Epées sabres laser et conflit , la violence s’est installée chez les Lego

Epées sabres laser et conflit , la violence s'est installée chez les Lego

Elle est arrivée à la conclusion que le fabricant de jouets danois se serait bien engagé dans une « course à l’armement » à la fois concrète (dans les pièces vendues) et symbolique (dans les images utilisées pour vendre le produit), pour capter l’attention des leurs jeunes clients et rester compétitif dans un marché qui laisse toujours plus de place aux scènes et aux interactions violentes.

Rappelant l’existence de nombreuses controverses sur l’impact des jeux vidéo ou non violents sur ceux qui les pratiquent, les chercheurs précisent d’emblée qu’ils s’intéressent à « la façon dont les jouets connotent, encouragent ou représentent la violence », mais ne cherchent aucun lien de causalité :

« Cette étude a pour but de comprendre si les jouets Lego sont violents, et non l’effet qu’ils ont sur le développement des enfants ».

Tournant au début du XXIe siècle

La première étape a été de fouiller les pièces fabriquées par Lego. Comme aucun catalogue officiel et exhaustif n’existe, les chercheurs ont utilisé, Bricklink, un site qui recense les pièces Lego d’occasion. Une base de données « imparfaite » mais la « plus complète qui soit accessible au public ».

Ils ont ensuite calculé la proportion « d’armes » dans ces kits. Les premières figurines Lego armées sont mises en vente en 1978 avec un château : elles sont armées d’épées, de haches et de lances. Aujourd’hui, près de 30 % des kits Lego contiennent au moins une arme, du couteau au pistolet en passant par des armes fantaisistes. « Les produits de la marque Lego ne sont plus aussi innocents qu’ils ne l’étaient », écrivent les chercheurs.

Le tournant a été pris au début du XXIe siècle lorsque la marque danoise s’est associée à des franchises ultrapopulaires Le Seigneur des anneaux ou Star Wars pour vendre des jouets sous licence. Les deux univers sont transposés dans le monde des Lego, y compris les sabres lasers, les haches et les arcs. En s’adaptant à la culture populaire et en s’associant à Disney ou DC Comics, Lego, qui était au bord de la faillite en 2003, s’est réinventé. Depuis 11 ans, ses bénéfices sont en constante augmentation, pour atteindre 1,24 milliard d’euros en 2015. Ils ont même, contre toute attente, fait un film qui n’est pas si mal.

Contre l’ennui et les habitudes

La deuxième partie de l’étude consiste à évaluer, via un panel de 161 personnes, les images et les scénarios créés par Lego pour vendre leurs jouets. Près de 40 % de ces scènes, présentes dans le catalogue officiel de la marque, sont considérées comme montrant des gestes de menace, d’intimidation ou de domination.

Alors qu’en 1980, on pouvait estimer que 63 % des scènes de violence étaient perçues comme un jeu, en 2015 cette proportion tombe à 45 %, laissant la place à une violence « sérieuse », « réalisée », où les petits bonhommes montrent qu’ils ont réellement l’intention de se faire mal.

Pour expliquer cette évolution, les chercheurs renvoient vers une étude sur l’exposition à la violence dans les médias :

« Les créateurs et producteurs de jeux et de films repoussent sans cesse les limites de la violence acceptable, pour éviter que le public s’ennuie devant des contenus qui se ressembleraient. »

Pour capter l’attention des consommateurs, les fabricants de jouets sont pris, métaphoriquement, dans une « course aux armements », afin de rester compétitifs, non seulement par rapport aux concurrents mais aussi par rapport aux jeux vidéo et aux films. Lego est n’est pas le seul fabricant de jouets concerné. Une autre étude (en allemand) montre que chez Playmobil, une marque connue pour avoir toujours refusé les franchises de films, les armes sont aussi de plus en plus présentes dans les kits.

Des épées, mais surtout des voitures et des tracteurs

Un porte-parole de Lego a assuré que l’entreprise s’intéressait à d’autres registres, comme la construction ou le fantastique, et « essayait, dès que c’est possible, de faire preuve d’humour pour atténuer le niveau de conflit ». Ajoutant quand même que « comme pour n’importe quel type de jeu, le conflit joue un rôle essentiel dans le développement de l’enfant ».

Plusieurs nuances peuvent être apportées aux conclusions de l’étude. Les chercheurs entendent montrer que les Lego sont devenus plus violents pour « rester compétitifs » avec les jeux vidéo et les films. Pour autant, ils reconnaissent que « malgré le nombre d’études sur le sujet, il n’y a pas encore de compréhension claire des effets des médias violents sur le développement des enfants ».

Enfin, le calcul de la proportion de kits Lego contenant des armes ne rend pas compte de l’exposition réelle des enfants à ces objets. En effet, si 30 % des Lego contiennent des armes, ce ne sont pas nécessairement ceux-ci qui se vendent le mieux.

D’après le site de vente en ligne officiel de Lego, le plus gros succès du moment n’incite pas vraiment à l’agressivité : il s’agit d’une scène de jeux au parc. Dans la liste des meilleures ventes figurent ensuite une course de voiture, une épée, un camping-car et un tracteur.

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