Les Lyonnaises montrent la voie au football féminin français
Le Monde
| 27.05.2016 à 10h43
Mis à jour le
27.05.2016 à 11h29
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Par Anthony Hernandez
« Cette victoire donne une dimension supérieure à l’OL, car le football allemand est supérieur au nôtre. » Dans les couloirs du stade Citta del Tricolore, à Reggio d’Emilie, le président inoxydable de l’Olympique lyonnais, Jean-Michel Aulas, résume parfaitement le rapport de force entre le football des deux pays. Mais le sacre européen de son équipe féminine, jeudi 26 mai, est un signe encourageant pour l’avenir.
Après les titres obtenus en 2011 et en 2012, les Lyonnaises ont remporté leur troisième Ligue des champions face à Wolfsburg au bout du suspense (1-1, 4 tab 3). La revanche est savoureuse pour Lyon, qui s’était incliné en finale en 2013 face au même adversaire et trois ans plus tôt, aux tirs au but, face à un autre club allemand, le Turbine Potsdam. Cette fois, le choc franco-allemand a tourné à l’avantage des Lyonnaises. Signe que le football féminin français se rapproche bon an mal an de son modèle allemand. Un Fussball qui inspire depuis des années la Fédération française de football (FFF).
En 2011, la FFF a lancé un « plan de féminisation » qui commence à porter ses fruits. Au mois de février, la FFF a revendiqué pour la première fois 100 000 footballeuses. Le 6 avril, un événement spécial était même organisé à Clairefontaine, centre d’entraînement de l’élite du football hexagonal. Lila Belaggoune, 13 ans et 100 000e licenciée, était invitée à partager du temps avec les Bleues et à incarner la bonne santé du football féminin. La progression fulgurante du nombre de licenciées a de quoi impressionner : en 2011, il n’y avait que 51 000 joueuses recensées’
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Les footballeuses sont désormais 100 000 licenciées en France
Les Allemands ont « dix ans d’avance »
On est encore loin des chiffres du football allemand. Les joueuses allemandes fourmillent à un million sur les terrains sur un total de près de 7 millions de pratiquants. A la FFF, on ne dissimule pas l’inspiration que l’on puise chez le prestigieux voisin. « Lorsqu’on a demandé à nos homologues allemands la base de leur succès, ils nous ont parlé de l’importance de la préformation [12 à 15 ans] et du football à l’école. Ils ont plus de dix ans d’avance sur nous, mais cela nous a inspiré l’opération Le football des princesses’, à destination des écolières et des collégiennes, ainsi que le développement de centres de perfectionnement dans chacune de nos 26 ligues régionales », expliquait, au Monde en 2015, Brigitte Henriques, la secrétaire générale de la Fédération française de football, chargée du football féminin.
Derrière les excellents résultats de la Nationalmannschaft au féminin (deux Mondiaux en 2003 et 2007 et huit championnats d’Europe) et ceux tout aussi impressionnants des clubs allemands en Ligue des champions (9 titres en 14 éditions), c’est le statut de la footballeuse outre-Rhin qui bénéficie d’une aura encore inédite en France. « D’un point de vue général, le foot féminin est plus reconnu en Allemagne. En France, on a encore parfois, de moins en moins, des remarques du genre Ah bon ‘ Tu es une femme et tu joues au football » », déplore Elise Bussaglia, internationale tricolore aux 153 sélections et joueuse de Wolfsburg depuis le début de saison.
A Lyon, fer de lance de la pratique féminine en France, les footballeuses ont toutes les raisons de se sentir considérées. En 2016, elles ont déjà évolué à deux reprises dans le nouveau grand stade, le Parc OL. En demi-finale aller de la Ligue des champions, les joueuses lyonnaises avaient écrasé les Parisiennes 7 à 0 devant 22 050 spectateurs. « Lyon est un cas particulier qui attire beaucoup de supporteurs. En Allemagne, le foot féminin est partout très suivi. La finale de la Coupe d’Allemagne s’est jouée à Cologne devant 15 000 spectateurs et une audience télévisée de 1,5 million », témoigne l’ancienne Lyonnaise Elise Bussaglia.
Pour améliorer l’image du football féminin en France, des progrès peuvent être réalisés en termes d’homogénéité du Championnat de France. Cette saison, l’OL féminin a remporté 19 rencontres, concédé seulement trois matchs nuls, marqué 115 buts et n’en a encaissé que 4. Depuis maintenant dix saisons, Lyon règne en monarque absolu : dix titres consécutifs de championnes de France et six Coupes de France. L’arrivée des Qataris au PSG n’a guère changé cette ultradomination, malgré le plus important budget européen (environ 7 millions d’euros) et une finale européenne en 2015 après avoir éliminé Lyon en huitièmes de finale.
Ligue des champions féminine :
Avantage aux Lyonnaises face au PSG
Objectif JO
En Allemagne, au cours des dix dernières années, quatre clubs différents ont ainsi été sacrés : Francfort (2007 et 2008), Turbine Potsdam (2009 à 2012), Wolfsburg (2013 et 2014) et le Bayern Munich (2015 et 2016). « La Bundesliga féminine est plus équilibrée. Les Allemandes jouent des matchs à forte intensité tous les week-ends ; ce qui oblige à se donner à fond. Elles y puisent une grande force mentale », analyse Elise Bussaglia. Un avis partagé par la capitaine lyonnaise, Wendie Renard : « Leur championnat est plus disputé. Sans manquer de respect, quand on se déplace à La Roche-sur-Yon, les gens ne savent pas où c’est’ Un PSG-OM, c’est plus vendeur footballistiquement’ parlant. »
L’évolution semble pourtant positive, puisque le prochain championnat offrira les deux premiers OM-PSG de l’histoire du football féminin. En effet, trois clubs, traditionnellement membres de l’élite chez les hommes, verront leur récente section féminine accéder pour la première fois à la Division 1. L’OM, le FC Metz et les Girondines de Bordeaux n’auront pas encore les armes pour rivaliser avec Lyon mais participeront à l’élévation générale du niveau. Des signes encourageants avant l’organisation du Mondial 2019 en France. Là aussi, le modèle allemand, hôte d’un Mondial 2011 très réussi, est étudié de près. « Ils avaient notamment parfaitement réussi à mobiliser le public des clubs et des écoles », abonde Brigitte Henriques.
Dans la foulée des succès des Lyonnaises, qui forment l’ossature de l’équipe de France (10 joueuses sur 23 pour affronter la Grèce le 3 juin), il ne reste plus aux Bleues qu’à remporter un premier titre international. Pour ce faire, il faudra certainement se coltiner encore une fois les Allemandes cet été à Rio lors des Jeux olympiques. En effet, si les Françaises terminent deuxièmes de leur groupe, derrière les intouchables Américaines, elles devraient affronter l’Allemagne dès les quarts. L’occasion de prendre une revanche éclatante : l’an passé lors du Mondial canadien au même stade de la compétition, les joueuses de Philippe Bergeroo avaient été éliminées aux tirs au but par leurs meilleures ennemies.