Grenay , Après 66 ans de lutte les droits des mineurs de 48 à nouveau bloqués

Grenay , Après 66 ans de lutte les droits des mineurs de 48 à nouveau bloqués

«
Je ne veux vexer personne
», prend encore la précaution de dire Norbert Gilmez, mais c’est «
plus que lassant
», ne peut que reconnaître le nonagénaire qui a mené, avec d’autres, le combat des mineurs grévistes de 1948.

En 2014, Christiane Taubira mettait un point final à 66 ans de lutte, en leur reconnaissant, à lui et ses camarades, la place de victimes qu’il convenait d’indemniser.

Toujours pas de réparation

«
Christiane Taubira a fait l’annonce en novembre 2014. Le mois suivant, c’était inscrit dans la loi de finances. En janvier, je recevais mon indemnisation. » Enfin, tout allait très vite. Enfin, les missives envoyées des décennies durant place Vendôme («
seul le nom du ministre de la Justice changeait
») n’étaient plus lettre morte’ jusqu’au départ de la garde des Sceaux et son remplacement par Jean-Jacques Urvoas.

Les mineurs grévistes de 1948 ont bien reçu leurs 30 000 euros d’indemnisation, mais pas la compensation pour tous les avantages perdus (logement, chauffage’). Disposition pourtant actée par Christiane Taubira. Comme au temps où Norbert Gilmez écrivait lettre sur lettre, le militant CGT a repris la plume. Une lettre au garde des Sceaux restera sans réponse, François Hollande, lui, répondra de «
s’adresser à M. Urvoas, c’est à lui de faire appliquer la loi
». Norbert Gilmez veut croire que ce n’est plus cette volonté politique qui avait poussé, depuis 1948, tous les gardes des Sceaux à l’ignorer, mais le changement de cabinet qui a grippé la machine.

Restent les «
dettes
» à sa fille qui l’héberge avec son épouse depuis 1989. «
Le téléphone, par exemple, elle le paye alors qu’il n’y a que moi qui l’use. » Des dettes autant financières que morales envers des enfants qui ont aussi vécu les privations, les conditions de vie dégradées. «
Quand on a souffert toute sa vie d’être déshonoré, on a droit à réparation, non
» Norbert Gilmez a (toujours eu) sa réponse.

Les élus demandent des comptes

Nommé président de la commission Gilmez (lire ci-contre) par Christiane Taubira, Christian Champiré, maire de Grenay, continue son combat pour les mineurs grévistes de 1948. «
J’ai écrit deux fois au ministère de la Justice, sans réponse. J’ai relancé Christiane Taubira, qui a dit qu’elle allait intervenir auprès de son successeur. Seules des indemnités forfaitaires ont été versées. » Les compensations pour les avantages perdus à la suite de leur licenciement, les mineurs les attendent toujours.

Le maire de Grenay a d’ailleurs profité d’une réunion d’information de l’Agence nationale de garantie des droits des mineurs (ANGDM) en début de semaine à Noyelles-sous-Lens pour interpeller le directeur général, Michel Pascal. «
En 2014, l’État a réhabilité les mineurs grévistes de 1948. On pouvait s’attendre à ce qu’on applique la loi de 1981 (qui ouvre le droit aux reconstitutions de carrière), or ce n’est pas le cas. Quel est le motif de ce blocage , interrogeait-il. Ils sont tous nonagénaires et jouer la montre serait scandaleux. Ces mineurs ne sont pas coupables d’avoir été licenciés mais bien victimes. » Le directeur général de l’établissement public administratif, qui connaît visiblement le sujet sur le bout des doigts, a aussitôt répondu : «
Par trois fois, l’État a souhaité les réhabiliter, en 1981, 2005 et 2014. L’ANGDM a appliqué clairement les instructions de l’État. En un mois, on a identifié tout le monde et fait le travail sur la reconstitution de carrière. Sur les trente-six personnes aidées en 2015, trente-trois ayants droit ou leurs enfants ont été indemnisés pour un total de 1,4 million d’euros. Je sais que certains attendaient peut-être plus. Mais là-dessus, on n’a pas joué la montre, au contraire, on a fait le travail au plus vite. »

Le sénateur Dominique Watrin a également tenté d’agir dans ce dossier. Lors de la visite de l’actuel garde des Sceaux à Boulogne-sur-Mer, il a tenu à lui remettre une lettre à ce sujet en main propre. La balle est dans le camp du cabinet de Jean-Jacques Urvoas.
AUDREY HALFORD

Et l’inscription dans les manuels scolaires’

La reconnaissance des mineurs de 48 passait par leur indemnisation mais aussi par la création de la commission « Norbert Gilmez » chargée de définir comment faire vivre cette mémoire et transmettre ce pan de l’histoire. Son apparition dans les livres scolaires avait été évoquée. Une mesure sur laquelle Christian Champiré (photo), maire de Grenay, président de la commission et par ailleurs enseignant, ne se fait pas d’illusions.

«

On savait d’emblée que ce ne serait pas possible, l’Éducation nationale est une grosse machine. Mais cela ne doit pas exclure la possibilité d’évoquer cette histoire dans des documents. Et de mettre ceux qui existent en accès libre. » Quant aux réunions de la commission, perturbées suite aux événements de novembre à Paris, elles avaient repris en janvier. Avant de connaître un nouveau coup d’arrêt. «
Je n’allais pas lancer d’invitation tant que je n’avais pas de réponse du ministère. Mais nous avons reformulé une demande officielle. Cela va reprendre.
» A. H. ET PAU. D.

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