Hollande à Verdun ,  Une ville qui représente à la fois le pire et le meilleur 

Hollande à Verdun ,  Une ville qui représente à la fois le pire et le meilleur 

Le Monde
| 19.05.2016 à 15h56
Mis à jour le
29.05.2016 à 14h41
|

Par Antoine Flandrin

François Hollande et Angela Merkel ont célébré « l’esprit de Verdun », dimanche 29 mai, en commémorant le centenaire d’une des plus sanglantes batailles de la Grande Guerre. « Le nom est un symbole pour l’inconcevable atrocité et absurdité de la guerre, mais aussi pour les leçons et la réconciliation franco-allemande », a déclaré la chancelière allemande, reçue à l’Hôtel de Ville de Verdun, une première pour un dirigeant allemand. « Votre accueil chaleureux n’a rien d’évident pour moi, comme chancelière d’Allemagne », a souligné Mme Merkel.

« Théâtre tragique » d’une sanglante bataille qui fit plus de 300000 morts dans les deux camps en 10 mois en 1916, « Verdun est pour la première fois honoré non pour son passé de souffrance mais pour son message d’espérance », a renchéri le président français aux côtés de la chancelière. « Verdun est une ville qui représente à la fois le pire, là où l’Europe s’est perdue il y a cent ans, et aussi le meilleur, là où la ville a été capable de s’investir, de s’unir pour la paix et l’amitié franco-allemande. Vive l’amitié, l’esprit de Verdun », a conclu François Hollande.

Plus de 30 ans après la longue poignée de main entre François Mitterrand et Helmut Kohl, devant l’ossuaire de Douaumont (Meuse), le 22 septembre 1984, le président français et la chancelière allemande n’ont pas souhaité reproduire ce geste, devenu le rituel des rencontres mémorielles franco-allemandes. A Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) en septembre 2013, puis au Hartmannswillerkopf (Vosges) en août 2014, les présidents François Hollande et Joachim Gauck s’étaient donné la main.

130 000 soldats allemands et français

Cette fois, François Hollande et Angela Merkel doivent descendre dans la nécropole de Douaumont pour évoquer la mémoire de Verdun avec deux jeunes français et allemands, à l’issue d’une scénographie conçue par le cinéaste allemand Volker Schlöndorff.

« Quatre mille jeunes arriveront de la forêt et déferleront dans la nécropole de Douaumont au son des tambours du Bronx, selon l’Elysée. Avec dignité et lenteur, car nous sommes au c’ur d’un cimetière. »

Dans l’ossuaire, le président et la chancelière dévoileront l’inscription franco-allemande évoquant la présence des ossements mêlés de 130 000 soldats allemands et français. Jusqu’à présent, seuls les noms des soldats français étaient gravés dans cet édifice inauguré en 1932.

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Avant la cérémonie officielle du centenaire de la bataille à l’Ossuaire de Douamont, qui clôturera cette journée, le président et la chancelière inaugureront ensuite le Mémorial de Verdun. Fondé par les anciens combattants français en 1967, il a été entièrement rénové pour rendre compte de la dimension franco-allemande de la bataille.

« Mémoire partagée »

Dans les pas de MM. Mitterrand et Kohl, M. Hollande et Mme Merkel ont commencé la journée au cimetière allemand de Consenvoye, où ils salueront la mémoire des soldats allemands morts à Verdun. Autant d’étapes symboliques dont le but sera de mettre en évidence ce que l’historien Nicolas Offenstadt appelle la « mémoire partagée, entre la France et l’Allemagne, du premier conflit mondial ».

Pétain n’avait pas le droit à une sépulture perpétuelle, parce qu’il n’était pas mort pour la France

Cette journée sera surtout placée sous le signe de l’Europe. Lors d’un déjeuner de travail, il sera question de la sortie de crise de la Grèce, de la crise des réfugiés et de la préparation du prochain conseil européen, en juin. « Il s’agira, quelle que soit l’issue du référendum britannique [sur la sortie de l’UE], de voir quelles initiatives peuvent être prises au niveau européen, et sous l’impulsion franco-allemande », souligne l’Elysée.

Dans la lignée des commémorations de la Grande Guerre de 2014, M. Hollande prononcera à Douaumont un discours dans lequel l’Europe occupera une place centrale. Verdun permettra d’évoquer le courage des dirigeants français et allemands, qui, après 1945, ont lancé le mouvement pacifique de la construction européenne. Un message d’espoir qui sera renforcé par la présence du président du Parlement européen, Martin Schulz, et du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

« La dépétainisation de Verdun »

M. Hollande marchera également sur les traces du Général de Gaulle, maître des cérémonies du cinquantenaire de la bataille, le 29 mai 1966, dont l’objectif avait été de ressouder les Français. Quatre ans après la réconciliation franco-allemande scellée à Reims en 1962, le chancelier Ludwig Erhard n’avait pas été invité. « En 1966, de Gaulle parachève la dépétainisation’ de Verdun amorcée après 1945, lorsque la place Pétain est débaptisée au profit d’une place de la Libération », explique Serge Barcellini, président du Souvenir français, fin connaisseur des questions mémorielles.

Après la mort du Maréchal Pétain en 1951, de nombreux anciens combattants qui lui étaient restés fidèles, demandèrent le transfert de sa dépouille à Douaumont, conformément à sa volonté. Il fallut attendre 1964 pour qu’un argument légal soit défini : le vainqueur de Verdun n’avait pas le droit à une sépulture perpétuelle, parce qu’il n’était pas mort pour la France. Le 29 mai 1966, devant l’ossuaire, de Gaulle avait explicité cette position :

« Cette nécropole est pour jamais un monument d’union nationale que ne doit troubler rien de ce qui, par la suite, divisa les survivants. »

La figure de Pétain sera soigneusement évitée lors des commémorations. M. Hollande et Mme Merkel ont souhaité que le centenaire de la bataille ne soit pas tourné vers le passé, mais vers l’avenir et la jeunesse. Le chef de l’Etat ne devrait pas revenir sur la polémique alimentée par l’extrême droite, qui a provoqué l’annulation du concert de Black M, organisé en marge des commémorations. « Il a dit ce qu’il avait à dire », insiste-t-on à l’Elysée. Invité d’Europe 1 le 17 mai, M. Hollande avait dénoncé les « pressions inouïes, de violence, de haine » subies par le maire de Verdun, en ajoutant que si celui-ci « le voulait, l’Etat mettrait les moyens pour sécuriser le concert ».

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