Ce soir Mars n’aura jamais été aussi brillante depuis plus 10 ans

Ce soir Mars n'aura jamais été aussi brillante depuis plus 10 ans

La planète Mars n’avait pas été aussi brillante depuis plus de dix ans ; profitez-en toutes les nuits jusqu’à la fin du mois.

Vous n’avez pas besoin d’un ciel parfaitement dégagé pour repérer la planète Mars. Son éclat est tellement puissant qu’il suffit d’une trouée entre deux nuages pour parvenir à l’identifier sans ambiguïté. De plus, ce week-end, la pleine lune peut vous servir de panneau de signalisation car elle éclaire la voûte céleste à proximité immédiate du phare martien. Quelle que soit votre position sur Terre, tournez-vous vers le lampadaire lunaire dès la fin du crépuscule et vous n’aurez aucun mal à distinguer Mars dans son voisinage. Tout au long de la nuit du samedi 21 au dimanche 22 mai, ces deux astres restent même à cinq degrés l’un de l’autre, ce qui correspond à la hauteur de votre pouce bras tendu.

Samedi 21 mai 2016 au crépuscule, une demi-heure après le coucher du Soleil, accordez-vous un moment pour contempler le lever majestueux de la pleine lune et de la planète Mars qui sont à cinq degrés d’écart. Ces deux astres sont visibles sans peine à l »il nu, même en milieu urbain, à moins de dix degrés de hauteur au-dessus de l’horizon sud-est. Ils cheminent dans le ciel durant toute la nuit. Ce couple est visible de pratiquement la Terre entière, plus ou moins haut sur la voûte céleste selon votre position géographique. Illustration : Guillaume Cannat

À l’opposition

Mars est actuellement à l’opposition, c’est-à-dire que le Soleil, la Terre et Mars sont alignés dans l’espace. Durant la période d’une quinzaine de jours qui encadre l’opposition, la distance entre la Terre et Mars est minimale, ce qui explique pourquoi l’éclat de notre voisine est maximal. Mais, alors que la Terre parcourt une orbite pratiquement circulaire autour du Soleil, de près de 150 millions de kilomètres de rayon, l’orbite martienne est plus ovalisée puisque sa distance au Soleil varie entre 207 et 250 millions de kilomètres. Du coup, en fonction de la position de Mars sur son orbite au moment de l’opposition, la distance qui nous en sépare varie pratiquement du simple au double. Cette fois-ci, nous passons à un peu plus de 75 millions de kilomètres et les conditions d’observation sont donc meilleures que lors des quatre précédentes oppositions : il faut remonter à novembre 2005 pour trouver mieux.

Les orbites de la Terre et de Mars à l’échelle, de dessus et de côté, avec les positions des deux planètes le 22 mai 2016 (le Soleil et les planètes ne sont pas à l’échelle).

Guettez les bonnes nuits

Le seul défaut potentiel de l’opposition actuelle est que Mars se situe à la frontière des constellations du Scorpion et de la Balance. Pour les observateurs installés aux latitudes européennes, cela signifie que la planète rouge circule à moins de 30° de hauteur au-dessus de l’horizon sud en cours de nuit. Cette hauteur relativement faible ne lui permet pas de sortir des halos de pollution lumineuse et des zones les plus turbulentes de l’atmosphère, il faut donc guetter les meilleures nuits, les plus sèches et stables, pour l’observer avec un instrument et pour la photographier. Sous les tropiques et dans l’hémisphère Sud, Mars grimpe très haut sur la voûte céleste et les conditions d’observation sont bien meilleures.

Gros plan sur le lever de Mars depuis la fenêtre de mon bureau, le vendredi 20 mai au soir ; les étoiles visibles autour appartiennent à la constellation du Scorpion. La photo ne rend pas totalement justice à l’éclat martien exceptionnel tel qu’on le perçoit à l »il nu, car elle ne montre pas la scintillation qui modifie sa coloration à un rythme endiablé et nous donne l’impression de voir un c’ur palpiter.© Guillaume Cannat

À l »il nu

À l »il nu et aux jumelles, Mars est très brillante, mais cela reste un point qui scintille vivement quand l’atmosphère est turbulente et qui donne ainsi l’impression de changer de couleur et d’éclat comme une flamme dans le vent. En première partie de nuit, vous pouvez comparer la luminosité martienne à celle de Jupiter qui brille dans le Lion (voir la carte ci-dessous). Mars est pratiquement aussi lumineuse magnitude 2 contre 2,1 pour Jupiter mais sa spectaculaire teinte rougeoyante tranche avec le blanc très pur de la géante gazeuse.

