La droite identitaire en colloque à Béziers

La droite identitaire en colloque à Béziers

Le Monde
| 27.05.2016 à 12h32
Mis à jour le
27.05.2016 à 16h57
|

Par Matthieu Goar et
Olivier Faye

« Droite hors les murs. » La paternité de l’expression est attribuée à Patrick Buisson, mais l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy ne sera pas à Béziers (Hérault) ce week-end. Les deux compères du patron de la chaîne Histoire, le journaliste du Figaro Eric Zemmour et l’ancien candidat à la présidentielle Philippe de Villiers non plus, même si l’entourage du Vendéen assure qu’une surprise est toujours possible. Qu’importe, du beau monde se penche déjà sur le berceau du bébé. La « droite hors les murs », cette coterie de responsables politiques et d’intellectuels, qui ne se reconnaît pas dans Les Républicains ou le Front national, s’est donné rendez-vous dans la ville de Robert Ménard, du 27 au 29 mai. Elu avec le soutien du FN, ce dernier va tenter de donner corps à cette expression et de lui offrir, pour reprendre ses mots, « un débouché politique ».

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L’entreprise a germé au lendemain du second tour des élections régionales de décembre 2015, quand le Front national a connu une nouvelle fois l’amertume de l’échec, malgré des scores de premier tour élevés. Persuadé que les réserves de voix du parti de Marine Le Pen se trouvent à droite, le fondateur de Reporters sans frontières a lancé les invitations. Son objectif est de prouver qu’un espace politique existe au sein d’une droite libérale et identitaire, et que le FN, qui préfère mettre en avant les questions de souveraineté et défend le rôle de l’Etat dans l’économie, aurait tout intérêt à l’occuper. Dix tables rondes vont réunir des personnalités comme l’entrepreneur Charles Beigbeder, le penseur de la Nouvelle Droite Alain de Benoist ou la présidente de La Manif pour tous, Ludovine de la Rochère. Les responsables politiques, eux, sont priés de rester dans le public.

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Le vice-président du FN Louis Aliot et le député du Gard Gilbert Collard seront présents pour représenter le parti d’extrême droite. Mais tous les regards seront tournés vers la députée du Vaucluse Marion Maréchal-Le Pen qui aux yeux de nombreux participants porte leurs valeurs. « Marion va être accueillie en superstar », veut croire un de ses proches. La jeune femme, elle, s’efforce de calmer les esprits, pour ne pas alimenter la chronique d’une rivalité supposée avec sa tante. « Je ne suis pas là pour répondre à des aspirations, des velléités des uns ou des autres. Je suis là pour des échanges sur le plan culturel, intellectuel, philosophique », défend-elle.

« Faire passer le cap » aux Républicains

Son but affirmé est de tenter de décrocher des cadres de la droite pour les amener à soutenir le parti lepéniste. « La droite hors les murs, ce sont plutôt des Républicains qui ont envie d’autre chose. C’est intéressant pour nous, on peut essayer de leur faire passer le cap. » Le sujet est en vogue au sein du FN, puisqu’une réunion composée d’anciens membres de l’UMP, comme les conseillers régionaux Sébastien Chenu et Olivier Bettati, a eu lieu la semaine dernière pour réfléchir aux meilleurs moyens d’attirer des transfuges.

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Au sein de la direction du parti Les Républicains, en tout cas, on assure que le rendez-vous de Béziers laisse indifférent. « Il y aura toujours une digue solide entre eux et nous », promet un proche de Nicolas Sarkozy. Cela n’empêche pas le candidat à la primaire de la droite et président du Parti chrétien-démocrate, Jean-Frédéric Poisson, d’être présent dans l’Hérault. « Mon raisonnement n’est pas partisan, je m’y rends pour réfléchir à un certain nombre de sujets qui remontent de l’électorat et qui ne sont plus relayés par les partis de la droite et du centre, explique M. Poisson. Je ne vais pas là-bas pour adouber tel ou tel. Mais la recomposition de la droite est en marche et je suis libre d’aller où on m’invite. »

Méfiance

La présence de dirigeants frontistes à Béziers, elle, ne doit pas masquer la méfiance que suscite Robert Ménard au sein du parti. L’intéressé a dîné avec Marine Le Pen il y a une semaine pour tenter d’arrondir les angles, et la convaincre qu’il ne comptait pas s’ériger en force concurrente. « J’ai des rapports à la fois agréables et compliqués avec elle », reconnaît l’élu. L’annonce, mercredi, du lancement d’« Oz ta droite », le « mouvement citoyen » de M. Ménard, qu’il imagine en « Podemos de la droite patriote », a conforté les craintes.

L’ancien journaliste a aussi chargé des proches de lancer une association, « Les patriotes du biterrois », pour préparer les élections législatives de 2017 dans son département. Marion Maréchal-Le Pen a décroché son téléphone pour prévenir l’élu qu’elle ne voulait pas « accompagner des gens qui veulent entrer en concurrence avec le FN ». « A la moindre entourloupe, je me tire », prévient-elle. « Il y en a chez nous qui pensent que l’opération Béziers a pour but de faire émerger un candidat de la droite hors les murs. Mais Zemmour n’a jamais eu l’intention d’y aller, Ménard non plus, veut croire un cadre frontiste. Il faut un minimum d’argent et de structure, et Ménard n’a pas un rond. On peut se passer des partis pour faire parler de soi, mais il faut de l’argent pour une présidentielle. » Certains murs ne peuvent pas être sautés.

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