Clinton-Trump le combat des mal-aimés

Clinton-Trump le combat des mal-aimés

Le Monde
| 07.06.2016 à 06h38
Mis à jour le
07.06.2016 à 20h27
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Par Gilles Paris (Washington, correspondant)

Le premier a déjà l’assurance d’être le futur candidat du Parti républicain à l’élection présidentielle du 8 novembre. La seconde a obtenu, lundi 6 juin au soir, le nombre de délégués nécessaires, selon l’agence de presse Associated Press (AP), assurant que la favorite démocrate disposait désormais du nombre de délégués nécessaire (2 383) pour être adoubée par son parti. L’annonce a été vivement contestée par son opposant, Bernie Sanders. Elle a été relativisée par l’intéressée elle-même, qui s’est déclarée « flattée » sur son compte Twitter, avant d’ajouter qu’elle préférait mener campagne jusqu’aux primaires de mardi, organisées dans six Etats (dont la Californie et le New Jersey), afin de creuser l’écart. Adversaires désormais plus que probables, à moins d’un coup de théâtre, Donald Trump et Hillary Clinton ont en fait plus d’un point commun.

Quelle que soit la personne qui l’emportera, elle sera parmi les plus âgées de l’histoire américaine au début de son premier mandat. Si l’ancienne First Lady gagne, elle frappera les esprits en devenant la première présidente et la première commandante en chef des Etats-Unis. M. Trump créera également un précédent en étant le premier candidat à entrer à la Maison Blanche sans la moindre expérience préalable dans la fonction publique, politique ou militaire.

Même type de « panne »

Les deux candidats probables, qui se sont lancés dans leur course à l’investiture en partageant une notoriété sans comparaison avec celle de leurs adversaires, sont unis par un autre point commun : un nombre record d’avis défavorables. Aucune trace dans les sondages présidentiels effectués jusqu’à présent par le Washington Post d’images aussi médiocres. Une forte majorité d’Américains (57 %) a une mauvaise ou très mauvaise opinion d’eux dans l’enquête publiée le 23 mai.

Les deux candidats sont unis par le même nombre record d’avis défavorables

Les similitudes ne s’arrêtent pas là. Mme Clinton et M. Trump partagent le même type de « panne » électorale. Le point faible de la première se situe auprès des électeurs masculins, et tout particulièrement blancs. Le magnat de l’immobilier ne parvient pas à séduire l’électorat féminin, a fortiori s’il est latino ou afro-américain. La situation n’est pas nouvelle. Il faut remonter à la présidentielle de 1988 pour trouver une majorité de femmes (51 %) en faveur d’un candidat républicain. Et George H. W. Bush était déjà nettement en retrait par rapport aux scores stratosphériques de Ronald Reagan (58 %).

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Mais le clivage du genre se renforce. En 2012, selon le sondage de sortie des urnes du même quotidien, l’écart entre le candidat républicain, Mitt Romney, et le président sortant, Barack Obama, n’était « que » de 7 points au profit du premier chez les hommes et de 11 points à l’avantage du second pour les femmes. Il s’élève aujourd’hui à 23 points au bénéfice de M. Trump chez les électeurs masculins et à 14 points pour Mme Clinton auprès des électrices, toujours selon la même enquête d’opinion. Les chiffres ont leur importance quand on sait que l’électorat féminin pèse plus que celui des hommes.

Les jeunes femmes démocrates préfèrent Sanders

Un vote féminin pour Hillary Clinton, qui plaide pour l’égalité salariale et la généralisation du congé maternité ‘ Karlyn Bowman, qui passe au crible les enquêtes d’opinion au sein du think tank conservateur American Enterprise Institute, est prudente. « Il y a certainement des électrices qui voteront pour elle parce qu’elle est précisément une femme », estime-t-elle, « mais il ne s’agit que d’un petit nombre, et situé plutôt dans la classe d’âge proche de celle de Mme Clinton », 68 ans, reflet d’une génération qui a milité pour des droits tels que l’avortement. Les jeunes femmes démocrates, fait-elle remarquer, ont voté au cours de ces primaires pour le sénateur indépendant du Vermont, Bernie Sanders, plus que pour l’ancienne secrétaire d’Etat. La question des inégalités sociales a été jugée par ces dernières plus importante que celles entre les sexes.

Le « bagage » de Mme Clinton, trente années en première ligne de la politique, souvent à l’occasion de controverses, compte pour beaucoup dans le regard qui est porté sur elle. « Elle obtient de plus faibles résultats que les démocrates précédents quand on pose des questions qui touchent au compassionnel. Par exemple, ce candidat est-il préoccupé par les questions qui vous concernent ‘ », ajoute la politologue, qui doute que l’ancienne First Lady puisse convaincre les hommes rétifs de modifier leur jugement sur elle.

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Trump, valeur refuge auprès des hommes

Bill Galston, qui analyse également les données électorales à la Brookings Institution, estime, lui, que Mme Clinton peut bénéficier d’un rejet : celui que M. Trump inspire auprès des électrices, y compris parmi celles affiliées au Parti républicain, compte tenu des polémiques qu’il n’a cessé d’accumuler. Une abstention qui neutraliserait certaines électrices conservatrices permettrait à l’ancienne secrétaire d’Etat de rattraper une partie de son retard auprès des hommes.

Hillary Clinton peut bénéficier du rejet que Donald Trump inspire aux électrices, y compris au Parti républicain

Donald Trump, valeur refuge pour un électorat masculin blanc en décrochage (notamment les non-diplômés et faibles niveaux de revenus), a réussi le tour de force de froisser des figures féminines importantes au sein du Grand Old Party dont les gouverneures Nikki Haley et Susana Martinez. La première, élue en Caroline du Sud dans la vague des Tea Party, est très en pointe dans la guerre des valeurs et vient de promulguer une nouvelle loi restrictive sur l’avortement. La seconde, au Nouveau-Mexique, aurait pu aider M. Trump à se réconcilier avec un électorat latino braqué par le programme radical du magnat de l’immobilier, notamment l’expulsion, difficilement réalisable, de 11 millions de sans-papiers.

Cinq mois séparent le magnat de l’immobilier et l’ancienne secrétaire d’Etat de l’élection du 8 novembre. Un temps trop court pour s’inventer une nouvelle image, mais un délai suffisant pour faire jouer le ressort qui déterminera l’issue de la présidentielle : la mobilisation.

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