Intégration des migrants , le grand écart européen

Intégration des migrants , le grand écart européen

Le Monde
| 07.06.2016 à 06h43
Mis à jour le
07.06.2016 à 11h38
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Par Marie Charrel

Comment les migrants s’intègrent-ils sur le marché du travail de leur pays d’accueil ‘ Difficile d’esquisser une réponse nuancée à cette question brûlante d’actualité. Et pour cause : le constat est radicalement différent d’un pays européen à l’autre, rappelle une étude d’Eurostat, publiée lundi 6 juin.

Selon l’institut, le taux de chômage des citoyens étrangers (14,8 %) dans l’Union européenne (UE) en 2015 est, en moyenne, près de deux fois plus élevé que celui des citoyens qui possèdent la nationalité du pays concerné (8,7 %). De même, les 20-64 ans étrangers affichent un taux d’activité (actifs occupés ou cherchant un emploi) de 74,8 %, inférieur à celui des nationaux (77,3 %).

Mais, parmi les étrangers, précise Eurostat, il convient de distinguer ceux qui viennent d’un autre pays de l’UE de ceux qui viennent de l’extérieur. Les premiers affichent en effet un taux de chômage de 10,2 %, proche de celui des nationaux, alors que celui des seconds frôle les 19 %. « Ce n’est pas étonnant : les Européens s’établissent dans un pays voisin avant tout pour trouver un travail et s’intègrent plus vite », résume Carlos Vargas-Silva, spécialiste des migrations à l’université britannique d’Oxford.

Autre constat : la France enregistre l’un des taux de chômage des non-Européens (20-64 ans) les plus élevés, de 25,4 % en 2015, contre 11,9 % en Allemagne ou 8,5 % au Royaume-Uni. En revanche, la France (48,2 %) et l’Allemagne (51,2 %) sont aussi mauvaises élèves l’une que l’autre en matière de taux d’activité des femmes non européennes, loin derrière la moyenne de la zone euro (57,8 %).

L’étude présente aussi des résultats plus surprenants. Ainsi, à l’inverse de ce que l’on constate dans les autres Etats membres, le taux d’activité des nationaux est plus faible que celui des non-Européens dans le sud de l’Europe : 72,6 % contre 80,7 % en Grèce, 67,9 % contre 72,6 % en Italie, 78,7 % contre 82 % en Espagne. Et cela, en dépit du chômage élevé dans ces pays.

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Ecarts

« C’est moins paradoxal qu’il n’y paraît, explique Maria Vincenza Desiderio, analyste politique au think tank Migration Policy Institute. Dans le sud de l’Europe, l’immigration est récente et pour bonne partie constituée de travailleurs seuls, tous actifs, alors que dans le nord, comme en France ou en Suède, l’immigration est plus ancienne, et est donc plus largement alimentée par le regroupement familial. »

En outre, l’offre d’emplois peu qualifiés, notamment dans l’agriculture ou le secteur informel, est plus élevée dans le sud de l’Europe. « Les migrants sont nombreux à occuper ces jobs boudés par les locaux », précise Mme Vincenza Desiderio. D’autant que, si les jeunes Italiens ou Espagnols prolongent leurs études ou logent chez leurs parents en attendant de trouver un poste, les migrants du même âge sont contraints de prendre le premier travail venu.

Enfin, l’origine des migrants, très variable d’un pays à l’autre, explique également les écarts d’intégration. « Dans les pays où les procédures de naturalisation sont plus faciles, les étrangers rejoignent plus vite la catégorie des nationaux : c’est également un biais de lecture », ajoute M. Vargas-Silva, appelant à toujours considérer ces chiffres avec prudence.

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