Inégalités au travail ,  Une pression temporelle permanente  sur les femmes

Inégalités au travail ,  Une pression temporelle permanente  sur les femmes

La sociologue analyse les inégalités d’emploi du temps entre hommes et femmes.

Le Monde
| 03.03.2016 à 16h02
Mis à jour le
08.03.2017 à 10h10
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Propos recueillis par Anne Chemin

Dominique Méda, professeure de sociologie à l’université Paris-Dauphine, ­dirige l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales. Elle a publié Le Travail (PUF, «’Que sais-je »’», réédition 2015)

On a souvent le sentiment, ­à entendre les débats sur le ­travail, que la sphère privée et la sphère professionnelle sont étanches. Ce n’est pas le cas surtout pour les femmes. ­Comment ces deux mondes sont-ils imbriqués l’un dans l’autre »

Les deux sphères peuvent sembler étanches, notamment parce que les lieux et les temps professionnels et familiaux sont la plupart du temps différenciés, mais en pratique, il existe des chevauchements permanents. D’abord parce qu’il y a en permanence des imprévus maladie des enfants ou des personnes censées les garder, dépendance des parents âgés, problèmes de transport, réunions de travail plus longues que prévu’ Ensuite parce qu’il y a une «’charge mentale’» qui se moque pas mal de la séparation des lieux’: on pense à ses problèmes ­familiaux au travail et à ses ­problèmes de travail à la maison’

Le problème, c’est que les deux sphères ne sont pas «’adaptées’» l’une à l’autre. La question des ­horaires atypiques est ainsi centrale, notamment pour les femmes. En 2003, j’avais mené une enquête pour le Credoc avec [les sociologues] Marie Wierink et Marie-Odile ­Simon’: elle montrait que la moitié des femmes qui arrêtaient de travailler à la naissance d’un enfant connaissaient auparavant des horaires atypiques. Comment s’étonner qu’elles aient quitté leur emploi » Il est très compliqué de mener de front un emploi et une vie familiale quand on travaille de nuit, le samedi ou le ­dimanche, notamment quand on a des enfants petits. Une enquête de la Dress avait parfaitement montré, il y a quelques années, que la prise en charge des jeunes enfants pesait lourdement sur les emplois du temps de leurs mères’: ce sont majoritairement elles qui les habillent le matin, leur font faire leurs devoirs le soir et sont présentes quand ils sont malades. Cela représente une pression temporelle permanente sur les femmes.

Lorsque les enfants sont en bas âge, les femmes ont beaucoup plus d’interruptions ­professionnelles que les hommes. Que répondre à ceux qui disent que c’est un «’choix’» »

C’est une question très difficile. Oui, pour certaines, c’est un choix, mais pour un grand nombre, c’est un choix terriblement contraint. Contraint…

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