Renaud toujours vivant

Renaud toujours vivant

Comment vous est revenu le goût de l’écriture

« L’écriture, c’est revenu en quinze jours. Grand Corps Malade m’a fait écrire cette chanson Ta batterie, que j’ai malheureusement chantée comme un goret sur son disque à lui, Il nous restera ça, sorti en octobre. Il m’a redonné le goût à l’écriture, le plaisir d’écrire. L’envie, surtout. »

Il fallait vous forcer un peu

« Oui, il fallait me bousculer. Je revenais de loin. J’étais au fond du trou, dans des vapeurs anisées, avec ce poison, le Ricard, une drogue dure dont j’ai réussi à sortir du jour au lendemain. Je me suis ressenti vivre à nouveau. Les chansons sont venues très vite. J’en ai écrit une puis deux, puis douze et je me suis dit qu’il fallait que j’aille en studio. Y a trop de gens qui m’aiment, trop de gens qui m’attendent. Ils me le témoignaient tous les jours : On a besoin de toi, Tes mots nous manquent, Tes colères nous manquent »

Cette attente du public, c’est ce qui vous pousse sur scène

« Dès lors que j’ai écrit des chansons, j’ai envie qu’elles vivent et la seule façon de les faire vivre, c’est sur scène. C’est pour ça que j’envisage une très longue tournée à partir d’octobre jusqu’à fin août 2017. »

Vous vous sentez prêt pour ça, physiquement

« Ouais, je pense. »

Plusieurs titres sont en prise avec l’actualité, les attentats…

« L’actualité me bouleverse, me dégoûte, m’inquiète et me révolte trop souvent. Le disque est dédié à toutes les victimes des attentats de Paris’ et tous ces endroits où la barbarie a frappé. »

Vous alternez comme toujours les moments de colère face au monde d’aujourd’hui et les élans tendres pour votre fils Malone, votre petite-fille Héloïse’ C’est ça qui fait l’équilibre de vos disques

« Oui’ Tendresse, colère et fantaisie. Même si sur ce disque, il manque un peu de chansons drôles. Mais bon, c’est un album un peu introspectif. Très personnel. »

Comment les musiques sont arrivées sur vos textes

« Les musiques sont signées Renan Luce et Michael Ohayon, un musicien qui m’accompagne sur scène depuis vingt ans, à qui je trouve un grand talent. Il m’a fait de belles mélodies, des vrais petits joyaux. J’en parle sans pudeur, ce ne sont pas des mélodies de moi’ je peux donc en dire le plus grand bien ! »

Vous avez du mal à dire du bien de vous

« Non, mais je suis gêné, c’est embarrassant’ Trop impudique et parfois prétentieux. Et je ne veux pas tomber dans la prétention. »

Sans prétention alors, ce disque vous en êtes content

« Oh oui ! C’est le disque que je voulais faire. Je regrette juste deux choses : qu’il n’y ait pas de chansons fantaisistes et qu’il n’y ait pas de chansons coup de pieds dans la fourmilière, c’est un disque très moi je
».

Vous aviez besoin de ça, un disque très personnel pour exorciser les démons

« Pour exorciser toute la souffrance de ces dix dernières années’ »

Vous parlez facilement de vos problèmes d’alcool, de couple’ Ce n’est pas impudique

« Quand j’avais écrit Me jette pas, je pensais que mon ex-épouse Dominique allait détester et me traiter de traître, mais elle m’a dit : « Tant que c’est beau, tu peux écrire ce que tu veux. »

Votre retour musical est aussi médiatique. La moindre de vos phrases sur Fillon ou Goldman est montée en épingle pour faire le « buzz ». Vous étiez préparé à ça

« Je m’étais préparé, oui. Je savais qu’on allait extraire des phrases de leur contexte pour créer de la polémique, du clic’ Et ça n’a pas manqué. Il a fallu que je dise un truc sur Goldman au milieu de quelques phrases totalement bienveillantes sur son talent, sa pudeur et sa modestie… J’ai parlé de son écriture, de ses mélodies. Et j’ai juste regretté qu’il ne s’engage pas plus souvent, et qu’il se limite aux Restos du C’ur, qui est une belle invention, même si je trouve l’émission de télé limite craignos. Et c’est devenu « Renaud tacle Goldman », « Renaud s’en prend aux Restos du C’ur »’ La dérive d’Internet ! »

Cela change votre rapport aux journalistes Vous vous méfiez plus

« Je n’ai pas toujours été en très bonnes relations avec les médias en général. En ce moment, je ne rencontre que des journalistes formidables, qui m’aiment’ Mais j’ai toujours la hantise des paparazzis, qui attentent à ma vie privée de manière scandaleuse. »

Vous avez quelques comptes à rendre à cette presse-là’ C’est d’ailleurs ce que vous dites dans la chanson « Toujours debout »

« Je leur en veux de cet acharnement. Mais je n’en veux pas ni à La Voix du Nord, ni à Télérama, bien sûr’ J’en veux essentiellement à la presse people. »

