Polluants chimiques , Ségolène Royal se dit prête  à poursuivre le contentieux contre Bruxelles 

Polluants chimiques , Ségolène Royal se dit prête  à poursuivre le contentieux contre Bruxelles 

Le Monde
| 20.05.2016 à 10h50
Mis à jour le
20.05.2016 à 12h12
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Propos recueillis par Stéphane Horel et
Stéphane Foucart

Lire notre enquête :
 

Perturbateurs endocriniens : l’histoire secrète d’un scandale

Dans un entretien au Monde, la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, exige la communication de ce document et s’inquiète du poids des lobbys dans des décisions confidentielles qui touchent à la santé publique.

La Commission européenne doit présenter les critères retenus pour réglementer les perturbateurs endocriniens (PE). Quelle est la position de la France sur ce sujet ‘

Il est nécessaire que l’Union européenne se dote d’une réglementation protectrice de la santé et de l’environnement. Cela passe d’abord par l’adoption de ces critères de définition de ces substances. La France soutient l’adoption d’une définition comprenant plusieurs catégories, en fonction du niveau de certitude sur le caractère perturbateur endocrinien d’une substance. En revanche, ces critères ne devraient pas s’appuyer sur la notion de « puissance » : cela permettrait de maintenir sur le marché des perturbateurs endocriniens avérés au motif que leur « puissance » d’action serait faible. Or, le consensus scientifique, ainsi que l’ont rappelé plusieurs chercheurs dont j’ai récemment reçu une délégation, indique qu’il n’est pas possible d’exclure des effets sanitaires négatifs de ces produits, même à de faibles niveaux d’exposition.

La France est favorable à la pleine application des règlements sur les pesticides et les biocides : si une substance est un perturbateur endocrinien avéré, elle doit être retirée du marché.

Que fera la France si les critères présentés par la Commission ne correspondent pas au consensus scientifique ‘

Tout d’abord, j’ai souhaité que la France s’associe à la Suède dans son recours contre la Commission pour son inaction sur le dossier. Des critères de définition des perturbateurs endocriniens devaient être présentés par la Commission en 2013, et cela n’a pas été le cas. En décembre 2015, la Commission a été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne, ce dont je me félicite, car cela montre que nous avions raison.

Le commissaire européen chargé de la santé m’a assuré que la Commission proposerait avant l’été une proposition de critères réglementaires applicables aux perturbateurs endocriniens, dans le cadre des règlements relatifs aux pesticides et aux biocides. Si ces critères ne sont pas conformes au consensus scientifique, en particulier s’ils intègrent la notion de « puissance », la Suède a l’intention de poursuivre le contentieux contre la Commission. Et la France s’y joindra.

Bruxelles a commandé une étude d’impact économique préalable à l’établissement de ces critères de définition des PE. Les autorités françaises ont-elles eu accès à ce document ‘

Non, et c’est très problématique. A ce jour, cette étude n’est accessible qu’aux seuls membres de la Commission. Je demande à la Commission de me communiquer ce document et de le rendre public. Nous allons aussi demander que tous ceux qui travaillent sur ce sujet à Bruxelles et sur toutes les questions de santé publique en général déclarent leurs conflits d’intérêts, car les enjeux économiques sont considérables. La société accepte de plus en plus mal que les lobbys pèsent sur des décisions prises dans le secret.

La France est le premier pays européen à avoir interdit le bisphénol A (BPA), un perturbateur endocrinien, dans les contenants alimentaires. Ne s’est-elle pas isolée sur ce sujet ‘

La France a en effet été pionnière dans la protection de sa population et de son environnement des risques liés au BPA : être en pointe sur ces sujets permet de faire bouger les autres pays. Aujourd’hui, l’enjeu est de porter cette ambition au niveau européen. La Commission a engagé une révision de la réglementation relative au BPA dans les contenants alimentaires et, à l’issue de cette procédure, l’interdiction française pourrait être remise en cause si des mesures moins protectrices étaient adoptées au niveau communautaire. Cela ne serait pas acceptable, vu l’attente des citoyens pour la protection de leur santé, notamment des populations les plus vulnérables comme les femmes enceintes et les enfants.

Pour l’heure, les échanges que j’ai eus avec la Commission sont très inquiétants. Ils indiquent que Bruxelles s’oriente vers l’instauration d’une limite de migration du BPA présent dans les matériaux en contact avec les denrées alimentaires. Si cette option était retenue, elle baisserait le niveau de protection du consommateur.

Compte tenu des incertitudes et divergences scientifiques non encore clarifiées, il m’apparaît que seule l’option interdisant le BPA dans tous les contenants alimentaires doit être retenue. Si cette interdiction a été mise en uvre en France, cela montre qu’elle est possible ! Ces mesures sont en outre un facteur d’innovation et de progrès économique.

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