En Egypte des textos pour aider les malades du diabète pendant le ramadan

En Egypte des textos pour aider les malades du diabète pendant le ramadan
La rupture du jeûne, « iftar », durant le mois de ramadan au Caire.
Crédits : KHALED DESOUKI/AFP

Le premier croissant de la nouvelle lune qui s’élèvera dans le ciel de ce lundi 6 juin donnera le top départ du mois saint. Durant vingt-huit jours, les musulmans s’abstiendront de manger et de boire du lever au coucher du soleil. Chaque soir, la rupture du jeûne est donc attendue comme une fête.

Mais, pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en Egypte, le ramadan est une période critique. Selon les dernières statistiques, 17 % des Egyptiens adultes seraient diabétiques, soit près de 9 millions d’individus, et 10 % se trouveraient en situation dite de prédiabète. Le chiffre réel est certainement plus élevé, de nombreux malades restant inconnus des services médicaux. Seulement 40 % de ces malades reçoivent un traitement, un chiffre qui s’explique par une faible prise de conscience des dangers de la maladie et par les problèmes d’accès à des consultations médicales régulières.

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« Le diabète est favorisé par un mauvais régime alimentaire, un manque d’activité physique et la consommation de tabac et d’alcool, explique Randa Abou Al-Naga, experte en maladies non transmissibles auprès de l’OMS en Egypte. Durant le ramadan, les deux premiers facteurs sont décuplés, précise-t-elle. En Egypte, 31 % de la population est obèse et 30 % présentent des risques d’obésité. Le ramadan peut avoir des conséquences graves lorsque ce public adopte un comportement alimentaire imprudent en mangeant trop et mal lors de la rupture du jeûne et en renonçant à tout exercice. »

L’OMS a donc lancé, le 23 février, avec le bureau régional arabe de l’Union internationale des télécommunications (IUT) basé au Caire le projet « mDiabètes » (« m » pour mobile) qui vise à aider les personnes atteintes de diabète au moyen de conseils délivrés par texto. Ne touchant que 10 000 patients dans sa phase pilote, « mDiabètes » enverra à 120 000 patients un texto quotidien donnant les clés d’une bonne hygiène alimentaire et des exemples basiques d’exercice physique durant tout le mois de ramadan. Il s’agit également d’interpeller les malades sur la nécessité de consulter un médecin et de suivre un traitement, notamment faire vérifier le taux de glucose dans le sang.

Le portable 85 fois par jour

Pour les médecins, la première cause du diabète en Egypte réside dans l’ignorance des malades. « Les conséquences de cette maladie sont pourtant très graves, alerte Randa Abou Al-Naga. Infection vasculaire, Insuffisance rénale, atteinte à tous les organes, le diabète affecte tout ! Durant la période du ramadan, on constate chaque année une forte hausse des complications chez les personnes diabétiques, car, encore une fois, les malades restent mal informés. Dans ces conditions, il est du devoir des médecins et du gouvernement d’alerter le public pour changer fondamentalement notre culture ancrée une mauvaise hygiène de vie. »

Très active depuis plus de quarante ans, l’Egyptian Diabetes Care Association salue cette initiative. Son président-fondateur, le docteur Gamal Gordon, ne cache pas sa désolation face à la propagation de la maladie : « La majeure partie de la population ne fait l’objet d’aucun contrôle médical. Seuls les plus aisés ont le réflexe de réaliser un bilan annuel. Cela doit devenir la norme pour tous. »

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« Ce projet ne cherche pas à remplacer le travail unique et fondamental du médecin, explique alors Karim Abdel Ghani, coordinateur de programme à l’ITU. Il s’agit de saisir les opportunités offertes par les nouvelles technologies en les mettant au service de la santé publique. » En 2015, pas moins de 110 millions de souscriptions à une carte SIM ont été enregistrées pour ce pays de 90 millions d’habitants et chaque Egyptien regarde son mobile en moyenne 85 fois par jour, passant le tiers de son temps éveillé devant son (plus ou moins) petit écran.

L’OMS voit donc grand avec son initiative « mDiabètes » qui s’inscrit dans les projets plus globaux « mHealth » pour les maladies chroniques non transmissibles et Be He@lthy Be Mobile de l’ITU. « Bien que nous n’en soyons qu’à la phase pilote, prévient Karim Abdel Ghani, au moins sept pays de la région se disent déjà intéressés. »

Alors que les grandes épidémies occupent davantage l’agenda politique et mobilisent les médias internationaux à chaque nouvelle catastrophe, l’OMS estime à près de 80 % les décès dus aux maladies non transmissibles, tuant chaque année 29 millions de personnes dans les pays dits « à revenu faible ou intermédiaire » comme l’Egypte.

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