J’ai sauvé l’école de mon village grâce à la méthode Montessori 

 J'ai sauvé l'école de mon village grâce à la méthode Montessori 

Le Monde
| 26.08.2016 à 17h29
Mis à jour le
28.08.2016 à 08h04
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Par Marie Godfrain

A 38 ans, Sophie Gargowitsch est maire de Blanquefort-sur-Briolance, dans le Lot-et-Garonne. Elle vient de convertir l’école de sa commune à la pédagogie Montessori pour attirer de nouveaux élèves.

« A la rentrée, le 1er septembre, mon équipe et moi allons mettre en place cette méthode pédagogique à l’école communale de Blanquefort-sur-Briolance, le petit village (environ 500 habitants) du Lot-et-Garonne dont je suis la maire depuis deux ans.

Montessori dans une école publique, c’est une première en France ! Et grâce à cette initiative, ce n’est plus une fermeture des classes que nous redoutons mais un trop grand nombre d’inscriptions, car trois familles se sont déjà installées.

Il faut dire que nous avons été très actifs sur les réseaux sociaux pour faire connaître cette action. Pour compléter l’équipement, par exemple, nous venons de lancer une campagne de financement participatif par le biais de la page Facebook de la commune. Pour moi, c’est très gratifiant. Je sens que mes années d’engagement sont payantes.

« A 16 ans, j’ai choisi la nationalité française car je suis née ici, mais aussi par esprit de revanche vis-à-vis de ceux qui à l’école me lançaient des Sale Portugaise, rentre chez toi !’ »

Cette « gnaque », je la dois sans doute à mes origines. Mes parents ont fui la dictature de Salazar au Portugal et mon père m’a toujours dit de me battre pour mes valeurs. Mais il voulait aussi que je m’intègre, que je ne « fasse pas de foin », alors que je manifestais adolescente contre les lois Balladur. Un peu plus tard, à 16 ans, j’ai choisi la nationalité française car je suis née ici, je n’ai connu que la France, mais aussi par esprit de revanche vis-à-vis de tous ceux qui, à l’école, me lançaient des « Sale Portugaise, rentre chez toi ! »

Chercher des solutions innovantes

Je suis originaire du village voisin, j’ai rencontré mon futur époux, originaire de Blanquefort, sur les bancs du collège où nous avons passé toute notre scolarité assis côte à côte. J’ai suivi des études de langues en Angleterre, à côté de Salisbury et j’ai ensuite passé un an près de New York, d’où je suis rentrée par amour pour Greg.

Pas très carrée, j’ai ensuite suivi des études de droit pour travailler dans un office notarial, à Fumel, près de Blanquefort. Puis je me suis orientée vers la sophrologie, tout en donnant des cours d’anglais en collège puis en lycée et, enfin, en lycée professionnel. Pas très carrée, je vous dis ! J’ai redouté cette dernière affectation, mais c’est pourtant là que j’ai retrouvé le goût de l’engagement. J’ai travaillé avec des ados géniaux qui m’ont boostée.

« L’ancien maire de Blanquefort m’a proposé de rejoindre sa liste. J’avais 30 ans, un double travail, deux filles en bas âge, mais j’ai foncé. Peu de temps après, j’ai été victime d’un AVC. »

Je me suis tellement engagée dans des activités diverses qu’en 2008 l’ancien maire de Blanquefort m’a proposé de rejoindre sa liste. J’avais 30 ans, un double travail (comme sophrologue et au lycée), deux filles en bas âge, mais j’ai foncé. Un peu trop sans doute, car peu de temps après, j’ai été victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC).

J’ai fait le choix d’abandonner mes deux jobs pour me consacrer entièrement à la politique. Et puis, il y a deux ans, le maire ne souhaitant pas se représenter, il m’a proposé de mener une liste. Avec les suites de mon AVC, j’avais peur de ne pas être à la hauteur, mais au bout de huit mois de réflexion, je me suis lancée.

Comme je ne suis pas issue du sérail politique, je me suis appliquée dès mon élection à chercher des solutions innovantes. Quand je me suis penchée sur le cas de l’école, j’ai réfléchi aux solutions éducatives alternatives, qui constituent aujourd’hui un moteur fort pour attirer des familles des villes à la campagne.

« Il me semble fondamental que l’école demeure publique, gratuite et laïque. J’ai donc proposé que l’on applique la pédagogie Montessori dans l’enseignement public. »

J’avais entendu parler de Montessori par mon neveu qui avait poursuivi sa scolarité dans une école privée de ce type en région parisienne. A partir d’un matériel spécifique, cette méthode déjà ancienne propose un cadre bienveillant, pour une évolution et une autonomisation de l’élève, des valeurs dans lesquelles je me retrouve totalement.

L’immobilisme n’est pas une option

Seul problème, elle coûte trop cher aux parents. Je vis dans une zone rurale où les gens ne peuvent pas se permettre d’investir une telle somme pour l’éducation de leurs enfants. Et puis, en tant que républicaine, il me semble fondamental que l’école demeure publique, gratuite et laïque.

J’ai donc proposé que l’on applique cette pédagogie mais dans le cadre de l’enseignement public. Peut-être que je me trompe complètement, peut-être que nous sommes tous dans l’erreur’ mais je me sens obligée d’agir, et l’immobilisme n’est pas une option.

La réussite de ce projet, je la dois aussi à Eric Congé, le maire de Gavaudun, le village voisin, avec lequel nous formons un regroupement pédagogique intercommunal, et à l’équipe enseignante des deux communes. Comme les classes de maternelle et de primaire sont réparties entre Blanquefort et Gavaudun, nous devons partager le même projet éducatif.

« Je vais continuer à me battre, notamment pour installer le haut débit dans la commune. Car si nous voulons de nouveaux élèves, il faut aussi séduire leurs parents. »

Nous avons donc rencontré un conseiller du ministère à l’automne 2015, peu de temps après que j’ai écrit mon premier courrier. A ma grande surprise, il ne m’a pas prise pour une hurluberlue. Il s’est même montré très réceptif. Il faut dire que sur le terrain, de nombreux enseignants utilisent déjà cette méthode à petite dose, sans faire de bruit, pour ne pas être réprimandés par leur hiérarchie.

Accueillir les élèves, séduire les parents

L’inspecteur de l’éducation nationale a validé notre initiative, mais cela ne l’a pas empêché de souligner mon manque de patience. Mais je n’ai pas le choix ! Mon mandat n’est pas très long. En 2020, je ne souhaite pas me représenter, car je ne veux pas me perdre.

D’ici là, je vais continuer à me battre, notamment pour installer le haut débit dans la commune, ce qui devrait être réalisé dans les semaines qui viennent. Car si nous voulons continuer à accueillir de nouveaux élèves, il faut aussi séduire leurs parents.

C’est pourquoi en parallèle, nous avons aménagé un espace de bureau partagé afin que des professions indépendantes puissent venir s’installer. Et je me bats aussi pour garder l’épicerie-auberge-bar, qui est l’autre centre névralgique de notre petite communauté. C’est un endroit formidable tenu par un Anglais, Geoffrey Hunt, à qui nous venons juste de renouveler le bail. »

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