Quand Marion Le Pen s’emmêle les pinceaux dans un tweet sur Roubaix

Ce que Marion Le Pen a tweeté

En milieu d’après-midi, ce mardi 24 mai, la députée FN du Vaucluse croit avoir déniché un vrai scandale : le 8 mai, en plein état d’urgence, alors que la France est en lutte contre l’islam radical, un prédicateur saoudien interdit de territoire a réussi à assurer un prêche à Roubaix !

Marion Maréchal-Le Pen tweete ceci : «
En plein état d’urgence, un cheikh interdit de territoire participe à un séminaire islamiste’ à #Roubaix
» L’information, qui s’appuie sur un article de la Voix du Nord, est sensationnelle : elle est d’ailleurs aussitôt relayée par ses supporters : en quelques minutes, le message est retweeté une centaine de fois.

Pourquoi c’est (partiellement) faux

Manque de chance pour la députée frontiste, l’information est un tout petit peu périmée. En fait, elle date bien du 8 mai’ mais de l’année 2015 ! Ce cheikh est bien venu prêcher à la mosquée Abou Bakr de Roubaix. Mais pas du tout sous le régime de l’état d’urgence, puisque celui-ci a été déclenché au soir des attentats du 13 novembre, soit’ six mois plus tard.

La députée supprime son tweet

Informée par nos soins de son erreur, l’équipe qui gère le compte de la nièce de la patronne du FN reconnaît s’être trompée en message privé : «
Vu et supprimé. Erreur de notre part sur l’année.
»

Elle a au moins le mérite d’admettre cette méprise. Mais elle se garde bien de le faire publiquement, alors que son message initial a été vu par des centaines voire des milliers de personnes : Marion Le Pen a 129 000 abonnés sur Twitter.

Pourquoi une députée a pu commettre une erreur aussi grossière

Ironie de l’histoire, Marion Le Pen a en fait été trompée par la « fachosphère », qui n’hésite pas, sous prétexte de « réinformation », à’ désinformer grossièrement. Depuis quelques jours, de nombreux sites d’extrême-droite ont exhumé l’affaire de la venue de ce cheikh à Roubaix, en relayant notre article paru en mai 2015. Par exemple Jeune Nation, ou Transparence Vérité, un site qui porte décidément très mal son nom.

Ressorti du placard, notre article a d’ailleurs connu un étonnant succès depuis quelques jours. Hier, il était le sixième article le plus lu sur notre site. Ces trois derniers jours, il a reçu plus de 30 000 visites.

Pourquoi la venue de ce cheikh posait quand même problème

En dépit de cette manipulation sur la date de cet article, la venue de ce cheikh saoudien à Roubaix posait quand même un sacré problème : pour la troisième année consécutive, après 2013 et 2014, Mohammed Ramzan al-Hajiri a pu venir sans encombre dans la ville nordiste alors qu’il n’a en théorie pas l’autorisation de pénétrer sur le territoire français jusqu’en 2050.

Il fait l’objet d’une fiche « TE » d’opposition à son entrée sur le territoire, délivrée par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) car il serait un «
individu susceptible de troubler l’ordre public en raison de ses prêches islamistes radicaux
». L’homme a légèrement modifié son nom sur son visa en atterrissant en Italie, et la police n’y a vu que du feu.

À l’époque, la mosquée Abou Bakr de Roubaix avait expliqué que la venue de ce prédicateur n’était pas un secret, que son nom s’affichait en grand sur les invitations, et que Mohammed Ramzan al-Hajiri a explicitement condamné les méfaits du terrorisme et de l’État islamique.