Juncker annonce un programme  proche des préoccupations des gens 

Juncker annonce un programme  proche des préoccupations des gens 

Le Monde
| 14.09.2016 à 11h01
Mis à jour le
14.09.2016 à 17h04
|

Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)

Le contraste avec son « discours de l’Union » de 2015 est frappant. A l’époque, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, s’était montré lyrique et vindicatif, tançant les Etats membres, réclamant qu’ils adoptent au plus tôt son projet de répartition équitable des réfugiés partout en Europe. La crise migratoire battait son plein, la chancelière allemande, Angela Merkel, venait juste d’ouvrir les portes de son pays aux Syriens fuyant la guerre, et ils affluaient par dizaines de milliers sur la « route des Balkans ».

Mercredi 14 septembre, pour sa rentrée politique devant le Parlement de Strasbourg, plus question pour M. Juncker de pointer du doigt trop ouvertement les responsabilités des gouvernements, d’insister sur les sujets susceptibles de diviser encore davantage des pays membres évoluant désormais en ordre très dispersé. Même s’il la mentionne encore, la « Commission politique » promise par M. Juncker il y a à peine deux ans plastronne beaucoup moins.

Le mot d’ordre, désormais, c’est cet « agenda positif » que le président et ses équipes entendent dérouler dans les prochains mois. Pas d’annonces mirobolantes, mercredi, mais un programme de travail réaliste, « proche des préoccupations des gens », explique-t-on à Bruxelles. Après le Brexit, la Commission doit prouver qu’elle compte encore.

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Investissement, sécurité, 5G : les annonces de Juncker

Investissements. M. Juncker a annoncé un quasi-doublement de son plan d’investissement de 315 milliards d’euros qu’il avait lancé en 2014 pour relancer la croissance en Europe. Le plan, qui devait s’achever en 2017, sera prolongé jusqu’en 2023. Le mécanisme qui repose sur des investissements privés garantis par des fonds européens, aura une capacité de mobilisation de « 500 miliards d’euros à l’horizon 2020 » et même « 630 milliards dès 2022 », a dit Jean-Claude Juncker.

Sécurité et défense. M. Juncker a décrété que les sujets sécurité et défense sont prioritaires, proposé de renforcer l’agence Europol et de mettre en uvre la surveillance « intelligente » des frontières, en s’en tenant aux récentes propositions franco-allemandes en la matière. Il a aussi promis, mercredi, le déploiement, « dès le mois d’octobre », d’au moins 200 gardes-frontières à la frontière extérieure de la Bulgarie. Un geste très attendu des Etats membres, qui veulent que se matérialise au plus vite le renforcement de Frontex, l’agence européenne des gardes-frontières. Il a également plaidé pour un quartier général unique dans l’Union européenne.

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Télécommunications. M. Juncker a proposé mercredi un plan de déploiement de la 5G, la nouvelle norme de télécommunication mobile qui permettra de développer l’internet des objets, d’ici 2025. Il a également annoncé l’élaboration d’un nouveau cadre juridique propre à favoriser les investissements dans les réseaux de télécommunication.

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« Corps européen de solidarité ». La Commission veut aussi créer « un corps européen de solidarité », opérationnel avant la fin de cette année : l’idée est de faciliter la mobilisation des jeunes souhaitant proposer leur aide là où elle sera la plus utile, « pour répondre aux situations de crise, comme la crise des réfugiés ou les récents tremblements de terre en Italie ». Objectif : 100 000 premiers jeunes volontaires à l »uvre d’ici à 2020.

La crise migratoire ‘ La réforme réclamée par la Grèce et l’Italie des règles de Dublin régissant l’accueil des réfugiés ‘ Le traité transatlantique de libre-échange ‘ Pas question d’insister, trop polémique : M. Juncker a certes beaucoup parlé de solidarité, mercredi, mais « en disant qu’elle est au c’ur du projet européen. Il ne veut pas forcer les Etats membres, mais les convaincre qu’il s’agit d’une valeur centrale de l’Union », explique-t-on à la Commission.

Juncker se veut « combatif »

Le président est certes « combatif », assure-t-on dans son entourage, et il n’hésite pas, dans son discours, à rappeler les uns et les autres à leurs responsabilités : « Nous devons en finir avec cette vieille rengaine selon laquelle le succès est national et l’échec européen. Sans quoi notre projet commun ne survivra pas. »

Mais les crises des derniers mois (migration, terrorisme) et, surtout, le référendum du 23 juin sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE l’ont affaibli, lui et son institution. Les critiques se sont mises à pleuvoir, notamment des dirigeants de l’Est, qui n’avaient pas digéré les « quotas » de réfugiés proposés par Bruxelles, et qui ont pris le prétexte du Brexit pour réclamer « moins d’Europe ». Dans la presse se sont multipliés les articles décrivant un président isolé, mentionnant des soucis de santé.

Les séquelles de l’affaire Barroso

La gestion de l’« affaire » José Manuel Barroso n’a rien arrangé. M. Juncker a mis deux mois à réagir au « pantouflage » de son prédécesseur à la banque Goldman Sachs, malgré la vive émotion qu’elle a suscitée, y compris en interne la pétition contre ce recrutement, qui a déjà recueilli près de 140 000 signatures sur la plateforme Change.org, a été lancée par un collectif de fonctionnaires européens.

Dimanche 11 septembre, pour tenter d’éteindre l’incendie, M. Juncker a fini par exiger des précisions sur le contrat de travail de M. Barroso. Ce dernier a réagi, mardi, en rejetant les critiques quant à son manque d’« intégrité », qu’il estime « infondées » et « discriminatoires à son égard ».

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Les quelques succès de l’été

Durant l’été, M. Juncker a reçu quelques soutiens de poids, dont celui du président François Hollande. Avec la nomination du Français Michel Barnier en tant que « M. Brexit » de la Commission, il a obtenu que son institution puisse participer aux négociations, qui tardent à venir, pour organiser le divorce avec Londres. Et en condamnant Apple, la première capitalisation boursière au monde, à rembourser la somme colossale de 13 milliards d’euros à l’Irlande, la commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager, a redoré d’un coup le blason de Bruxelles.

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Désormais, la Commission dispose d’un sujet tout trouvé pour regagner le c’ur des Européens : la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. Un comble pour son président, ex-premier ministre du Luxembourg, un pays connu pour avoir attiré pendant des années les multinationales avec des accords fiscaux ultra-avantageux. Mais, pour se « relancer », M. Juncker et ses équipes savent qu’ils ont peu de marge de man’uvre, notamment à cause des futures élections en France et en Allemagne.

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