Hénin-Beaumont, un coup de colère contre les urgences amplifié par les réseaux sociaux

Hénin-Beaumont, un coup de colère contre les urgences amplifié par les réseaux sociaux

Martine Bossu ne décolère pas. Jeudi 11 août, vers 9 heures, elle s’entaille profondément le pouce gauche avec un cutter en voulant ouvrir un colis chez elle, à Dourges. «
J’ai mis un essuie-tout sur le doigt et je suis allée toute seule à la polyclinique, quand je suis montée dans la voiture, il y avait du sang partout. Chez moi, j’ai laissé une scène de crime.
»

Sur place, «
une secrétaire m’a dit il va falloir faire une radio, l’os est touché. On m’a mise dans une salle d’attente sur un fauteuil roulant.
» Commence alors une interminable attente alors que, selon elle, le service est loin d’afficher complet.

Les infirmières « chassaient des Pokémons sur leurs portables »

«
Quand je suis arrivée, il y avait deux patients. Deux autres sont venus. Le personnel soignant ne s’est intéressé ni à moi, ni à eux. Ensemble, on discutait, on essayait de trouver les solutions de Motus (un jeu télévisé). De temps en temps j’allais fumer une clope dehors
. À un moment, des infirmières sont sorties en courant, je pensais qu’il y avait une urgence : elles chassaient des Pokemons sur leurs portables.
»

Finalement, «
au bout de trois heures », elle est vue par un infirmier, « J’ai retiré l’essuie-tout toute seule parce que je suis très sensible, j’ai fait un malaise. Un médecin est venu, puis un deuxième m’a fait une piqûre pour aller à SOS mains.

J’étais en stress total, on m’a laissé repartir chez moi toute seule. On m’a demandé ça va aller pour repartir, j’ai répondu en plaisantant, si ça a été pour aller, ça ira pour repartir.
»

C’est à son domicile qu’un ami vient la chercher pour la conduire au centre spécialisé à Lesquin. «
On m’a dit pourquoi vous n’êtes pas venue tout de suite

J’ai vu un médecin dans le quart d’heure qui a suivi, je suis restée une heure et quart au bloc opératoire. Le nerf et le tendon étaient sectionnés, l’os touché. Ils m’ont tout refait, j’ai reçu 11 points de suture.
»

Récit sur Facebook

Martine évacue son ressentiment en racontant sa mésaventure sur Facebook : «
Je ne pensais pas que ça aurait pris une telle ampleur.
» Son témoignage a été partagé 1184 fois, enregistrant plus de 2000 « like ».

Quant au nombre de demandes d’amis, «
c’est ultra-blindé. Je suis la star du doigt pété
», rigole-t-elle. Un rire jaune car l’épisode n’est pas clos. «
Ça ne fait pas longtemps que je bouge mon doigt, je ne sens plus rien au bout. Je ne peux pas reprendre mon travail (elle tient un salon de tatouage-piercing à Carvin).

Aujourd’hui, elle ressent à la fois des regrets – «
j’aurais dû appeler les pompiers, ils m’auraient directement conduite à Lesquin
» – et de la colère contre les urgences de la polyclinique : «
Si un professionnel de santé m’avait dirigée tout de suite vers un autre hôpital, je n’aurais pas perdu quatre heures.
»

« La prise en charge a été correcte »

La polyclinique d’Hénin-Beaumont et le groupe AHNAC prennent cette affaire très au sérieux. Céline Lemaître, la directrice, en congés au moment des faits, en a pris connaissance par les réseaux sociaux : « Madame Bossu ne nous a pas contactés. »

« Au vu des propos qu’elle tenait sur Facebook, nous avons immédiatement sorti le dossier patient », rapporte Mme Cuvelier, directrice des soins, qui récuse toute négligence dans la gestion de ce cas : «
Il n’y a pas eu de délai d’attente excédentaire. La prise en charge a été correcte par rapport à ce genre de pathologie (…) En urgence, il y a une hiérarchisation médico-soignante qui est appliquée.
» Une enquête est toutefois en cours. « Il y a eu une réunion de la chefferie de service. Tout le personnel a été rencontré », poursuit la directrice. Un personnel «
surpris et éc’uré » par cette mise en cause. L’enquête s’est appuyée sur les bandes de vidéosurveillance. « Les quelques films qui ont été visualisés ne montrent pas de chasse au Pokemon, je n’ai personne avec des téléphones dans la main.» La hiérarchie relativise l’impression d’abandon ressenti par la patiente. « Quand on est à l’accueil, on ne sait pas ce qu’il y a derrière. Il peut y avoir 5 personnes à l’accueil, et 20-30 de soignées derrière. »

Cet épisode n’est pas représentatif de l’activité du service d’urgences, d’après la direction : «
Notre taux de satisfaction clients est très élevé, tout est mesuré de manière régulière (…) Il existe toute une organisation de la gestion de plainte, je reçois les familles et patients, ce qui permet de mettre en place des actions correctives pour que certains événements ne se reproduisent plus. On va proposer de rencontrer la patiente pour avoir plus de détails. »

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