Elections municipales en Italie , Virginia Raggi très proche du Capitole

Elections municipales en Italie , Virginia Raggi très proche du Capitole

Le Monde
| 30.04.2016 à 11h05
Mis à jour le
05.06.2016 à 14h31
|

Par Philippe Ridet (Rome, correspondant)

Une ou deux fois par semaine depuis six mois, dans la salle d’audience sécurisée de la prison de Rebibbia, au nord de Rome, les 42 premiers inculpés du procès « Mafia capitale » font face à leurs juges. Ils sont accusés d’avoir tissé un vaste réseau de corruption, aux dépens de la ville, mêlant élus, fonctionnaires et criminels. Découvert en décembre 2014, ce scandale a conduit à la démission le maire Ignazio Marino (centre gauche), incapable de faire face à la situation et lâché par son parti. Qui s’en souvient encore ‘ La Ville éternelle, aujourd’hui gérée par un préfet nommé par le gouvernement, semble avoir tout oublié.

Lire aussi :
 

Le maire de Rome, isolé, contraint à la démission

Pourtant, c’est de Rebibbia qu’il faut partir pour comprendre l’enjeu de la bataille électorale pour la conquête de la mairie de Rome (les 5 et 19 juin). Tous les candidats n’ont qu’un mot à la bouche : « Honnêteté. » « Honnêteté » pour redonner à la politique ses lettres de noblesse ; « honnêteté » pour mettre au pas une administration tentaculaire, facilement corruptible, et souvent plus forte que les élus ; « honnêteté » pour gérer les sociétés municipales (transports, ordures, voirie), véritables passoires dévorant l’argent public au point que la ville traîne le boulet d’une dette cumulée de 13 milliards d’euros.

Une longueur d’avance

Dans ce concours de bonnes intentions pour accéder au Capitole, siège de la mairie de Rome, Virginia Raggi, candidate du Mouvement 5 étoiles (M5S), part avec une longueur d’avance. Son parti n’a jamais exercé de responsabilité dans la gestion municipale et ses membres doivent afficher un casier judiciaire vierge. Longs cheveux noirs encadrant un visage mince, cette ancienne avocate de 37 ans se dit ni de droite ni de gauche. Ou les deux à la fois. « J’ai toujours voté à gauche », confie-t-elle. Elle a cependant fait ses classes de juriste dans un cabinet qui avait pour client Silvio Berlusconi, une ligne de son CV qu’elle n’avait pas mentionnée mais que la presse a découverte.

Entrée en politique à la naissance du M5S en 2009 avant d’être élue conseillère d’arrondissement dans un quartier périphérique, elle est en tête dans tous les sondages de premier tour devant la candidate de la droite extrême, Giorgia Meloni, celui du centre gauche, Roberto Giachetti, et Alfio Marchini, soutenu par la droite modérée et les centristes. Pourtant, en février, lançant sa campagne devant les journalistes de la presse étrangère, elle lâchait, un rien gaffeuse : « Les voix des électeurs ne m’intéressent pas. »

Lire aussi :
 

En Italie, le Mouvement 5 étoiles perd son idéologue

Un samedi après-midi frisquet d’avril, elle donne rendez-vous dans une galerie d’art du quartier de Monti avec un aréopage de commerçants et d’artisans. A priori, ce n’est pas l’habituel public du Mouvement 5 étoiles, plutôt jeune, diplômé et connecté. En face d’elle, il y a un menuisier, un tapissier, un marbrier. Chaque année, plusieurs d’entre eux mettent la clé sous la porte : loyers devenus trop chers dans le centre historique, impôts trop élevés. Elle écoute. Et prend la parole : « Je ne serai pas votre représentante à la mairie, dit-elle sans ambages. Mais votre porte-parole au c’ur des institutions. Nous voulons changer le système, mais c’est vous qui devez nous aider. Personne dans mon équipe, ni moi-même, n’a jamais rêvé d’être maire de Rome. Je n’ai jamais été artisan non plus. C’est vous qui devez changer la ville. Cela ne marchera que si vous êtes capables de nous donner des réponses, des pistes à vos problèmes. »

« Pas besoin de supporters »

Un peu interloqué, un des auditeurs relance : « Plus je travaille et plus je paie de taxes. » Patiente, Virginia Raggi enfonce son clou : « Honnêtement, je ne peux pas vous dire que je baisserai les impôts. » Limite langue de bois, elle ajoute : « Je serai toujours à disposition pour tout ce qui concerne l’artisanat et le commerce. » Un peu plus tôt dans la matinée, lors d’une réunion organisée sur le thème des transports un des trois piliers de sa campagne avec le ramassage des ordures et la transparence , elle s’est montrée tout aussi prudente, prenant à rebours des années de politique clientéliste. « Je n’ai pas besoin de supporters mais de citoyens qui veulent travailler avec moi. »

C’est sa conviction. Les Romains ne sont responsables de rien. Ni complices. Les ordures s’accumulent parfois au coin des rues ‘ La circulation anarchique ‘ L’évasion fiscale ‘ Le sentiment de dégradation qui frappe plus d’un visiteur de la Ville éternelle ‘ « Les habitants de cette ville sont victimes du mauvais exemple donné par la politique et l’administration », balaie-t-elle. Pour leur rendre le pouvoir et leur dignité, elle prévoit de faire tomber des têtes et d’« appliquer la loi ».

Elle ne songe pas non plus, en cas de victoire, à s’entourer de magistrats pour vérifier la légalité des appels d’offres, comme l’avait fait son prédécesseur : « C’est le rôle de la politique. Elle doit assumer. » Elle promet d’économiser « un milliard d’euros de budget grâce à une meilleure gestion » et de taxer les biens immobiliers du Vatican à usage lucratif. Même la candidature de Rome aux Jeux olympiques de 2024 est remise en cause. « La ville est à genoux. Il faut essayer de restaurer son image. Mais Rome, c’est la culture, l’artisanat, un art de vivre. Ce n’est pas seulement la corruption, les grands chantiers qui n’en finissent jamais. Ce n’est pas seulement Mafia capitale’. » Nous y revoilà’

Lire aussi :
 

Avec le procès « Mafia capitale », Rome joue sa réputation

Leave A Reply