Jean-Marc Sauvé , La création des grandes régions ne change rien à la carte des tribunaux

Jean-Marc Sauvé ,  La création des grandes régions ne change rien à la carte des tribunaux

Vous venez aujourd’hui et demain à Douai et Lille. Quel est votre programme

« Je fais aujourd’hui à la cour administrative d’appel de Douai et demain au tribunal administratif de Lille mes 121me et 122ème visites de juridictions. J’en visite une par mois et je suis vice-président du Conseil d’Etat depuis presque dix ans. Une de mes responsabilités est d’administrer l’ensemble des juridictions administratives. Je dois donc rencontrer les acteurs de terrain, magistrats, agents du greffe, les avocats, les administrations’ Je visite la juridiction de la cave au² grenier. Il est important que le chef de la justice administrative ait des contacts réguliers et directs avec le terrain, pour voir comment fonctionnent concrètement les juridictions, écouter les besoins de leurs membres et échanger avec eux sur les grands projets de réforme en cours d’exécution ou à venir. »

La justice administrative est-elle aussi affectée par le manque de moyens dont se plaignent les autres tribunaux

« Les deux ordres de juridiction, administratif et judiciaire, ne relèvent pas des mêmes budgets, mais nous sommes soumis aux mêmes contraintes d’économies sur les moyens de fonctionnement et de réduction des crédits d’équipement. »

A Lille, le nouveau tribunal administratif est l’exception dans ce contexte !

« Dans le contexte budgétaire contraint qui est le nôtre, il faut surtout savoir faire des choix et utiliser au mieux l’argent public. Voyez ce qu’était le siège du tribunal administratif de Lille depuis 1982. Trente-quatre ans dans un immeuble de bureau exigu et inadapté à l’activité d’une juridiction ! La première fois que je suis venu à Lille, en juin 2007, je me suis dit que le relogement était une priorité. On a d’abord accru les surfaces disponibles dans l’ancien bâtiment, avant l’opération de rénovation de l’ancienne bourse du travail. Ce n’était pas des dépenses somptuaires ! Elles étaient en revanche absolument nécessaires. »

La création des grandes régions changera-t-elle la carte des tribunaux administratifs

« La création des grandes régions ne change rien à la carte des tribunaux, Lille et Amiens pour les Hauts-de-France. Cela peut avoir un impact sur les ressorts des huit cours administratives d’appel. Pour trois des nouvelles grandes régions, il y a aujourd’hui deux juges d’appel différents. Par exemple dans la nouvelle Normandie, la Haute relève de la cour administrative d’appel de Douai et la Basse de la cour administrative d’appel de Nantes. Nous allons mettre en place un observatoire pour évaluer l’impact de la nouvelle carte régionale sur la répartition des contentieux entre les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel. Au bout du compte, on décidera, soit de laisser les choses en l’état, soit d’unifier le contentieux dans une seule cour administrative d’appel. »

La justice administrative n’est-elle pas mal connue par les Français

« Il y a un certain manque de visibilité, pourtant le juge administratif est le juge de tous les litiges entre les citoyens et la puissance publique : administrations de l’Etat, collectivités territoriales, établissements publics, dont les hôpitaux, les Universités’ et cela dans tous les domaines de l’action publique : fiscalité, urbanisme, environnement, marchés publics, police administrative, droit des étrangers. Nous sommes aussi le juge du droit opposable au logement (DALO). En cas d’urgence, les justiciables savent qu’ils peuvent saisir le juge des référés administratifs qui statue dans des délais très courts en 48 heures pour le juge du référé-liberté qui est sans doute la figure la mieux connue de la juridiction administrative. Nous sommes saisis d’affaires qui touchent de très près la vie quotidienne des Français, mais aussi de questions de société ou d’éthique, comme avec l’affaire Vincent Lambert ou celle concernant l’exportation de gamètes post mortem. »

Sur ces questions, le Conseil d’Etat semble en avance sur la société plus conservatrice. L’exportation de gamètes par exemple n’est pas autorisée par la loi française.

« Le Conseil d’Etat a jugé que la loi française n’était pas incompatible avec la Convention européenne des droits de l’Homme mais que dans cette affaire très particulière avec un projet parental ancien, précis et durable, une décision négative posait un problème majeur au regard du droit au respect de la vie privée et familiale.

