La revendication des meurtres de Magnanville a eu lieu en direct sur Facebook

La revendication des meurtres de Magnanville a eu lieu en direct sur Facebook

Le Monde
| 14.06.2016 à 14h55
Mis à jour le
14.06.2016 à 16h40
|

Par Florian Reynaud et
Michaël Szadkowski

Comment le terroriste Larossi Abballa, qui a tué lundi 13 juin un policier et sa femme à leur domicile à Magnanville, a-t-il réussi à communiquer et à revendiquer instantanément ses actes ‘ Par un canal de communication vidéo accessible de son téléphone : un profil Facebook.

Selon les premières constatations du journaliste David Thomson, qui ont été confirmées mardi 14 juin par le procureur de la République François Molins, Larossi Abballa a utilisé l’application Facebook Live pour diffuser une vidéo de douze minutes à partir de 20 h 52 lundi soir, soit à peu près le moment où le policier succombait à ses blessures devant son domicile.

Comme le montre une capture d’écran effectuée par David Thomson, cette vidéo a été postée sur un profil Facebook au nom de « Mohamed Ali ». Le journaliste, spécialiste de l’organisation Etat islamique et des activités numériques des mouvances djihadistes, a précisé à l’AFP que ce « Mohamed Ali » faisait partie de ses abonnés Facebook, sans qu’il connaisse personnellement la (ou les) personne(s) derrière ce compte.

« Long message de revendications »

Dans la vidéo diffusée en direct, Larossi Abballa, « très calme et souriant », a déroulé « un long message de revendication » qu’il semble avoir « écrit plus tôt », selon les explications données par David Thomson mardi.

Le journaliste a décrit sur son compte Twitter certaines scènes horrifiantes contenues dans les douze minutes de direct : « L’auteur de l’attentat appelle à tuer les policiers, les gardiens de prison, les journalistes, les rappeurs et il cite de nombreux noms. (…)’On a répondu favorablement à cheikh Adnani’, l’Euro sera un cimetière’, dit-il notamment dans la vidéo. » François Molins a confirmé, mardi après-midi, la nature de ces informations et menaces proférées par Larossi Abballa sur la vidéo Facebook Live repérée par David Thomson.

Un canal de diffusion à « des contacts de l’Etat islamique »

Derrière le nom « Facebook Live » se trouve une nouvelle fonctionnalité du réseau social le plus utilisé par des Français, disponible en France depuis la fin de janvier. Elle permet à tous les utilisateurs de Facebook sur mobile de diffuser en direct sur leur profil des vidéos filmées avec leur smartphone (soit ce que propose aussi, par exemple, Periscope).

L’utilisation de Facebook Live a rendu impossible une médiation par une tierce personne qui aurait pu recevoir cette vidéo et la poster après coup sur le compte Facebook au nom de « Mohamed Ali ». En effet, l’architecture de Facebook Live ne permet pas aux utilisateurs lambdas de Facebook de diffuser en direct des images qui ne sont pas directement filmées avec leur smartphone.

Pour Larossi Abballa, la vidéo Facebook Live était une manière de donner une visibilité directe et immédiate à ses actions aux personnes qui étaient en contact avec le profil Facebook « Mohamed Ali », tout en l’identifiant à coup sûr comme l’auteur des images.

Dans son interview à l’Agence France-Presse, David Thomson explique que Larossi Abballa a demandé « à ses 160 abonnés Facebook, et plus particulièrement à ses contacts de l’Etat islamique, de faire le communiqué de revendication de son attaque, ce qui explique la rapide revendication par l’Etat islamique via l’agence Amaq » des meurtres de Magnanville.

Selon le journaliste, « la vidéo a été vue par 98 personnes avant d’être retirée onze heures après sa diffusion ». Une fois la diffusion d’une douzaine de minutes en direct terminée, les images se sont en effet transformées en vidéo classique, restant accessible aux contacts du profil Facebook au nom de « Mohamed Ali », ce qui a permis au journaliste David Thomson d’en retrouver la trace.

Ce compte Facebook a ensuite été rendu inaccessible mardi 14 juin en début de matinée, sans qu’on sache si Facebook ou d’autres personnes ont pu supprimer ce profil. Contactées mardi, les équipes du réseau social n’ont pour le moment pas répondu aux sollicitations du Monde à ce sujet.

Des photos également sur Twitter

Dans les médias et dans les espaces de conversation en ligne (comme JV.com), un autre profil Facebook, au nom cette fois de Larossi Abballa, était par ailleurs cité dès lundi soir. Les internautes et le magazine Le Point ont pu y trouver les premières vidéos et photos de l’homme abattu par le RAID, depuis diffusées largement en ligne, ce qui a permis de mettre mardi matin un visage sur le nom du terroriste.

Toujours selon les constatations de David Thomson, ce compte n’a pas du tout utilisé lors des meurtres. C’est sur le profil Facebook au nom de « Mohamed Ali » que le tueur a publié des photographies des victimes au cours de la soirée. Des publications qui coïncident avec la diffusion de telles images sur le réseau social Twitter. Dès minuit, la police nationale a appelé à ne pas « contribuer à la diffusion de photos malveillantes » sur Twitter en faisant directement référence à l’attaque de Magnanville.

Le procureur de la République François Molins a ensuite dit que Larossi Abballa avait posté « deux tweets » pendant les assassinats sur un compte Twitter ouvert le 8 juin, sans en préciser le contenu.

Contacté par Le Monde, Twitter a refusé de commenter les témoignages liés aux images de Larossi Abballa et a dit que le réseau social « condamnait l’usage de Twitter pour faire l’apologie du terrorisme ». Twitter a ajouté que plus de 125 000 comptes faisant l’apologie du terrorisme, « principalement liés à l’Etat islamique » ont été supprimés depuis la mi-2015.

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