Glyphosate  too big to fail  ‘

Glyphosate  too big to fail  '

Editorial du « Monde » Il en va du glyphosate comme de ces grands établissements financiers américains dont on disait, pendant la crise financière de 2008, qu’ils étaient « trop gros pour faire défaut » « too big to fail ». Le glyphosate, principe actif du célèbre herbicide Roundup, est le pesticide le plus utilisé du monde, sans distinction de catégories. Inventé voici une quarantaine d’années par Monsanto et tombé dans le domaine public au début des années 2000, il est devenu, au cours des vingt dernières années, la pierre angulaire du modèle agricole dominant. Entre 1974 et 2014, les tonnages épandus ont été multipliés par un facteur 260, pour atteindre aujourd’hui plus de 800 000 tonnes par an au niveau mondial. Le glyphosate est partout. Il est le produit chimique de synthèse le plus fréquemment détecté dans l’environnement et la première cause de déclassement des captages d’eau potable en France.

« Too big too fail », le glyphosate est pourtant bel et bien au bord de la faillite. En mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer la référence mondiale en matière d’évaluation des agents cancérogènes l’a classé « cancérogène probable » pour les humains. Et ce, au moment même où l’Union européenne, invoquant d’autres études, souhaitait renouveler son autorisation de mise sur le marché.

Pression de l’opinion

La mobilisation de la société civile, la virulence des réactions ont surpris l’ensemble du monde politique. A Bruxelles, comme dans les capitales européennes. La Commission pensait que l’avenir du glyphosate serait tranché, comme toujours pour ce genre d’actes d’exécution, par un discret comité technique. Il n’en fut rien. A trois reprises, aucune majorité qualifiée n’a été obtenue pour ré-autoriser la substance en Europe, que ce soit pour quinze ans la première fois, ou pour neuf ans la deuxième. Lundi 6 juin, c’est même un simple sursis de dix-huit mois qui n’a pas emporté suffisamment de suffrages pour s’imposer. Il ne s’agissait pourtant que d’attendre une nouvelle expertise, celle de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), avant toute décision ferme.

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La France, l’Allemagne, l’Italie, la Grèce ou le Portugal se sont abstenus, sous la pression d’une opinion de plus en plus mobilisée contre les dégâts sanitaires et environnementaux de l’abus de produits phytosanitaires. Ces gouvernements sont-ils de plus en plus mobilisés en faveur de l’environnement et de la santé publique ‘ On peut en réalité en douter. Ces abstentions masquent en réalité des dissensions profondes entre ministères c’est notamment le cas en France et en Allemagne et une volonté de faire porter à la seule Commission le fardeau politique d’une remise en circulation du produit. C’est probablement, in fine, ce qui se produira.

Le glyphosate ne cessera d’être utilisé sans une évolution majeure du modèle agricole dominant

« Too big to fail », le glyphosate ne cessera d’être utilisé sans une évolution majeure du modèle agricole dominant sauf à ce qu’il soit immédiatement remplacé par des produits autant, voire plus, problématiques. C’est un plan de sortie en bonne et due forme de l’herbicide miracle qui devrait être échafaudé, afin d’aider les agriculteurs à s’en passer.

Or, en France ou en Allemagne, les gouvernements n’ont rien prévu de tel. Comme s’ils attendaient simplement que Bruxelles porte le chapeau d’une décision dont, à la vérité, ils s’accommoderont sans problème. Au risque d’accentuer encore la défiance qui mine l’Union et incite au repli national, partout en Europe.

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