Dans l’application de l’état d’urgence, vous avez aussi un rôle important. Quel premier bilan

« Avec l’état d’urgence, l’administration voit ses pouvoirs de police augmenter. Elle peut interdire à des personnes de circuler, les assigner à résidence, fermer des lieux de réunions, mener des perquisitions administratives. Concernant les assignations à résidence, sur les cent onze décisions qui ont été contestées devant nous selon la procédure du référé-liberté, 34% ont été remises en cause, soit que le juge les ait suspendues, soit que le ministre à l’issue de l’audience ait préféré les abroger. Mesure par mesure, nous vérifions le caractère nécessaire, adapté et proportionné de la restriction apportée par le ministre ou le préfet à la liberté personnelle. »

Le nouvel attentat contre un couple de policiers a relancé la question des internements préventifs et de la rétention de sûreté’

« A la demande du Gouvernement, le Conseil d’Etat s’est prononcé le 17 décembre dernier, dans le cadre de sa fonction consultative, sur les conditions dans lesquelles pourraient être privées de liberté des personnes radicalisées ou soupçonnées de liens avec des mouvances terroristes. Le Conseil d’Etat a considéré que la Constitution telle qu’elle est ne permet pas de priver de liberté à titre préventif des personnes simplement soupçonnées de terrorisme. »

Votre décision de mercredi jugeant insuffisante l’augmentation des tarifs d’électricité ne va pas vous rendre très populaire !

« Notre mission n’est pas d’être populaire mais d’appliquer la loi ! Si les opérateurs historiques vendent l’électricité à un prix inférieur au coût complet, il ne peut pas y avoir de concurrence sur le marché avec des nouveaux entrants. »

Tous les projets de loi sont soumis à l’avis du Conseil d’Etat. Les gouvernements vous écoutent-ils toujours

« Les avis que le Conseil d’Etat rend sur les projets de loi, hier uniquement destinés au Gouvernement, sont rendus publics depuis le 1er mars 2015. Quand le Conseil d’Etat dit qu’un projet de loi est contraire à la Constitution, qu’il est incompatible avec nos engagements internationaux ou qu’un décret viole une loi, dans plus de 99% des cas le Gouvernement se conforme à son avis.

Sur la loi « El Khomri », le Conseil d’Etat n’a pas exprimé de désaccord

« Il y a eu quelques réserves. Mais du point de vue juridique qui est le nôtre, à savoir vérifier le respect de la Constitution, de nos engagements internationaux, comme les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT), du droit de l’Union européenne, il n’y avait pas de problèmes majeurs.»

Dans l’application de l’état d’urgence, vous avez aussi un rôle important. Quel premier bilan faites-vous

« Avec l’état d’urgence, l’administration voit ses pouvoirs de police augmenter. Elle peut interdire à des personnes de circuler, les assigner à résidence, fermer des lieux de réunion, mener des perquisitions administratives. Concernant les assignations à résidence, sur les cent onze décisions qui ont été contestées devant nous selon la procédure du référé-liberté, 34 % ont été remises en cause, soit que le juge les ait suspendues, soit que le ministre à l’issue de l’audience ait préféré les abroger. Mesure par mesure, nous vérifions le caractère nécessaire, adapté et proportionné de la restriction apportée par le ministre ou le préfet à la liberté personnelle. »

Le nouvel attentat contre un couple de policiers a relancé la question des internements préventifs et de la rétention de sûreté’

« À la demande du gouvernement, le Conseil d’État s’est prononcé le 17 décembre, dans le cadre de sa fonction consultative, sur les conditions dans lesquelles pourraient être privées de liberté des personnes radicalisées ou soupçonnées de liens avec des mouvances terroristes. Le Conseil d’État a considéré que la Constitution telle qu’elle est ne permet pas de priver de liberté à titre préventif des personnes simplement soupçonnées de terrorisme. »

Tous les projets de loi sont soumis à l’avis du Conseil d’État. Les gouvernements vous écoutent-ils toujours

« Les avis que le Conseil d’État rend sur les projets de loi, hier uniquement destinés au gouvernement, sont rendus publics depuis le 1er mars 2015. Quand le Conseil d’État dit qu’un projet de loi est contraire à la Constitution, qu’il est incompatible avec nos engagements internationaux ou qu’un décret viole une loi, dans plus de 99 % des cas le gouvernement se conforme à son avis. »

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