Mariés à titre posthume , J’ai voulu aller au bout de notre histoire

Mariés à titre posthume ,  J'ai voulu aller au bout de notre histoire

Costume bleu, n’ud papillon blanc, rose jaune à la boutonnière. Mark Pace a posé seul devant le photographe, avant d’être chaleureusement encerclé par la famille du défunt. Le 28 mai, à Marcq-en-Bar’ul, le professeur de danse du Ballet du Nord a épousé, à titre posthume, Bertrand d’At de Saint Foulc, chorégraphe, collaborateur de Maurice Béjart, puis directeur du Ballet du Rhin, où son Roméo et Juliette créé en 1990, a marqué les mémoires. «
Une cérémonie très

émouvante, teintée tout à la fois de la tristesse de la perte d’un être cher et de la joie de cette union
», témoigne Alain Chastan, adjoint au maire, qui célébrait un mariage posthume pour la première fois de sa carrière d’élu.

Le mariage aurait dû se tenir deux ans plus tôt, le 6 juillet 2014, à Mulhouse. «
Les contrats de mariage étaient rédigés, les bans publiés. Ma famille venait d’arriver d’Australie
», se souvient Mark Pace, avec un accent anglophone qui laisse deviner ses origines. Mais le 2 juillet, Bertrand d’At de Saint Foulc succombe à une rupture de l’aorte. Le mariage cède la place à des obsèques, «
magnifiques, avec beaucoup de monde
», se souvient avec émotion Mark Pace, qui apprend à cette occasion l’existence du mariage posthume.

Par amour pour celui qui fut son compagnon pendant vingt-cinq ans, et son partenaire de PACS depuis 2000, il s’engage dans la longue procédure nécessaire à son autorisation par la présidence de la République.

« Faire reconnaître cette union »

«
Bertrand m’a fait sa demande dès l’entrée en vigueur du mariage pour tous, c’était très important pour lui. J’ai voulu aller au bout de notre histoire. Faire reconnaître cette union par l’administration française comptait beaucoup pour moi
», explique le professeur de danse. Aucun motif successoral dans cette démarche qui ne confère pas la qualité d’héritier au marié.

Pour être accepté, son dossier doit réunir les preuves de sa vie commune avec le chorégraphe. Une enquête de voisinage est menée. Il rassemble aussi de nombreux témoignages auprès de parents et amis. En janvier dernier, l’autorisation lui est accordée. «
Ce fut un moment difficile, qui m’a replongé dans le deuil. Mais j’ai été très soutenu
», précise Mark Pace.

Aujourd’hui, celui qui porte désormais leurs deux noms, uvre à la mémoire de Bertrand d’At de Saint Foulc. Sur la proposition de l’université Lille 3, il a finalisé la démarche de validation des acquis de l’expérience entamée par le chorégraphe pour enseigner en faculté. Son master lui a été délivré, lui aussi à titre posthume.

Le mariage posthume, une exception franco-allemande

Rares sont les pays où le mariage posthume existe. La France et l’Allemagne font exception. Un point commun qui remonte à la Première Guerre mondiale. Il s’agissait à l’époque d’éviter le difficile statut de fille-mère aux veuves de soldats attendant un enfant. Jusqu’en 1959, le mariage posthume est limité aux temps de guerre et ne concerne que les veuves de soldats ou de marins.

Suite à la rupture du barrage de Malpasset, qui fait près de 500 victimes, la loi du 31 décembre 1959 étend son champ d’application aux civils en temps de paix. Pour éviter son instrumentalisation, elle prend néanmoins soin de limiter sa portée successorale, l’union posthume ne pouvant conférer le statut d’héritier au marié.

Depuis, cette procédure est prévue à l’article 171 du code civil. Elle permet au Président de la République, lorsque des motifs graves le justifient, d’autoriser la célébration d’un mariage malgré le décès de l’un des deux époux, à la condition que le consentement du défunt soit établi sans équivoque. Le texte prévoit qu’aussitôt marié, l’époux acquiert le statut de veuf. Aujourd’hui, cette démarche est le plus souvent entreprise pour sa portée symbolique.

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