Israël veut museler les muezzins

Israël veut museler les muezzins

Benyamin Nétanyahou et son gouvernement ont décidé de soutenir un projet de loi visant à réduire le volume sonore des appels à la prière des musulmans à Jérusalem. Une idée discutée depuis 2011.

Et Taleb Abou Arar se mit à chanter. « Allah est le plus grand’ » La scène se passe à la tribune de la Knesset, le Parlement israélien. Le député bédouin, élu sur la Liste arabe unie, voulait ainsi marquer son opposition farouche, en ce 14 novembre, à un projet de loi sensible : le gouvernement a décidé de soutenir un texte visant à limiter le volume sonore des appels à la prière.

L’islam n’est pas nommément visé par cette initiative, mais il n’y a guère de place pour le doute : ce sont bien les cinq appels quotidiens lancés par le muezzin, et relayés par les haut-parleurs, qui importunent la droite israélienne.

Projet de loi raciste ou réelle nuisance sonore

La question est particulièrement explosive à Jérusalem-Est, occupé au regard du droit international depuis 1967. Tout changement imposé par le législateur israélien dans les pratiques religieuses susciterait la colère populaire et celle de la Jordanie, qui régit les lieux saints musulmans. Selon Ayman Odeh, le chef de file de la Liste arabe unie à la Knesset, le texte est « une loi de plus dans une série de lois populistes et racistes dont le seul objectif est de créer une atmosphère de haine et d’incitations contre le public arabe ». Les Arabes israéliens représentent près de 20 % de la population totale du pays. Pour leur part, les promoteurs du projet de loi assurent qu’il n’a rien de raciste, mais vise à défendre la qualité de vie de centaines de milliers de citoyens concernés.

« Je ne peux compter les fois où des citoyens se sont adressés à moi pour se plaindre du bruit. » Benyamin Nétanyahou

En ouverture du conseil des ministres, le 13 novembre, Benyamin Nétanyahou a défendu le texte. « Je ne peux compter les fois, tout simplement trop nombreuses, où des citoyens se sont adressés à moi de toutes les parties de la société israélienne, de toutes les religions, pour se plaindre du bruit et des souffrances causées par le bruit excessif venant jusqu’à eux en raison des adresses publiques en provenance des lieux de prière. » S’érigeant en défenseur de ceux qui « souffrent » de cette nuisance, le premier ministre a assuré que ce projet est d’une grande banalité. « C’est ainsi qu’on opère dans de nombreuses villes européennes et dans de nombreuses parties du monde musulman. »

Une idée récurrente

Mais toutes les nuisances sonores sont-elles égales ‘ Deux jours plus tard, le ministre de la santé, Yaakov Litzman, chef du parti ultra-orthodoxe Judaïsme unifié de la Torah, a bloqué l’examen du projet de loi en demandant son renvoi devant le comité ministériel législatif. Les haredim sont inquiets de conséquences possibles sur leurs propres pratiques, et notamment la sirène utilisée dans leurs quartiers pour marquer le début du shabbat. « Depuis des milliers d’années, la tradition juive prévoit l’usage de différents outils, dont les shofars [instrument de musique à vent traditionnel] et les trompettes », a souligné le ministre. Depuis son intervention, le gouvernement étudie la possibilité d’une exception dans la loi pour ce cas particulier.

L’idée de réduire le volume des appels à la prière chez les musulmans n’est pas nouvelle. Elle a été lancée fin 2011 par une sulfureuse députée nationaliste, Anastassia Michaeli. « Il n’y a pas de raison d’être plus libéral que l’Europe », avait alors expliqué, en soutien, Benyamin Nétanyahou, tandis que bon nombre de ses ministres, appartenant à sa formation (Likoud), trouvaient l’initiative excessive.

À l’époque, le quotidien Haaretz (centre gauche) notait que le premier ministre, qui dispose d’une résidence familiale dans la ville côtière de Césarée, était très sensibilisé à la question. Une partie des habitants se mobilisait alors contre les appels à la prière lancés dans le village voisin de Jisr Al-Zarqa. Le projet de loi est revenu dans le débat en 2014, soutenu par un collègue d’Anastassia Michaeli, Robert Ilatov, également élu sur la liste du parti d’extrême droite Yisrael Beiteinu. « J’ai honte qu’on essaie de passer de telles lois », avait dit le président de l’époque, Shimon Peres. Les temps ont bien changé.

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