Les erreurs d’un message alarmiste sur les shampoings pour bébés

Les erreurs d'un message alarmiste sur les shampoings pour bébés

Le Monde
| 26.05.2016 à 17h24
Mis à jour le
26.05.2016 à 18h33
|

Par Adrien Sénécat

« Je suis énervée, révoltée ! » Un message alarmiste publié le 23 mai sur Facebook dénonce la présence de « produits chimiques » supposés dangereux dans des shampoings pour bébés. Le premier est un « dermo-nettoyant » de la marque Mustela, le second est une « crème de bain » Galenco Baby.

L’auteure du message, qui est par ailleurs administratrice de la page Facebook de Bi’Oh, une marque de produits cosmétiques, a publié des photos des shampoings visés et de leur composition :

Selon ce texte, la présence de PEG (polyéthylène glycol) dans ces produits, visible sur l’étiquette, pose problème :

« Pour info, les PEG (polyéthylèneglycol) sont des émulsifiants fabriqués à partir de substances cancérigènes. L’éthoxylation est un procédé chimique dur, hautement explosif. Est-ce que vous vous rendez compte de ce que c’est ‘ ! Et on laisse des parents mettre ça sur la peau de leurs bébés ! »

Ce coup de gueule a rapidement fait son chemin. Il a été partagé environ 40 000 fois sur Facebook en trois jours, et des milliers de parents ont exprimé leur inquiétude dans les commentaires.

POURQUOI C’EST FAUX

Sauf que ce cri d’alarme n’est pas justifié sur cette substance. Ou tout du moins, il est impossible d’affirmer qu’il s’agirait de produits dangereux pour les enfants sur la seule foi de ces étiquettes. Il y a des substances dont la seule mention sur une étiquette peut alarmer comme le méthylisothiazolinone, qui est un allergène, mais pas le PEG.

Les composés mis en cause par cette internaute, les PEG, ont des propriétés épaississantes et gélifiantes utilisées par plusieurs industries aussi variées que la cosmétique, l’alimentation, des produits lubrifiants ou dans des médicaments contre la constipation.

En tant que tel, le polyéthylène glycol n’est pas considéré actuellement comme dangereux par la communauté scientifique. Une étude de l’université de Toulouse estime même qu’ils pourraient contribuer à la prévention du cancer colorectal.

L’ONG Women in Europe for a Common Future (WECF) a publié en février une étude qui alertait sur la présence de substances à risque dans de nombreux produits cosmétiques pour bébés (la liste des substances concernées est disponible dans son rapport). Elle reposait sur l’étude des étiquettes de ces derniers, mais n’évoquait pas les PEG. Tout simplement car « les PEG ne sont pas toxiques en eux-mêmes », explique Marie-France Corre, ingénieure en matériaux et consultante en consommation responsable, membre du comité d’expertes du WECF.

Une confusion entre le produit et un contaminant

Pourquoi alors, voit-on les PEG présentés comme des substances à risque Ce post Facebook alarmiste semble en fait être le fruit d’une confusion. « Il peut y avoir une problématique avec les PEG selon leur mode de fabrication » (la fameuse éthoxylation), indique Marie-France Corre. Certains types de PEG (il en existe des centaines) ont été, dans des cas précis, contaminés par du dioxane, une substance qui est effectivement cancérigène, à cause de la manière dont ils ont été produits.

Mais l’ingénieure prévient : impossible de savoir si les PEG ont été produits correctement ou non en lisant une étiquette. Seuls des tests pourraient permettre de le savoir. « Je ne vais pas fuir les produits qui contiennent des PEG de façon absolue », tranche-t-elle, estimant par ailleurs qu’il n’y a « pas lieu de s’affoler » a priori pour des produits qui ont vocation à être rincés, comme les shampoings.

Par ailleurs, « on en trouve aussi dans des produits fabriqués à partir d’ingrédients naturels », et les produits de substitution peuvent présenter les mêmes risques, selon elle. En résumé, c’est à son sens aux fabricants d’apporter des garanties sur le sérieux de leurs méthodes de fabrication, mais le consommateur ne peut pas en juger en lisant la composition du produit dans le cas du polyéthylène glycol.

Contactés par Le Monde pour en savoir plus, Galenco assure être attentif à ces problématiques :

« Lors du développement des produits pour bébés, une attention particulière est (…) accordée à la sélection des matières premières. À cet égard, d’importants critères de sélection sont le profil toxicologique, la qualité microbiologique et la pureté des matières premières. Galenco utilise uniquement des liaisons PEG, autorisées par la législation européenne. Elles présentent un degré de pureté élevé et un excellent profil de sécurité. Tous les produits Galenco sont conformes aux exigences européennes et, dès lors, sûrs pour les enfants et les bébés en cas d’usage normal. »

Mustela, de son côté, dit également faire de la sécurité de ses produits une « priorité » et avoir pour politique de réviser ses formules « dès qu’un ingrédient est questionné ». La marque dit avoir éliminé de nombreux ingrédients considérés comme dangereux comme le phenoxyethanol, le paraben ou le benzophenone. Concernant les PEG, elle indique qu’ils sont effectivemment « critiqués notamment du fait de leur procédé de fabrication considéré comme peu sûr et peu écologique. Chez Mustela, nous sommes particulièrement vigilants et sélectionnons des PEG de grande qualité de façon à garantir à l’utilisateur la plus grande sécurité de nos produits. »

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