Denis MacShane , Aucun leader n’est en position favorable pour faire campagne contre le Brexit

Denis MacShane ,  Aucun leader n'est en position favorable pour faire campagne contre le Brexit

Après les élections de jeudi dernier, qui peut être considéré comme globalement vainqueur

« Personne. Les leaders des grands partis traditionnels laissons de côté le Ukip populiste- ont tous perdu quelque chose. Cameron a mis tout son poids dans la bataille londonienne, dans le but de garder un maire conservateur à la capitale. Il s’en est pris personnellement plusieurs fois à Sadiq Khan, insistant sur sa religion, l’associant même aux extrémistes islamistes. J’ai ai été moi-même choqué, parfois. Mais les électeurs l’ont rejeté. Khan a gagné. Cameron est donc affaibli.

Jeremy Corbyn, quant à lui, a été fermement rejeté, surtout en Ecosse, où sa philosophie gauchiste est mal perçue. Il y a même là-bas un retour des conservateurs.

Le parti libéral démocrate n’a pas percé, et enfin, les nationalistes écossais, s’ils l’ont emporté, ont perdu leur majorité absolue. Je le répète : tout le monde a perdu de son crédit, dans cette histoire. A ce jour, aucun leader n’est en position favorable pour faire campagne contre le Brexit. »

Comment vont-ils convaincre les électeurs, pour le référendum du 23 juin

« A priori, les leaders souhaitent tous un maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne. Mais on voit que lorsqu’ils font appel aux électeurs, ceux-ci ne les suivent pas. Et encore, il faut considérer le taux de participation, qu’on n’annonce pas très élevé. Or, les analystes assurent que la réduction de cette participation bénéficie au camp du Brexit.

Le camp des pro-européens a perdu gros, aussi, avec le refus par la justice de laisser voter les britanniques habitant à l’étranger. S’appuyant sur le fait que l’enjeu, cette fois, n’est absolument pas local, les expatriés, résidant le plus souvent dans des pays européens, avaient souhaité prendre part au référendum. Ce sont des gens naturellement pro-européens. Mais la cour de cassation a rejeté leur recours. »

Sur quels thèmes va s’engager la campagne

« On en a eu une première idée assez précise ce dimanche matin, dans les traditionnelles émissions télévisées consacrées à la politique. Tous les leaders prônant le maintien ont mis le focus sur les risques économiques, si l’Angleterre sort du marché européen. Ils ont répété que le pays perdra sa capacité à exporter, que les entreprises ne viendront plus à Londres, que les investissements iront en France, en Allemagne, aux Pays-Bas’

Et dans l’autre camp assure que tout ira bien, qu’on fera comme la Suisse ou la Norvège. Que l’Allemagne continuera à nous vendre ses BMW ou ses Mercedes, la France ses Louis Vuitton, ses fromages ou ses vins’

Il y a aussi l’argument de la sécurité. Un des principaux chefs du MI 6, le service de renseignements, a écrit une tribune expliquant que nous n’aurons plus accès aux données européennes, pour lutter contre le terrorisme. Et un ancien ministre de l’Intérieur a répondu qu’au contraire, la Cour de Justice européenne a empêché l’extradition de terroristes, et qu’elle pratique l’ingérence dans notre propre justice. »

L’opposition promet-elle d’être agressive

« Il y aura ce type de ping pong incessant, dans les cinq semaines à venir. Je pense souvent, ces derniers temps, au débat de 1992, entre François Mitterrand et Philippe Seguin, à propos du Traité de Maastricht. Mais ici, on ne sait pas qui représentera chaque camp. Cameron contre Johnson, peut-être Mais ce sont deux élus du même parti. Et Cameron refuse de débattre face à un homme de son camp.

On ne sait pas non plus quel sera le rôle de Jeremy Corbyn, le leader travailliste. Lui aussi veut que la Grande-Bretagne reste dans l’U.E., mais pas pour les mêmes raisons que les Conservateurs. Il a un programme plus social qu’économique. Il est contre le traité des échanges avec les Etats-Unis.

De plus, il y a une chose surprenante : on sait que Corbyn doit s’absenter pendant une dizaine de jours, au mois de juin. Il a une visite à l’étranger et prendra des vacances. Le pays vivra une des campagnes les plus cruciales de son histoire, et le chef de l’opposition sera en vacances !..

On le voit : il n’y a pas d’unité, ni dans un camp, ni dans l’autre. »

Peut-on dire que David Cameron est pris à son propre piège

« Tout à fait. Il a dit en 2014, dans la campagne des élections générales, qu’en cas de réélection, il offrirait ce référendum. C’était une manière de réduire l’influence grandissante du parti populiste Ukip, en s’appropriant l’une de ses principales revendications.

Cela me rappelle Chirac, en 2005. Il pensait que ça passerait sans problème, mais un référendum n’est pas une élection : il y a d’autres éléments en jeu. Les anti-européens agitent le chiffre de deux millions de travailleurs roumains, bulgares ou autres qui arriveraient ici, des gens se décident à voter non. Ceux qui n’aiment pas Cameron se décident à voter non. J’ai même été interpellé près de chez moi, pas plus tard que ce dimanche, par un homme qui m’a dit : « Vous qui êtes pour le oui, qu’est-ce que vous direz quand il y aura 75 millions de turcs chez nous .. » Il faisait référence au traité signé entre l’Union européenne et la Turquie. C’est n’importe quoi, mais’ »

On ne peut donc pas exclure une sortie de la Grande-Bretagne, aujourd’hui

« Non. D’ailleurs, c’est bien simple : Cameron est terrifié, aujourd’hui.

Il est dans une position impossible : c’est à lui de faire campagne pour le maintien dans l’Union européenne, alors que depuis des années, il a toujours refusé d’avoir le moindre mot dans cette direction. Avant d’être Premier ministre, il disait pis que pendre de l’Union européenne, et même pendant ses cinq premières années au 10, Downing street, c’était la même chose.

Les autres demandent alors pourquoi il a tourné sa veste. Ses deux prédécesseurs à la tête des Tories et aussi Boris Johnson, l’ancien maire de Londres, sont dans le camp du non, et on y voit une forme de cohérence.

Johnson mise tout sur une défaite de Cameron, le 23 juin. Parce que, dans ce cas, il sera obligé de démissionner et c’est lui qui serait le favori pour devenir Premier ministre. Mais dans le cas d’une victoire des pro-européens, alors Cameron resterait à son poste. Il n’y aurait pas de changement, alors’ »

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