Crise des migrants , catastrophe humanitaire mais aussi économique

Crise des migrants , catastrophe humanitaire mais aussi économique

Ce lundi, le blocage de l’A16 annoncé par les transporteurs routiers, accompagnés de commerçants, agriculteurs et agents portuaires, est le symbole d’une situation devenue intenable, tant sur le plan humain qu’économique.

Les transporteurs routiers sont à bout de nerfs. Chaque jour, près de 6 000 camions passent par Calais. Mais l’A16 et la rocade calaisienne sont le théâtre quotidien d’assauts de migrants qui veulent s’introduire à l’intérieur des véhicules pour se rendre clandestinement en territoire britannique. Trafic stoppé, poids lourds attaqués, conducteurs menacés, bâches déchirées, marchandise dégradée… La situation est devenue intenable pour la profession.

« C’est devenu un enfer »

«
Chaque semaine, nous livrons entre 150 et 200 clients en Angleterre de productions majoritairement régionales : agroalimentaire, papeterie, pièces automobiles, etc.
», explique Éric Fiolet, gérant des transports Fiolet, à Arques. «
Depuis le début de l’année, ce sont plus de 100 000 intrusions dans les véhicules qui ont été comptabilisées sur toute la zone calaisienne. Avec des camions dégradés, des marchandises abîmées, des retards permanents. Les pertes peuvent aller de 5 000 à 100 000 euros certains jours.
»

À l’image des Transports Deroo, à Wizernes. «
J’ai trente chauffeurs qui partent tous les jours vers l’Angleterre, raconte Alain Noyelles, responsable d’exploitation. Pour eux, c’est devenu l’enfer. Il y a les agressions et les risques d’accidents ; l’autoroute est parfois bloquée huit à neuf heures. Il y a trois semaines, vingt migrants se sont introduits dans un camion transportant des verres d’Arc. Il y a eu pour 40 000 euros de casse.
»

« Nous avons déjà eu des retards de livraison de plusieurs jours »

Les pertes sont aussi du côté des entreprises qui ont des marchés en Angleterre, comme Jokey, à Noeux-les-Mines, qui fabrique des emballages plastiques pour l’alimentaire. «
Un quart de notre chiffre d’affaires est réalisé en Angleterre, souffle son directeur, Marc Dubois. Nous avons déjà eu des retards de livraison de plusieurs jours quand le tunnel était bloqué. Or, les Anglais sont très stricts sur les conditions de livraison.
»

«
Des clients se détournent désormais du transport via Calais et passent par la Belgique ou Dieppe, constate à son tour Sébastien Rivera, secrétaire général du Pas-de-Calais pour la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR). D’autres privilégient le tunnel plutôt que le bateau. Ce sont des pertes de trafic importantes pour le port de Calais. Il y a aussi les amendes britanniques lorsqu’un clandestin est découvert, 2 000 euros par individu. Sans compter les difficultés pour se faire indemniser en cas de dégradations.
» À bout de nerf, la FNTR réclame un plan d’urgence. Bernard Cazeneuve l’aura-t-il dans sa besace

Dans le Calaisis, le tissu économique en détresse

La pression migratoire et ses conséquences ont un lourd impact sur le tissu économique local et l’activité touristique. La chambre de commerce et d’industrie de la Côte d’Opale a mis en place un observatoire du chiffre d’affaires. Pour la période de fin 2015 à mai 2016, «
la tendance est de 20 à 30 % pour le commerce de détail. Dans la restauration, la baisse est de l’ordre de 40 % par rapport à la même période un an plus tôt
», explique Frédéric Van Gansbeke, président du Collectif des entreprises et commerces du Calaisis (environ 700 membres).

Seule l’hôtellerie tire son épingle du jeu. Et pour cause, les hôtels sont remplis par les compagnies républicaines de sécurité (CRS) et les compagnies de gendarmerie mobiles qui sécurisent le Calaisis contre les intrusions sur l’A16. Au port, la baisse d’activité des compagnies maritimes sur le fret la nuit est estimée entre 40 et 50 %.

L’été sauve les meubles

Côté tourisme, on dresse aussi des constats négatifs. L’office de tourisme intercommunal Calais Côte d’Opale note une baisse de 30 % des demandes d’information à l’office ou par téléphone pour le mois de juillet. Avec une baisse importante du nombre de touristes anglais et des visiteurs régionaux. Le bilan de l’été et/ou du mois d’août doit encore être dressé. Mais on annonce un léger mieux ou plutôt un « moins pire ». «
La baisse semble moins importante en août, disons qu’on a sauvé les meubles
», renseigne l’office de tourisme. «
On a eu un été plutôt bon avec une belle météo au mois d’août
», relativise Frédéric Van Gansbeke.

Les commerçants et restaurateurs ont surtout profité du succès qu’a représenté la venue de l’araignée et du cheval-dragon de la compagnie nantaise La Machine, fin juin. La fréquentation à cet événement est estimée à 400 000 visiteurs sur quatre jours. «
Les restaurateurs ont travaillé ce week-end-là comme ils n’avaient plus travaillé depuis vingt ans.
» De quoi remonter un peu le moral, car la situation reste très tendue pour nombre de commerçants et entreprises du Calaisis. «
On fait ce métier pour gagner notre vie, pas pour être en mode survie comme on l’est
», interpelle encore Frédéric Van Gansbeke.

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