Peut-on comparer les dossiers Florange et Alstom ‘

Peut-on comparer les dossiers Florange et Alstom '

C’est une annonce qui prend de l’ampleur à l’orée d’une année électorale et en pleine campagne pour la primaire de la droite. Le constructeur ferroviaire français Alstom a annoncé, le 7 septembre, que la production de trains dans son site historique de Belfort serait « transférée » à Reichshoffen, dans le Bas-Rhin, d’ici à 2018.

Le dossier pourrait empoisonner un peu plus le bilan de François Hollande à l’Elysée, certains évoquant un « nouveau Florange », en référence à la fermeture des hauts-fourneaux annoncée par le sidérurgiste ArcelorMittal pendant la campagne présidentielle de 2012.

La comparaison est-elle valable ‘

Suppressions d’emploi dans d’anciens fleurons industriels de l’Est

400 emplois à Belfort

« Alstom c’est Belfort, Belfort c’est Alstom. » Les salariés qui ont manifesté lundi 12 septembre résument l’importance de l’usine de construction ferroviaire installée dans la ville du territoire de Belfort depuis 1879. C’est sur ce site qu’ont été conçues les 1 300 locomotives des TGV français. L’usine compte aujourd’hui 520 salariés.

En raison de la « baisse de commande publique », Alstom a annoncé, le 7 septembre, la fin de la production de trains et locomotives d’ici à 2018, ce qui supprime 400 emplois. L’activité serait transférée sur deux ans dans les autres sites, « sans licenciement », assure le groupe. Toutefois, les syndicats s’inquiètent pour les 1 200 emplois indirects liés à l’usine (sous-traitants, commerçants, etc.).

Reportage :
 

Inquiète pour l’emploi, Belfort retient son souffle

629 emplois à Florange

C’est aussi un ralentissement des commandes qui a justifié en juin, puis en octobre 2011 la fermeture provisoire des deux hauts-fourneaux de l’usine ArcelorMittal de Florange, à 300 kilomètres de Belfort. En février 2012, les syndicats réclament son rallumage. Le gouvernement fait pression mais l’homme d’affaires indien Lakshmi Mittal est inflexible. Au total, 629 emplois sont supprimés sur les 2 800 que comptait l’usine, sans licenciement.

Le site industriel de la vallée de la Fensch, en Moselle, implanté en 1948, était, comme Alstom, un symbole de l’excellence industrielle française à la fin des années 1970. Selon le rapport Faure, réalisé en juin 2012, l’usine était viable et même « l’un des trois sites les plus performants » d’ArcelorMittal. Quatre ans après, l’usine fonctionne toujours.

Deux entreprises en relative bonne santé financière

Alstom anticipe une baisse de commande

Pour justifier l’arrêt de production de l’usine de Belfort, la direction d’Alstom met en avant une baisse globale des commandes après 2018. Pourtant, après de graves difficultés financières au début des années 2000 puis, plus récemment, en 2015, l’entreprise va bien. Comme nous l’expliquions récemment dans cet article, Alstom Transport a dégagé 388 millions d’euros de bénéfices en 2015-2016, sur un chiffre d’affaires global de 6,8 milliards d’euros.

L’avenir n’est pas assombri, puisque son carnet de commandes compte 29,7 milliards d’euros. Mais il manque des commandes en France : les trains sont généralement produits près de là où ils sont vendus et la SNCF a récemment préféré l’allemand Vossloh pour ses futures motrices.

ArcelorMittal face à la crise de l’acier

En 2012, au moment de la fermeture annoncée des hauts-fourneaux de Florange, ArcelorMittal bouclait un exercice faste, avec un bénéfice de 2,26 milliards de dollars (1,29 milliard d’euros) en 2011. Le groupe était toutefois « plombé » par une dette importante (23 milliards de dollars) et a surtout ensuite connu une dégradation de ses comptes par la suite. Il a enregistré en 2012 une perte nette de 3,73 milliards de dollars (2,7 milliards d’euros), souffrant d’un marché de l’acier en crise, notamment en Europe où ses filiales ont alors perdu de la valeur (dépréciation), pour un montant de 4,3 milliards de dollars. Ses pertes ont été moindres mais réelles dans les années qui ont suivi, jusqu’à atteindre 7,9 milliards de dollars en 2015.

L’Etat se mobilise, mais a peu de pouvoirs

Alstom : actionnaire minoritaire

Dans le cas d’Alstom, s’il a longtemps été l’actionnaire majoritaire après la nationalisation en 1982, l’Etat n’a que 20 % des droits de vote au sein du conseil d’administration du groupe. Très précisément, c’est le groupe Bouygues qui détient les actions mais alors qu’il souhaitait vendre sa participation a cédé son droit de vote après un accord avec l’Etat, en 2014.

Avec ces 20 %, l’Etat n’est pas en mesure de bloquer une décision, comme celle de fermer l’usine de Belfort. Son seul véritable levier consisterait à passer des commandes de trains à Alstom, par exemple pour des trains Intercités (une commande de trente trains est à l’étude). Mais, même dans ces conditions, le secrétaire d’Etat aux transports, Alain Vidalies, a reconnu vendredi 9 septembre que ces commandes ne profiteraient pas nécessairement à l’usine de Belfort.

Florange : un accord à l’arraché

Dans le cas d’ArcelorMittal, l’Etat n’était même pas du tout actionnaire du groupe (même si le site de Florange avait été détenu par Usinor, également nationalisé en 1981 avant d’être privatisé en 1995). Autrement dit, les marges de man’uvres étaient moindres. Après la victoire de François Hollande en mai 2012, le gouvernement a un temps envisagé une nationalisation du site mais y a finalement renoncé après un accord avec ArcelorMittal.

Après d’âpres négociations, le groupe sidérurgique s’est engagé en novembre 2012 à investir 180 millions d’euros sur cinq ans sur le site, sans plan social. Quatre ans après, malgré la fermeture des hauts-fourneaux, le groupe a investi 55 millions d’euros, recentrant le site sur certaines activités, et assure que le montant pourrait atteindre 258 millions d’euros d’ici à 2020.

Florange reste un symbole pour François Hollande, car c’est dans cette usine qu’il avait fait la promesse d’obliger les groupes à céder les usines rentables. La « loi Florange », adoptée en 2014, s’est transformée en obligation de rechercher un repreneur avant de faire un plan social, et de rembourser les aides publiques versées deux ans avant la fermeture.

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