Emprunts toxiques , comment 28 maires et collectivités du Nord respirent enfin

Emprunts toxiques , comment 28 maires et collectivités du Nord respirent enfin

> Une signature pour un gros soulagement

C’est juste un paraphe apposé en bas d’un document qui semble rédigé dans une obscure novlangue, mais pour 28 collectivités du département du Nord, c’est surtout l’issue d’un très long tunnel. Cette signature, quatre maires et présidents de collectivités s’en sont acquittés vendredi, en préfecture. C’est officiel : les villes d’Aulnoye-Aymeries et Salomé, la communauté de communes de la Haute-Deûle et le syndicat intercommunal d’assainissement de Valenciennes sont sortis de la crise des emprunts à risque, grâce à l’aide de l’État qui a monté un fonds de soutien pour régler une grosse partie de la facture.

> D’où vient de problème

Au milieu des années 2000, de nombreuses communes ont contracté auprès de Dexia, la banque franco-belge des collectivités, des emprunts dont le taux, assez bas, deviendrait en cours de remboursement variable et lié à la parité entre l’euro et (le plus souvent) le franc suisse. Tout va bien si les taux ne s’affolent pas. Sauf que patatras, la crise de 2007-2008 bouleverse la donne. Re-patatras début 2015, lorsque la banque nationale suisse met fin au cours plancher de sa monnaie. Les taux variables explosent, passant parfois de 3 % à 23 % ! Dans de nombreuses mairies et collectivités, c’est la panique. Et la menace de banqueroute.

> Pourquoi l’État s’en mêle

«
Il fallait trouver une solution pour ces collectivités exsangues
», assure le préfet du Nord Jean-François Cordet. Pourtant, on peut considérer qu’il s’agit d’une affaire regardant des clients (les collectivités) et leur banque. «
Elles étaient tout simplement menacées de disparition, il y avait vraiment péril en la demeure
», insiste le représentant de l’État. En résumé : solidarité nationale à l’égard des premiers investisseurs de la Nation. Un fonds de soutien aux emprunts à risque est donc créé dès 2014, alimenté par l’État et les banques.

Ce fonds aide les collectivités qui sortent de leur emprunt toxique en négociant avec la SFIL (société de financement local, qui a pris la suite de Dexia), moyennant une indemnité de remboursement anticipé (IRA) très élevée. Exemple : à l’issue de l’opération, l’IRA et le capital restant dû se montent à 25 M’ pour Aulnoye-Aymeries, et le fonds intervient à hauteur de 16,6 M’. De toute façon, c’est moins que ce que la ville aurait dû payer en poursuivant l’emprunt toxique jusqu’à son terme.

À ce jour, huit collectivités nordistes ont achevé le processus de renégociation de leur prêt, moyennant une IRA de 119 M’ abondée par le fonds de soutien à hauteur de 77 M’. Les sommes sont colossales. Vingt-huit mairies ou collectivités sont inscrites dans ce dispositif dans le Nord, et 24 dans le Pas-de-Calais.

Fin des nuits blanches, pas de l’amertume

«
Ces emprunts toxiques ont vraiment été des vers dans le fruit
», soupire Marie-Annick Dezitter, maire d’Avesnes-sur-Helpe, s’exprimant au nom de l’Association des maires du Nord. Pour tous ces élus de grandes ou petites communes, il a fallu vaincre un dilemme initial. Une fois identifiées les perspectives calamiteuses des fameux emprunts toxiques, les municipalités avaient le loisir d’aller au contentieux avec l’établissement bancaire, mais avec une issue très aléatoire, de l’avis général. Ou alors elles s’inscrivaient dans le processus de renégociation du prêt, avec une lourde indemnité de remboursement anticipé, mais avec l’aide de l’État.

«
Tout cela a été très complexe, se souvient Grégory Marlier, président de la communauté de communes de la Haute-Deûle. Nous avons même gelé les investissements pendant cette période.
» Il était sous la menace de taux pouvant grimper jusqu’à 25 %, au lieu de 3,9 % initialement. Aujourd’hui, l’élu se dit «
soulagé
». Il s’en tire avec une indemnité de remboursement de 6,5 M’, abondée par l’État à hauteur de presque 4 M’. Et dites un peu à Bernard Baudoux, maire d’Aulnoye-Aymeries, que les élus se sont montrés légers dans leurs emprunts’ «
Les financiers nous ont tous dit que les taux n’allaient pas bouger. Que nous pouvions être confiants.
» L’élu communiste se souvient de ces «
moments extrêmement douloureux
», de ces «
nuits blanches
», de ces «
états d’âme
». Soulagé, il l’est. Mais «
en colère
» aussi, «
contre ce système bancaire qui gagne de l’argent en dormant
».

La voix de Christophe Caron : « Merci l’État’ pour une fois »

Soyons honnêtes, lors de cette officialisation du versement du fonds de soutien aux emprunts à risque à une poignée de collectivités, ça nous a fait drôle d’entendre des maires remercier avec insistance l’État pour la bouffée d’oxygène qu’elle procure, pour la réactivité de ses agents, pour le niveau d’ingénierie de ses services. Ça fait un bout de temps qu’on entend davantage parler de dotations en baisse ou d’activités périscolaires onéreuses. D’où cette précision que n’a pas manquée le préfet du Nord : «
On nous dit que l’État se désengage, mais il trouve quand même une marge de man’uvre pour permettre aux collectivités d’assurer leurs missions de service public.
» Au niveau national, ce fonds d’aide se monte à près de trois milliards d’euros.

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