Paul Smith ,  Ma boutique la plus prisée est’ mon e-shop 

Paul Smith ,  Ma boutique la plus prisée est' mon e-shop 

Le Monde
| 14.06.2016 à 16h12
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Propos recueillis par Alice Pfeiffer (propos recueillis)

Entretien avec le styliste anglais, qui a ouvert la Fashion Week, jeudi 9 juin, à Londres.

Regarder la mode d’hier alors que les collections qui défilent sont censées montrer celle de demain, n’est-ce pas contradictoire ‘

C’est avant tout une façon de célébrer une relation à la mode profondément britannique. Son message n’a pas vieilli : l’idée étant que l’appropriation prime sur le vêtement ; que la passion et la rage émanant du peuple et de la jeunesse sont des moteurs de création et d’individualité formidables. Les vêtements punk n’avaient finalement rien d’incroyable mais leurs détournements et leurs messages sont pérennes et vitaux.

Y a-t-il encore de vrais punks ‘

Quand je vois la jeunesse, je me dis, « voici des gens qui ont vieilli trop vite, qui s’habillent et qui voient leur vie entière comme un plan com ». Tout est tellement contrôlé par l’argent que cela ne m’étonnerait pas que la prochaine génération se rebelle et recommence enfin à n’en faire qu’à sa tête.

Vous venez de supprimer vos multiples lignes pour n’en garder que deux’

Effectivement, j’avais sept lignes distinctes et il m’a semblé que ce modèle commençait à devenir désuet, coincé dans les années 1990. Nous sommes distribués dans 73 pays et les clients cherchent un message clair, concis, rapidement communicable. A un niveau purement pratique, cela simplifie aussi la production.

Avec Internet, constatez-vous une diminution du temps d’attention ‘

Oui, le consommateur a beaucoup de mal à se concentrer plus de quelques instants. Ma boutique la plus prisée est mon e-shop et nous pouvons constater que, souvent, les achats les plus conséquents sont réalisés en quinze secondes. Les clients sont habitués à recevoir et à trier des masses d’informations chaque minute. Aujourd’hui, les expériences tangibles doivent être singulières, uniques. C’est pour ça que chacune de mes boutiques est différente, propose une offre design et lifestyle [dont des petits mots écrits à la main par Paul Smith dans sa boutique du 9, Albemarle Street glissés sur les étagères]. Les boutiques par centaines identiques à travers le monde, ça, ça appartient à une autre époque.

De plus en plus de marques concentrent leurs défilés homme et femme en événement commun. Pourquoi ‘

Il y a l’aspect financier. Et on ne peut plus se baser sur une organisation saisonnière ou de genre. Tout le monde veut une offre tout au long de l’année. Vous savez ce que serait le futur ‘ Installer une boutique dans un lieu sans le moindre accès à Internet. Ma première boutique faisait 3 mètres carrés et était seulement ouverte les vendredi et samedi. Les gens venaient y trouver de la rareté. La plupart des vêtements avaient été confectionnés par ma femme et moi et n’existaient qu’en deux ou trois exemplaires. Voilà ce qui manque aujourd’hui.

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