La pleine conscience , une pratique anti-stress à la mode

La pleine conscience , une pratique anti-stress à la mode

C’est un atelier découverte où se sont inscrits une vingtaine de personnes, des jeunes, des moins jeunes, des femmes, plusieurs hommes, des adeptes déjà de la méditation mais pour la plupart qui n’en ont jamais pratiqué aucune forme. Des profils différents venus, pour une dame, sur les conseils de son thérapeute, et pour les autres pour des raisons qui leur sont propres mais où perce une attente commune, importante : « Lâcher prise. »

La plupart de ces gens veulent se libérer du stress, de la pression, vivre mieux. Alors Emmanuel Faure, l’instructeur (1), prend beaucoup de précautions : « La pleine conscience, ce n’est pas une piqûre qu’on vous ferait et qui vous ferait aller mieux. »

Elle n’est pas un remède miracle instantané, elle exige un investissement personnel important, du temps, huit semaines pour un programme complet avec des exercices quotidiens à pratiquer chez soi. Même si la séance découverte dure presque trois heures, elle est donc juste un avant-goût.

Où domine une idée : faire en sorte que l’on soit vraiment là, dans cette salle, apprendre à « muscler notre esprit », dit Emmanuel Faure, pour qu’il se pose dans l’instant présent et l’empêcher de vagabonder, dans le passé, le futur, emmené par le flot continu de pensées qui le traverse.

« Être vraiment là »

Il invite les participants à fermer les yeux et bien calés sur leurs chaises, les coussins, à penser aux sensations présentes, le contact de la chaise sur la peau, la fraîcheur de la salle, le battement de notre c’ur, le bruit de notre souffle… De longues minutes. Pas facile de chasser les pensées qui s’invitent et de revenir sur cette chaise.

Pour aider, des exercices qui paraissent enfantins ouvrir la main à plat et au signal de l’instructeur la refermer pour tenter d’attraper le doigt que votre voisin a posé dessus nous font sourire. Sauf : « Qu’au moment où je donne le signal, tout le monde est extrêmement concentré », tout le monde est vraiment là. Il nous parle de la façon dont fonctionne notre esprit, de nos réactions. C’est intéressant, ça donne à réfléchir, sur le moment et plus encore les jours qui suivront.

Trois heures ont passé très vite. Emmanuel Faure prend le temps de remercier les gens qui l’entourent, « pas par pure courtoisie mais parce que vous avez pris un moment pour vous, et que c’est déjà énorme ».

« Ce n’est pas moi », glisse un homme à sa compagne. D’autres au contraire repartent « convaincus », « intéressés », « contents », « impatients ». « J’ai fait pendant deux ans de la sophrologie, nous raconte en sortant une dame, déjà initiée. C’était bien mais l’effet était momentané. Avec la pleine conscience, c’est différent, plus profond, je me sens transformée. Rien n’a changé mais la vie me paraît plus gaie. Légère. »

Ça vient d’où

À la fin des années 1970, Jon Kabat-Zinn, un psychiatre américain qui travaillait sur l’anxiété, le stress dû à la maladie, s’est intéressé à cette technique de méditation, l’a épurée de sa dimension religieuse (il l’a découverte dans le bouddhisme) et l’a appliquée chez ses patients, avec des résultats très encourageants. Il a gardé ce qui fonctionnait et l’a associé aux neurosciences.

(1). Renseignements sur le programme et prochaines sessions sur www.mbsr-lille.fr

Quand les chefs d’entreprise lâchent prise

«
Avant une réunion importante, je prends désormais cinq minutes pour méditer.
» David Charlemagne est chef d’entreprise, il dirige deux bureaux d’études en ingénierie du bâtiment, à Roubaix et à Saint-Omer. Il y a deux ans, il a commencé à s’initier à la méditation de pleine conscience. Il a suivi le programme MBSR (une méthode qui permet, grâce à des exercices, de se focaliser sur le moment présent). Et puis l’année dernière, il en a parlé au Centre des jeunes dirigeants (CJD). «
Beaucoup de chefs d’entreprise, au même titre que les salariés, sont surmenés, fatigués, stressés.
»

La méditation de pleine conscience a été présentée au cours d’une séance plénière du CJD. «
Plusieurs personnes se sont montrées intéressées.
» Une vingtaine ont finalement suivi le programme MBSR pendant huit semaines. C’est Emmanuel Faure qui a assuré l’enseignement. La chaire STICO de l’Université catholique de Lille, qui étudie sous l’angle de la santé l’activité des cadres et dirigeants, s’est penchée sur les effets de ce programme. Les premiers résultats sont positifs, tant dans la sphère personnelle (amélioration de la qualité des instants passés avec ses proches, sérénité…) que professionnelle (augmentation de la capacité d’écoute, rapprochement avec les collaborateurs, prise de recul…).