Dans quel état d’esprit êtes-vous au moment où sort le disque

« J’ai une grosse appréhension. Mais si j’en crois les précommandes de 470 000 albums, il y a une grosse attente. Ce qui est un peu inquiétant, au sens positif du terme. J’ai un peu de fébrilité, avec l’espoir que ces 470 000 actuels acheteurs ne seront pas déçus. »

Vous allez guetter les réactions des fans sur internet

« Je ne suis pas trop branché Internet, mais j’ai un copain qui me sélectionne les témoignages les plus énervants et les plus touchants. J’ai peur de décevoir. Il y a eu tel buzz depuis la sortie du premier single. 470 000 préventes quand on connait l’état du marché du disque, c’est incroyable’ »

Plusieurs de vos albums se sont vendus entre 2 et 2,5 millions d’exemplaires, aujourd’hui ce sont des chiffres impossibles’ A moins que celui-là ne batte tous les records !

« J’espère !! (rires) Pas pour l’argent, pour le bonheur. Le bonheur d’exister à ce point-là dans le c’ur des gens. »

Vous vous sentez reparti dans une vraie dynamique, vous pensez déjà au prochain album

« Il est déjà fini ! J’ai écrit 13 chansons pour les enfants, avec des musiques de Renan Luce. Et ça me bouleverse. Je les ai toutes écrites en quatre jours, mais elles ne sont pas bâclées, elles sont d’une infinie tendresse, avec de la rigolade. Les enfants aiment bien quand je dis des gros mots, et y en a plein ! »

Vous les avez testées auprès de votre petite-fille

« Pas encore, non. Je n’ai que deux musiques pour l’instant. Mais j’ai fait écouter à ma fille, elle a adoré. Je lui ai fait lire tous les textes, elle a adoré. »

C’est une juge impartiale

« Elle est sévère en ce qui me concerne, dans tous les domaines. Elle est intransigeante et objective. »

Le disque sorti, vous allez pouvoir attaquer la mise en place de la tournée, les répétitions’

« Les répétitions commenceront mi-août. Là, je commence à me pencher sur la mise en scène. Je fais dix zéniths rien qu’à Paris. J’espère combler leurs attentes. Parce que dix ans, c’est long. Ils m’attendent. Dix ans de perdu. Dix ans à boire. Dix ans à sombrer… »

Vous avez l’impression de devoir le rattraper ce temps

« Oui. C’est pour ça que je me lève à six heures du matin pour écrire. Je ne veux pas qu’ils attendent encore dix ans pour le prochain album. »

Il y a aussi un film en projet

« C’est encore à l’état de projet’ Avec Gustave Kervern et Benoit Delépine, dont j’ai vu le dernier film, Saint-Amour, qui est un petit joyau de poésie et d’humour. Ce sont deux auteurs que j’admire. J’ai vu tous leurs films. Ils sont en train d’écrire un film pour moi, ils me veulent en premier rôle. Alors je vais faire ça avec plaisir. »

Après Germinal, vous restez dans le cinéma social !

« Oui. Entre les deux, y a eu Wanted’ »

Il était plus rigolo celui-là’

« Oui, c’était assez drôle, un film sympa’ Malheureusement, je tournais avec Bohringer, Depardieu et Johnny à une période d’abstinence’ Trois jours avec eux, j’ai replongé. »

L’alcool hante tellement votre vie’

« Quand je dis Toujours vivant, toujours debout , je devrais dire De nouveau vivant, de nouveau debout , parce que j’étais mort pendant dix ans, mort physiquement, socialement, vocalement, artistiquement’ Mort auprès de mes amis désespérés de me voir dans un état pareil. »

Mais vos vrais amis sont restés à vos côtés

« Oui, ils essayaient de me rebooster, de m’aider à arrêter de boire. Mais c’était plus fort que moi. J’avais un goût prononcé pour l’autodestruction. Moi qui suis hypocondriaque et qui aime la vie au-dessus de tout, j’étais à deux doigts d’y passer. J’étais à deux doigts de l’accident cardiaque m’a dit mon addictologue : Vous allez avoir un problème grave, peut-être mortel . Alors j’ai eu très peur et j’ai arrêté. Aujourd’hui, je suis à l’eau et au coca, et je revis. Il est pas né ou mal barré, le couillon qui voudra m’enterrer ! Je suis indestructible. »

Il ne peut plus rien vous arriver

« Non. Si’ je peux avoir un accident de moto. Parce que je viens de me racheter une grosse moto et que j’ai un peu peur. Je suis tombé en la ramenant du magasin ! Des petits coursiers en scooter sont venus m’aider et m’ont proposé un verre pour me remettre de mes émotions’ J’ai décliné, bien sûr. Donc j’ai toujours aussi peur de la mort. Et de la vie.

J’ai tellement d’amis qui sont morts’ Coluche, Étienne Roda-Gil, Franck Langolff, Robert Doisneau, Frédéric Dard’ Et tant d’autres.

Tous, presque. »

Renaud, nouvel album (sans titre) ; chez Parlophone 14, 90

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