Daraya en Syrie bombardée par le régime au lieu d’être secourue par l’ONU

Daraya en Syrie bombardée par le régime au lieu d'être secourue par l'ONU

Le Monde
| 13.05.2016 à 06h48
Mis à jour le
13.05.2016 à 07h32
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Par Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant)

Ils s’attendaient à recevoir de l’aide humanitaire. Ce devait être le premier convoi des Nations unies et de la Croix-Rouge à entrer dans leur ville depuis trois ans et demi. Mais, en lieu des provisions tant attendues, les Syriens de Daraya, un bastion de la rébellion, en banlieue de Damas, ont reçu des coups de canon. Après avoir barré le passage au convoi, qui disposait de tous les permis requis, jeudi 12 mai, les soldats syriens stationnés à l’entrée de la ville ont bombardé la population massée un peu plus loin, faisant deux morts et cinq blessés, selon des sources locales.

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Moins de dix kilomètres séparent le centre de Damas, où sont basés l’ONU et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), de Daraya, au sud de la capitale. Depuis novembre 2012, date de l’encerclement de la ville par l’armée régulière, aucun convoi d’aide n’avait été autorisé par le gouvernement syrien à franchir cette distance. Peuplée de 100 000 habitants avant la révolution, la ville fut l’une des pionnières du mouvement de protestation anti-Assad, avant de se convertir à la lutte armée sous la répression, comme le reste du pays.

Sa place à part dans l’histoire de la révolution et sa proximité avec l’aéroport militaire de Mezzeh, le plus important de la région de Damas, l’ont particulièrement exposée à la vindicte du régime. Le massacre qu’y ont perpétré en août 2012 des militaires syriens (350 morts) figure parmi les pires de ces cinq dernières années. Les milliers de bombes-barils déversées sur ses quartiers ont abouti à la destruction de 90 % des bâtiments, et à l’exode de la population dans les mêmes proportions. Les 8 000 habitants restés sur place survivent avec un repas par jour, une soupe de lentilles, un peu de riz, ou quelques feuilles de salade.

Mascarade

Le rapprochement entre Moscou et Washington, qui s’est traduit par la courte trêve du mois de mars, a cependant incité le régime à desserrer son garrot. Depuis le début de l’année, 250 000 personnes ont pu être ravitaillées à travers la Syrie, sur un total de 410 000 vivant dans des zones assiégées. Damas, jusque-là inflexible, a fini par donner son feu vert à l’acheminement d’aide vers Daraya il y a quelques jours.

Quatre camions seulement, contenant des kits chirurgicaux, des médicaments, des vaccins, mais pas de nourriture (mis à part le lait pour bébé), ont été autorisés. C’est tout ce que l’ONU et le CICR avaient pu obtenir du gouvernement syrien, au grand dam de la population, terrorisée à l’idée de subir le sort de Madaya, une autre ville encerclée, où une trentaine de personnes sont mortes de faim en 2015, avant que des vivres n’y soient distribués, en janvier.

Mais même ce modeste chargement n’a pas pu être livré. Selon une source humanitaire haut placée, la IVe division blindée, l’unité d’élite déployée autour de Damas, aurait exigé, afin de laisser passer les camions, qu’ils soient vidés de toute leur cargaison, à l’exception des vaccins. Les organisateurs ont préféré rebrousser chemin plutôt que de se prêter à cette mascarade. Quelques minutes plus tard, neuf obus d’artillerie s’abattaient sur l’emplacement où les habitants de Daraya s’étaient rassemblés dans l’attente du convoi. Un père et son fils sont morts dans ces explosions.

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