Le Brexit fait bouillir la Marmite

Le Brexit fait bouillir la Marmite

Conséquence inattendue du Brexit : une guerre commerciale entre le fabricant de la pâte à tartiner et une chaîne de supermarché, sur fond d’effondrement de la livre. Et la principale victime pourrait être la pâte à tartiner préférée des Britanniques.

Le Monde
| 13.10.2016 à 14h54
Mis à jour le
13.10.2016 à 15h13
|

Par Violaine Morin

C’est une conséquence insoupçonnée du Brexit que les Britanniques n’envisageaient pas, même dans leurs pires cauchemars : la Marmite est en train de « disparaître » (si vous ne connaissez pas, c’est une pâte à tartiner marron foncé faite à partir de levure de bière, délicieuse ou dégueulasse, selon des goûts). Plus exactement, les supermarchés Tesco ont retiré le célèbre et clivant condiment de leur site de vente en ligne. On peut encore trouver de la Marmite dans les rayons de leurs magasins, mais peut-être plus pour très longtemps. D’autres chaînes menacent de faire de même (article payant).

Un bras de fer financier, désormais suivi par tout un pays potentiellement en manque de pâte à tartiner, oppose le groupe Unilever, propriétaire de la marque, et Tesco.

Des dizaines de produits du groupe Unilever, multinationale tentaculaire et premier groupe agroalimentaire en Angleterre, sont concernées : de la vinaigrette en bouteille à la lessive en poudre en passant par le gel douche. Et au-delà de la symbolique Marmite, des aliments plus consensuels comme les glaces Ben & Jerry’s et la mayonnaise Hellman’s pourraient disparaître du sol britannique.

Humour noir et peur de pénurie

D’un point de vue purement économique, Unilever, entreprise installée aux Pays-Bas, ne fait qu’absorber ses pertes liées à la chute de la livre. Mais les Anglais, visiblement toujours aussi sonnés et divisés par le Brexit, ne veulent pas en entendre parler, d’autant que la Marmite n’est pas un produit importé : il est entièrement fabriqué en Angleterre.

A voir leurs réactions, pleines de l’habituel humour absurde et autoflagellant, tout se passe comme s’il fallait se préparer à un état de siège. La Marmite est menacée et tout le monde, fan ou détracteur, veut faire entendre son opinion (« love it or hate it » est d’ailleurs l’un des slogans de la marque).

Le hashtag #MarmiteGate est une bonne source d’information et de blagues. On s’amuse de voir un pays se rendre compte qu’il va peut-être bientôt perdre un produit symbolique et connaître une sorte de crise de nerfs collective :

Enfin, il y a ceux qui s’attendent vraiment au pire et voient en la disparition pure et simple de la Marmite les prémices d’une guerre civile en bonne et due forme. Le Financial Times, après avoir couvert fort sérieusement le conflit entre Unilever et Tesco, a publié une « lettre du futur » envoyée par un correspondant imaginaire vivant en 2019 (article payant) : ça ressemble un peu à la fin du monde, la Marmite en moins.

« Ils me trouveront et me tueront. Pas pour de l’or, du pétrole ou du pain, mais pour quelque chose d’infiniment plus précieux désormais : un petit pot de Marmite. »

L’ami épistolaire du futur nous apprend qu’il n’y aura bientôt plus que quelques camps retranchés où survivront des vestiges de l’industrie britannique : l’usine de voitures Land Rover de Solihull (Ouest) et celle des vestes de chasse de la marque Barbour à South Shields (Nord-Est).

« La mince victoire du leave’ au référendum de 2016 m’avait fait penser que le Brexit ressemblait à ma pâte à tartiner préférée, conclut-il, à l’article de la mort. Les gens l’aiment ou le détestent. Rétrospectivement, le Brexit a été beaucoup moins apprécié que cela. Adieu ! »

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