Voici la carte du ciel observable actuellement en début de nuit aux latitudes européennes. Tant que la pleine lune éclaire la voûte céleste seuls les astres les plus éclatants sont visibles, notamment les planètes Saturne, Mars et Jupiter et les étoiles Arcturus, Véga, Régulus, Castor, Pollux, Procyon et Capella.

Aux instruments

Il faut une lunette ou un télescope pour commencer à voir Mars comme un petit disque orangé, et pour distinguer des détails sur ce disque un instrument optique de 200 millimètres de diamètre est un minimum. Avec un instrument de ce diamètre et un oculaire donnant un grossissement de 200 fois, le disque martien montre le même diamètre apparent qu’une balle de ping-pong à 2,5 m de distance. Il est donc possible de commencer à distinguer les grandes régions plus ou moins sombres qui parsèment le globe martien ; voir l’image légendée du télescope Hubble au bas de ce billet ou cette carte disponible en ligne (en anglais). Il existe dans toutes les régions des clubs et des observatoires et certains organiseront sûrement des soirées publiques pour observer Mars à l’opposition ; faites une recherche rapide sur le web ! Cela peut être l’occasion d’utiliser un télescope de grand diamètre et de découvrir la tache blanche de la calotte de glace qui couvre le pôle Nord de notre voisine. Un conseil : ne vous contentez pas d’un coup d »il de quelques secondes sinon vous ne verrez pas grand-chose. Plus vous observerez longuement, au moins une à deux minutes en continu, et plus vous verrez de détails, car votre cerveau apprendra progressivement à analyser les maigres informations que lui fournira votre il.

Un très beau portrait de la planète Mars, réalisé le 5 mai dernier par l’astrophotographe français Gérard Therin avec un télescope de 260 mm de diamètre ; ci-dessous, une brève animation des images obtenues durant cette nuit, qui montre la rotation de la planète. D’autres très belles photographies du ciel (et pas seulement) sont visibles sur le site personnel de Gérard Therin.© Gérard Therin

Prochaine opposition et rumeur

L’éclat de Mars culmine ces jours-ci, mais cette planète restera bien visible à l »il nu durant de longs mois avant de glisser vers le crépuscule et de disparaître dans l’éclat solaire. La prochaine opposition se produira dans un peu plus de deux ans et notre belle voisine sera alors encore plus brillante qu’aujourd’hui. Nous pourrons même l’admirer juste à côté de la Lune totalement éclipsée le 27 juillet 2018. Un dernier mot pour vous rappeler de ne pas tenir compte de la rumeur stupide qui circule inlassablement sur le web depuis quelques années et qui annonce qu’en août la planète sera aussi grosse et lumineuse que la pleine lune. Ce n’est bien évidemment pas possible et cette rumeur provient de la mauvaise traduction/interprétation d’un communiqué de presse diffusé en 2003 à l’occasion de l’opposition martienne visible cette année-là ; il n’existe malheureusement pas encore de gomme efficace sur le web.

Bien sûr, vous ne verrez pas Mars comme ceci à l »il nu, ni même dans un gros télescope d’amateur, mais lorsque le télescope spatial Hubble scrute notre voisine le résultat vaut généralement le détour. Vous pouvez retrouver certaines des formations martiennes sur la photographie de Gérard Therin (en la faisant pivoter). Toutes les informations techniques sur la réalisation de cette image sont disponibles ici’Crédits : NASA/ESA/The Hubble Heritage Team (STScI/AURA)/J. Bell (ASU)/M. Wolff (Space Science Institute)

Guillaume Cannat (pour être informé de la parution de chaque nouvel article, suivez-moi sur Twitter, sur Facebook ou sur Google+)

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