Congo-Kinshasa , Kabila passe en force scènes d’émeute dans la capitale malgré les appels au calme

Congo-Kinshasa , Kabila passe en force scènes d'émeute dans la capitale malgré les appels au calme

Des violences ont opposé partisans de l’opposition et forces de l’ordre dans plusieurs quartiers de la capitale après l’annonce de la formation d’un nouveau gouvernement par le président congolais, sans attendre la fin de la médiation de l’Eglise catholique.

Le Monde.fr avec AFP

Le 20.12.2016 à 09h25

Mis à jour le 20.12.2016 à 11h30

Joseph Kabila, le 15 novembre, devant le Parlement congolais, à Kinshasa.
Crédits : JUNIOR KANNAH / AFP

Le président congolais, Joseph Kabila, a annoncé dans la nuit de lundi 19 à mardi 20 décembre, quelques heures avant la fin de son mandat, un nouveau gouvernement sans attendre les résultats de la médiation de l’Eglise catholique visant à sortir la République démocratique du Congo (RDC) de la crise politique. Cette annonce a été ponctuée par des scènes de violences sporadiques dans plusieurs quartiers populaires où l’envoyé spécial du Monde a décompté au moins un mort, tué par balles.

Mardi matin, la police et la Grade républicaine tentaient de contenir les violences, ratissant les quartiers, arrêtant des manifestants et ouvrant le feu, à balles réelles sur de petits groupes de jeunes qui les caillassaient avant de se fondre dans la nuit. Ce fut notamment le cas dans le quartier Lemba Foi, sur l’avenue Sefou, ainsi qu’à Ngaba.

A Lemba, non loin de là, le corps de Patrick, un chauffeur de 22 ans, gisait sur la plateforme d’un camion délabré stationné dans une ruelle poussiéreuse entourée par une petite foule prête à se disperser. Le jeune homme a été tué aux alentours de 7 heures du matin, touché d’une balle dans la tête. Son père Nisenga 53 ans, homme malingre, reste digne devant le corps. « Qui va m’aider pour le mener à la morgue ‘ se lamente-t-il. On ne sait pas quoi faire personne ne nous aide et le pouvoir nous tue ! ». La ville bruisse de rumeurs rapportant d’autres victimes, dans d’autres quartiers. A Matete, des barricades se dressaient dans les rues où flottait l’air irritant des gaz lacrymogènes. En province, selon un correspondant de l’Agence France-presse (AFP), des tirs nourris d’armes à feu ont aussi été entendus mardi matin dans un quartier de Lubumbashi, deuxième ville du pays, théâtre d’affrontements entre des manifestants et les forces de l’ordre.

Lire le reportage :
 

A l’expiration du mandat de Joseph Kabila, Kinshasa retient son souffle

Etienne Tshisekedi appelle « à ne plus traiter avec Joseph Kabila »

C’est dans cette atmosphère tendue, incertaine, qu’a été annoncée la formation du gouvernement, fruit d’un accord conclu en octobre entre la majorité et une frange minoritaire de l’opposition, rejeté par la coalition du Rassemblement constituée autour de la figure de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, 84 ans. Le nouveau cabinet est dirigé par un transfuge du parti de M. Tshisekedi (l’UDPS), Samy Badibanga, et fait entrer plusieurs ministres d’opposition ayant joué comme lui le jeu du « dialogue national » proposé par M. Kabila.

Les détracteurs de M. Kabila l’accusent d’avoir torpillé le processus électoral et de vouloir instaurer une présidence à vie. La présidentielle qui devait avoir lieu cette année a été reportée sine die. Agé de 45 ans, M. Kabila, à qui la Constitution interdit de se représenter, entend se maintenir en fonction – qu’il occupe depuis 2001 – dans l’attente de l’élection d’un successeur, en vertu d’un arrêt de la Cour constitutionnelle rendu en mai.

Après l’annonce de la formation du nouveau gouvernement, M. Tshisekedi a appelé ses concitoyens « à ne plus reconnaître » Joseph Kabila comme président de la République démocratique du Congo dans une vidéo mise en ligne sur YouTube :

« Je lance un appel solennel au peuple congolais à ne plus reconnaître l’autorité de M. Joseph Kabila, à la communauté internationale de ne plus traiter avec Joseph Kabila au nom de la République démocratique du Congo. »

Le 8 décembre, la Conférence épiscopale nationale du Congo avait lancé une médiation de la dernière chance pour réconcilier les partisans de l’accord d’octobre et ses détracteurs, afin d’ouvrir la voie à une période de transition politique jusqu’aux élections. En l’absence de la moindre avancée significative, les évêques avaient suspendu leur médiation samedi soir et annoncé une reprise des négociations pour mercredi.

Appels au calme de la communauté internationale

Craignant que la RDC, vaste Etat de 70 millions d’habitants ravagé par deux guerres entre 1996 et 2003, ne replonge dans une spirale de violence, la communauté internationale multiplie les appels au calme depuis des semaines.

A Kinshasa, bouillonnante mégapole de 10 millions d’habitants, la population a jugé prudent, lundi, de rester massivement chez elle : la plupart des commerces sont restés fermés et les rues désertes ou presque. Les principales villes du pays ont également tourné au ralenti. A travers le pays, les réseaux sociaux ont été totalement ou partiellement bloqués, selon les opérateurs, depuis dimanche minuit sur ordre des autorités.

Le Bureau conjoint de l’Organisation des Nations unies aux droits de l’homme en RDC a recensé 74 arrestations dans le pays lundi alors que la police avait indiqué qu’elle ne tolérerait aucun rassemblement de plus de dix personnes.

Depuis 2011, date de la réélection de M. Kabila à l’issue d’un scrutin entaché de fraudes massives, plusieurs centaines de personnes ont été tuées dans des violences urbaines à caractère politique à Kinshasa ou ailleurs. Les dernières en date ont fait une cinquantaine de morts en septembre.

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