Macron prend le large Hollande reste impassible

Macron prend le large Hollande reste impassible

Le Monde
| 13.07.2016 à 11h39
Mis à jour le
13.07.2016 à 15h21
|

Par David Revault d’Allonnes

Emmanuel Macron n’a plus de limites. Le ministre de l’économie s’est appliqué à le démontrer dans un discours de plus d’une heure, prononcé mardi 12 juillet à l’occasion du premier meeting de son mouvement En Marche ! « Ce mouvement, rien ne peut plus l’arrêter (‘) Nous le porterons jusqu’en 2017 et jusqu’à la victoire », a-t-il conclu sous les applaudissements et les « Macron président ».

M. Macron n’a pas fait là que confirmer sa stratégie des derniers mois l’affichage d’une offre politique innovante au-delà des clivages partisans. Il s’est offert, aussi, une démonstration de force, celle d’« un rassemblement large, fort, volontaire, de toutes celles et ceux qui veulent juste changer le pays ». Et, surtout, il a affirmé, sans vergogne mais sans toutefois jamais mordre formellement le trait, une ambition, la volonté de « commencer à écrire une nouvelle histoire ». La sienne.

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« Pouvons-nous encore continuer comme cela ‘ », a feint de s’interroger le ministre devant ses supporters. Manifestement non, du moins pas au sein de ce gouvernement. De nombreux proches le pressent d’ailleurs, une fois encore, de le quitter.

Mais au lendemain du meeting, l’Elysée ne voyait nul casus belli dans la prestation du ministre. Dans l’entourage de François Hollande, on relativisait : « A l’évidence, il fait attention à ce qu’il dit. On est loin de la cuvée du président », en référence à la fameuse sortie d’Arnaud Montebourg qui lui avait coûté son poste de ministre.

« Je suis de gauche. C’est ma famille »

M. Hollande, au conseil des ministres du mercredi 13 juillet, s’est limité à son habituel rappel au « collectif » et à la « cohérence ». Comme si le jeu du supplice chinois entre les deux hommes se poursuivait à l’infini, chacun attendant de l’autre qu’il prenne l’initiative et la responsabilité d’un divorce.

Emmanuel Macron n’a certes pas annoncé son départ, ni sa candidature. Mais il semble de plus en plus larguer les amarres et prendre le large. « Je suis de gauche. C’est mon histoire. C’est ma famille », a-t-il tenu à préciser mardi soir. Avant de déclarer : « Une partie de ma famille a peur d’un monde qui change. » Pas lui. « Imaginez où nous serons dans trois mois, dans six mois, dans un an », a-t-il ajouté, sous un déluge d’applaudissements, dans une allusion tranchante à 2017.

Le 6 avril à Amiens, Emmanuel Macron avait lancé son mouvement, En Marche !, entreprise de porte à porte destinée à recueillir « un diagnostic sur l’état du pays » et par la suite à formuler « une offre politique nouvelle. » Mardi soir, le ministre de l’économie a fait passer sa PME politique à la vitesse supérieure dans la salle parisienne de La Mutualité, haut lieu historique des rassemblements de la gauche et du PS, assaillie pour l’occasion par des syndicalistes pour le moins hostiles à sa ligne et à sa personne.

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Scénographie

A l’intérieur, tout était parfaitement marketé, avec clip publicitaire, badges jaunes ou verts pour gentils organisateurs et gentils membres, et quatre intervenants chargés de chauffer la salle : une jeune diplômée, le président d’une chambre des métiers, le député du Finistère Richard Ferrand et l’écrivain Alexandre Jardin, qui met les pieds dans le plat : « Je demande à Emmanuel Macron de ne plus se poser la question : j’y vais ou j’y vais pas ‘ » Car telle est évidemment la question. La scénographie, sur ce point, annonçait la couleur.

A la tribune, derrière plusieurs dizaines de « marcheurs » assis, un grand fond tricolore, très présidentiel. Bleu, blanc, rouge : sans cravate mais avec prompteurs transparents, micro accroché à la veste, M. Macron arpente la scène sans notes, en mode stand-up, à l’américaine. Clairement en campagne. A première vue, Emmanuel Macron n’a certes commis aucune faute, en particulier à l’égard de François Hollande. Il l’a même positivement cité : « Le président de la République m’a fait confiance, et je ne l’en remercierai jamais assez (‘) Et pendant deux ans, il y a eu beaucoup de choses faites. » Mais deux jours avant la dernière intervention télévisée du chef de l’Etat à l’occasion du 14-Juillet, la seule tenue de l’événement suffit à apparaître comme une provocation. Une de plus.

D’autant que le ministre ne se prive pas de ringardiser, en creux, certaines réalisations ou habitudes de l’exécutif auquel il appartient toujours. « La loi travail, c’est une réforme importante, mais ce n’est plus le combat d’aujourd’hui », assène-t-il. De même pour la loi de transition énergétique, « un texte courageux ». « Mais nous devons aller plus loin. » Après quoi M. Macron esquisse tout de même une critique en creux, quoique assez transparente, de la méthode hollandaise : « Quand on avance à couvert, on a du mal à convaincre’ »

« Ce monde est ancien, il est usé »

Et quand le ministre de l’économie rend hommage à l’ancien premier ministre récemment disparu, Michel Rocard, il en profite pour planter une banderille à Manuel Valls : « On ne récupère pas Michel Rocard. Des gens ont essayé de son vivant, ils n’ont pas réussi. » Un peu plus loin, il s’en prend à ceux qui veulent « inventer de nouveaux textes, lois, normes pour aller chasser le foulard à l’université », en référence à une proposition du chef du gouvernement. Quelques heures plus tôt, depuis le Sénat, M. Valls avait estimé, au sujet de l’activisme de M. Macron : « Il est temps que tout cela cesse’ » Mais l’intéressé n’avait semble-t-il pas l’intention d’obtempérer. « Ce monde est ancien, il est usé, il est fatigué, maintient-il. Il faut en changer. »

La critique politique du président, qui n’a pas regardé la prestation de son ministre, demeure donc feutrée. Mais elle est implacable. Ainsi quand M. Macron s’en prend aux « accords d’appareil » ou lance à la foule : « Vous n’êtes pas venus assister à un énième congrès ‘ » Environ 2 000 personnes étaient présentes dans la grande salle, plus 1 500 dans une seconde ouverte pour l’occasion ; un public nettement plus jeune qu’aux meetings du PS. Côté personnalités, l’on dénombrait tout de même une quarantaine de parlementaires, dont l’ex-ministre de Jean-Marc Ayrault Nicole Bricq, l’ancien ministre de Jacques Chirac Renaud Dutreil, l’écrivain Erik Orsenna, la veuve de Michel Rocard, et d’autres.

Il n’est pas certain que François Hollande ait, en vérité, apprécié ce meeting. Mais M. Macron, lui, n’en a cure, et l’a déjà annoncé : « On en refera d’autres. »

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