Le Brésil en mal de confiance

Le Brésil en mal de confiance

Editorial du « Monde ». Une époque s’achève au Brésil, et de la pire manière qui soit. Ce n’est pas anedoctique. Avec plus de deux cents millions d’habitants, le Brésil n’est pas seulement le pays phare de l’Amérique latine. Son produit intérieur brut, qui doit figurer au septième rang du classement mondial, en fait aussi l’une des grandes économies émergentes les plus prometteuses. A quoi on ajoutera que Rio de Janeiro, une de ses villes les plus dynamiques, doit accueillir les Jeux olympiques dans trois mois.

Laborieusement réélue en 2014, la première femme présidente du pays, Dilma Rousseff, a vu ce second mandat brutalement interrompu, jeudi 12 mai, à la suite de man’uvres qui n’honorent pas l’ensemble d’une classe politique brésilienne largement déconsidérée. Officiellement, Mme Rousseff a été « suspendue » six mois au terme du vote de 55 sénateurs sur 81, dans la nuit de mercredi à jeudi , le temps que le Sénat la juge lors d’une procédure de « destitution ».

Comme il est vraisemblable qu’elle aboutisse, Mme Rousseff quitte sans doute la présidence pour de bon, deux ans et sept mois avant la fin de son mandat. Elle est jugée non pour un crime, mais pour avoir truqué sa présentation de la loi de finances. En clair, elle a voulu masquer l’importance du déficit budgétaire de l’Etat on connaît, en Europe, un certain nombre de pays où cette tentation, sinon cette pratique, est assez familière.

La pire récession depuis un siècle

En réalité, cette triste affaire est la dernière manifestation d’un énorme malaise provoqué par la mise au jour d’un monde politique largement corrompu, à droite comme à gauche. Il eût sans doute mieux valu des élections : elles n’auront pas lieu avant 2018. Avec pas moins d’une trentaine de partis représentés au Congrès ce qui oblige la gauche comme la droite à gouverner avec des alliances pour le moins bancales , c’est tout le système politique brésilien qui semble à bout de souffle.

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Le départ de Mme Rousseff marque la fin de treize années d’un pouvoir exercé par le centre gauche, ce Parti des travailleurs (PT) façonné par le président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010). Le Brésil lui doit sans doute beaucoup et, notamment les Brésiliens les plus pauvres. Mais Mme Rousseff n’a pas pu ou pas su marier une politique sociale-démocrate à un redressement des comptes publics rendu d’autant plus nécessaire que le pays traverse une crise économique profonde du fait de l’effondrement des cours des matières premières.

Car au malaise politique s’ajoute une forte crise économique. Le pays traverse la pire récession depuis un siècle : l’investissement est au point mort, la consommation stagne. La confiance des investisseurs et des consommateurs paraît durablement entamée, l’ensemble sur fond d’infrastructures souvent défaillantes.

Membre du centre-droit, ancien allié de Dilma Rousseff, chef d’une formation, le Parti du mouvement démocratique brésilien, elle aussi touchée par les affaires de corruption, le vice-président, Michel Temer, 75 ans, assume la présidence jusqu’en 2018. Sa tâche est lourde. Il lui revient de laisser la justice suivre son cours, de rétablir la confiance des agents économiques et de redresser les comptes sans ajouter à la récession.

Il gouvernera avec une majorité où droite et gauche sont représentées et avec une équipe de technocrates. Reste à voir s’il aura le talent requis pour récréer ce dont le Brésil a le plus besoin : la confiance dans ses dirigeants.

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