David Charlemagne, lui, a suivi le programme MBSR pour la deuxième fois. «
Je pense que si je vais bien, le monde va mieux. Ça va bien au-delà de la fonction de dirigeant. La méditation est pour moi une respiration qui m’évite d’être hamstérisé’, c’est-à-dire d’être coincé dans une roue, à courir toujours plus vite, sans avancer, jusqu’à l’épuisement.
J’ai l’impression de faire encore davantage confiance à mes collaborateurs. J’arrive à prendre de la distance. L’entreprise n’est pas toute ma vie. Et chez moi, j’ai plus de capacité à me poser. Je suis plus attentif à mes enfants. Quand on médite, les choses s’éclaircissent.
» Convaincu, il a proposé à ses salariés de suivre une séance de découverte de la méditation de pleine conscience. Ils y ont tous participé. L’idée fait son chemin.
V. S.

Plus de renseignements sur l’expérience menée par le CJD et l’Université catholique : www.dirigerenpleineconscience.fr

Soulager les patients

À l’Établissement public de santé mentale de la métropole lilloise (EPSM), les docteurs Jeanson et Versaevel, deux psychiatres, utilisent la thérapie de pleine conscience avec leurs patients. Depuis deux ans, ils ont mis en ligne un programme de thérapie (1)

basé sur cette forme de méditation, gratuit et ouvert à tous (sauf en cas de contre-indications, qu’ils précisent). «
C’est un bon outil qui permet de diminuer le stress et augmenter le bien-être : il permet de faire un pas de côté par rapport aux pensées qui nous envahissent et dirigent nos émotions, expliquent les médecins. On se positionne différemment par rapport à sa façon de penser, de dire, de faire, on se place en observateur, et cela soulage. »

Ils ne sont pas les seuls praticiens à utiliser la pleine conscience, d’autres spécialistes en cancérologie, en néphrologie, dans les services de greffe, par exemple, y ont recours «
puisque tous les malades sont sujets au stress
», la pleine conscience contribuant «
à diminuer la perception du stress et à améliorer leur bien-être
».

Bienveillance et empathie

Pas besoin d’être malade pour qu’elle nous soit bénéfique, qui plus est dans nos sociétés modernes : «
Notre cerveau n’est pas souple dans sa construction : il doit nous protéger des dangers et nous amener à trouver des ressources. Mais ce cerveau archaïque avec lequel on fonctionne toujours, qui était très adapté quand nous vivions dans les grottes, ne l’est plus dans nos sociétés actuelles qui demandent une adaptation bien supérieure : à l’école, au travail, par rapport aux sollicitations de la société moderne de consommation, nous sommes très vulnérables et pas outillés
», décrivent les médecins. «
La pleine conscience répond à un besoin sociétal, à un moment où nous sommes très dispersés, où on court partout
» dans une société de plus en plus individualiste. «
Le travail n’est pas plus stressant aujourd’hui qu’hier. Imaginez le stress pour un mineur de descendre au fond… La différence c’est que les gens pouvaient s’appuyer sur des structures comme la famille, une communauté villageoise… La société individualiste a remplacé cet esprit d’entraide. La pleine conscience, c’est se concentrer pour soi mais dans une ouverture à l’autre, c’est être ouvert aux autres avec une intention de mieux-être collectif, la bienveillance et l’empathie sont très ancrées dans la pleine conscience. »
A.-S. H. photo PIB

(1). www.epsm-lille-metropole.fr/content/

meditation-tbpc-g07, sous la direction de Christine Lajugie, chef de pôle du service 59g07 EPSM Lille métropole.

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