Du magma toujours liquide sous les volcans de la chaîne des Puys

Du magma toujours liquide sous les volcans de la chaîne des Puys

Le Puy de Dôme. © Alain Rigaïl.

C’est la différence entre la surface et la profondeur, entre le dessus et le dessous. Dessus, voici la Chaîne des Puys, cette mince bande d’imposantes pustules rangées sur un axe nord-sud à l’ouest de Clermont-Ferrand, vestiges des volcans les plus récents de France métropolitaine. Elle est apparue il y a environ 100 000 ans à titre de comparaison, le volcanisme dans le Massif central est né il y a 60 millions d’années, peu après la disparition des dinosaures. Sur une quarantaine de kilomètres seulement, quelque 80 édifices volcaniques dominés par le puy de Dôme s’alignent, tous endormis. Voilà pour le dessus. Dessous, c’est peut-être moins éteint, ainsi que le révèle une étude française qui paraîtra prochainement dans la revue Lithos.

Comme me l’a expliqué le premier auteur de cet article, Lydéric France, maître de conférences au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CRPG, une unité mixte de recherche du CNRS et de l’université de Lorraine), l’objectif initial de ce travail consistait à déterminer comment était organisée la « plomberie ». Par « plomberie », il faut entendre « l’enchevêtrement des chambres magmatiques et des conduits qui les relient ». Evidemment, pas question d’entreprendre un voyage souterrain à la Jules Verne pour aller glaner des renseignements. L’idée était de faire parler les roches sorties des entrailles de l’Auvergne grâce à des analyses géochimiques poussées.

Une histoire de contamination

Pour comprendre la démarche de cette équipe de chercheurs, il faut savoir que, dans la Chaîne des Puys, cohabitent différents types de lave, des basaltes mais aussi des trachytes. Ces derniers correspondent à des magmas n’ayant pas migré directement depuis leur zone de formation (plus de 30 km sous nos pieds) vers la surface mais qui ont chimiquement évolué en restant stockés dans des chambres magmatiques, vers 10-12 kilomètres de profondeur. C’est là qu’ils ont été enrichis en silice lors de leur refroidissement et par fusion de la croûte terrestre environnante les spécialistes parlent ainsi de « contamination crustale ». En étudiant les différences de contamination des matériaux arrivés à la surface, on peut redessiner la plomberie sous-jacente.

Carte de la Chaîne des puys. © France et al./Lithos.

Lydéric France et ses collègues ont donc analysé des échantillons provenant de deux volcans bien distincts, le puy de Dôme et le Sarcoui, situé quelques kilomètres plus au nord (voir carte ci-contre). Pour éviter d’avoir à travailler sur des roches altérées par le temps, ils se sont concentrés, m’a expliqué le pétrologue-géochimiste, « sur le c’ur d’une centaine de cristaux de zircon. On broie les roches, on en extrait ces cristaux qu’on abrase ensuite pour arriver au c’ur de ces minéraux, qui ne sera pas altéré ». Le résultat des analyses isotopiques a surpris les chercheurs : que les échantillons proviennent du puy de Dôme ou du Sarcoui, la contamination crustale était identique. Seule conclusion possible, les deux édifices, bien que distants de 5 kilomètres et séparés par plusieurs autres volcans, étaient alimentés par le même réservoir de lave.

Dit ainsi, cela n’a rien d’impressionnant. C’est là aussi qu’on perçoit la différence entre la surface et la profondeur, la surface des résultats et la profondeur des conclusions qu’on en tire. En effet, s’il n’y a qu’une seule chambre magmatique, celle-ci est donc de belle taille. Selon l’étude, son volume est compris entre 6 et 15 kilomètres cubes. Or, d’après les calculs réalisés par une équipe de l’université d’Orléans et publiés en 2013 dans le Journal of Petrology, une telle chambre magmatique n’a pas eu le temps de refroidir complètement depuis la dernière éruption du Sarcoui il y a 12 000 ans. « Il reste donc une petite partie de magma liquide dedans », conclut Lydéric France. Les magmas présents seraient très riches en silice, visqueux, et donc potentiellement associés à des éruptions explosives. Même si la Chaîne des Puys n’est plus volcaniquement active depuis 6 700 ans, elle l’est donc encore magmatiquement parlant.

« En disant cela, il ne s’agit pas de vouloir faire du bruit, prévient prudemment le chercheur. Avoir du magma liquide en profondeur est une chose, le remobiliser pour faire une éruption en est une autre. Il est possible qu’une éruption ait lieu ; il est très improbable que ce soit demain. » Lydéric France rappelle aussi qu’en raison de sa proximité avec l’agglomération clermontoise, qui regroupe près d’un demi-million d’habitants, la zone est étroitement surveillée par l’Observatoire de physique du globe de Clermont-Ferrand. Et que, pour l’heure, tout est on ne peut plus calme sous la Chaîne des Puys. Si rien ne bouge, la chambre magmatique sera complètement refroidie dans quelques millénaires.

Pierre Barthélémy (suivez-moi ici sur Twitter ou bien là sur Facebook)

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