a saisi la justice. La balle est dans le camp du tribunal de commerce de Paris. «
La FGTA-FO va aussi débloquer une aide d’urgence pour les salariés, car on ne peut pas les laisser comme ça
», précise Nathalie Lerouge, représentante de l’union départementale FO 62. Caroline Roseuw, elle, sait déjà que son avenir s’écrira ailleurs. «
J’ai fait une croix sur Gastt. Même si ça se fait, ce sera sans nous. Il n’y a plus de confiance.
»

« La Voix » a cherché à joindre MM. Kuzmicz et Traska, chevilles ouvrières de la reprise, en vain.

DIA, de l’Espagne à la Pologne

La branche française de l’enseigne de hard-discount espagnole (812 magasins) a été avalée en 2014 par Carrefour, au sein d’une filiale ad hoc, Erteco France. Le groupe a intégré des magasins sous son pavillon (City, Market, Contact…) et a mis en vente des dizaines de sites, par choix et sous la contrainte (lors du rachat, l’Autorité de la concurrence a enjoint Carrefour de se séparer de 56 DIA). En mai 2016, 37 de ces magasins étaient rachetés par Gastt, selon la revue spécialisée Linéaires. Trois mois plus tard, seuls huit, dont Lille, ont pour l’heure été repris.

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