Parents et salariés , trouver l’équilibre en vie privée et vie professionnelle

Parents et salariés , trouver l'équilibre en vie privée et vie professionnelle

« Les collaborateurs ne laissent pas leur vie privée sur le parking le matin en arrivant à leur bureau. » Les salariés ont beau porter tailleur, chaussures de chantier, blouse médicale ou bleu de travail, ils ne quittent jamais leur casquette de papa ou de maman. Membre du directoire de la Caisse d’Épargne Nord France Europe, Christine Goeury connaît bien le sujet : la banque travaille depuis quelques années sur l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle de ses salariés. C’est par ce biais qu’elle s’est intéressée aux questions de la parentalité en entreprise.

« Si les salariés sont contents de venir au bureau, s’ils sont disponibles à leur travail, l’entreprise est gagnante », assure Christine Goeury. Des mesures ont été prises pour contribuer à leur bien-être. Bannies les réunions après 17 heures. Acceptés les aménagements d’horaires (si le poste le permet) ou les demandes de travail à temps partiel. Réservés les berceaux en crèche. Bonifiés les chèques emploi service universel pour payer des heures de garde d’enfants ou de ménage… Les parents y gagnent. Les aidants familiaux aussi et, finalement, tous les salariés. «
Ça a un coût, reconnaît Christine Goeury. Mais c’est moins cher ou, en tout cas, pas plus cher que de gérer des dysfonctionnements. Cette politique facilite les recrutements, renforce la fidélisation des collaborateurs… » L’intuition du retour sur investissement est difficile à mesurer. «
Le seul critère observable, c’est celui de l’absentéisme. Et il décroit régulièrement depuis quatre ans. »

Aujourd’hui, 61 % des salariés en France ne sont pas satisfaits de leur employeur sur la question de la conciliation vie privée-vie professionnelle selon le baromètre de l’Observatoire de la parentalité en entreprise. L’articulation des temps de vie est pourtant un thème obligatoire du rapport de situation comparée (RSC), y compris pour les entreprises de moins de 300 salariés.

Performance économique

Environ 500 entreprises qui comptent tout de même 5 millions de salariés ont signé la charte de la parentalité en entreprise. Toutes les sociétés ont pourtant intérêt à s’intéresser à la question, estime Luc Derache, directeur du développement durable de Bayer à Lille : «
l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est un vecteur de performance économique. » L’accompagnement de la parentalité, une question d’efficacité.

Une question de société, aussi selon Christine Goeury : «
Une entreprise de la taille de la nôtre doit contribuer à l’évolution des comportements en son sein mais aussi au-delà, en dehors du lieu de travail.

» Luc Derache confirme : «
Nous estimons que nous ne pouvons pas perpétuer les inégalités entre les hommes et les femmes au sein de notre groupe
.
» Chez Bayer, le processus de recrutement, l’accès à la promotion, le système de rémunération : tout est complètement asexué. Parent et salarié. Un beau métier.

Apprendre à être parent au bureau

Pendant la pause-déjeuner, ou pendant une journée, Marjorie Danna organise des ateliers consacrés à l’accompagnement à la parentalité. «
Il s’agit d’activités ludiques et créatives pendant lesquelles on apprend à mieux se connaître et à se définir en tant que parents.
» Elle intervient dans des établissements scolaires, des centres sociaux ou des collectivités mais aussi dans des entreprises de plus en plus intéressées par le sujet. «
La France est un peu en retard sur ces thèmes mais c’est en train de changer. On commence à parler d’éducation positive, par exemple. Et puis les modèles économiques changent. Il y a une prise de conscience, notamment chez les jeunes entrepreneurs.
»

Prendre un moment pour prendre soin de soi, pour réfléchir à son rôle de parent et pour en apprendre un peu plus. Et voilà un salarié plus serein à la maison et donc au bureau. «
Au-delà, beaucoup de personnes qui ont assisté aux ateliers me disent qu’ils leur ont été utiles dans leur vie professionnelle. Par exemple, j’évoque les langages relationnels. Certains témoignent de leur affection en rendant service, d’autres en faisant des compliments… Mieux comprendre ces modes de fonctionnement permettent de mieux communiquer. Avec ses enfants. Mais aussi avec ses collègues.
» Les parents sont gagnants. Les salariés aussi.

http://comandcit.free.fr/

« L’équilibre influence la performance »

Jérôme Ballarin est président de l’Observatoire de l’équilibre des temps et de la parentalité en entreprise.

Est-ce que les entreprises françaises s’intéressent à la question de la parentalité

« Quand nous avons lancé l’observatoire en 2008, les gens nous riaient au nez. Nous avions une trentaine de signataires de la charte de la parentalité en entreprise. Aujourd’hui, nous réunissons 30 000 établissements qui représentent près de 5 millions de salariés soit 20 % de la population active. C’est un sujet qui devient prioritaire pour les directeurs des ressources humaines. Il y a des articles, des colloques… Globalement, la France n’est pas si mal placée. Mais nous restons dans une culture très présentéiste, dans le management par le contrôle plutôt que dans le management par la confiance, comme au Canada. »

Quel est l’intérêt, pour une entreprise, de veiller à l’équilibre vie privée-vie professionnelle de ses salariés

« Dans notre baromètre, 86 % des salariés interrogés disent que leur équilibre entre vie professionnelle et vie privée a un impact sur leur performance au quotidien. Le salarié bien dans sa vie personnelle est plus contributif. Par ailleurs, on n’est pas innovant ou créatif en consacrant tout son temps à son travail. Ce n’est pas en passant 20 heures à son bureau à chercher une idée qu’on la trouvera. Faire du sport ou aller au cinéma permet de stimuler la créativité. Un bon équilibre a aussi un impact sur la performance. Un commercial qui n’est pas stressé est plus efficace. Il peut parler d’autre chose que du business, entretenir une relation plus profonde, plus authentique. C’est ce qu’on lui demande aujourd’hui. La qualité des réunions aussi est améliorée et donc l’efficacité collective. Si elles commencent dans un climat tendu, les participants seront nerveux. En revanche, une réunion qui va commencer dans la convivialité va générer une bonne énergie. Les entreprises doivent de toute façon souvent s’y intéresser car elles sont confrontées à la puissance de la génération Y voire Z, ou parce qu’elles ont des difficultés à attirer des talents.»

Est-ce que ça a un coût

« Rares sont les enquêtes qui le mesurent. Mais une étude de 2009 avait démontré que si l’on dépensait 100 euros en faveur de la conciliation vie professionnelle-vie privée, ça en rapportait 108 à l’entreprise. En réalité, toutes les entreprises peuvent travailler sur le sujet, quelle que soit leur taille. Les services comme les crèches ou les conciergeries sont plutôt l’apanage des grands groupes. En revanche, les PME sont plus actives en matière de dialogue et d’organisation du travail. »

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