Ce que l’on sait de l’affaire Baupin

Ce que l'on sait de l'affaire Baupin

Le Monde
| 10.05.2016 à 12h45
Mis à jour le
10.05.2016 à 16h23
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Par Adrien Sénécat

Le député (ex-EELV) Denis Baupin est accusé d’agression sexuelle et de harcèlement sexuel. Huit femmes ont témoigné sur France Inter et Mediapart de ces faits qui se seraient déroulés entre 1998 et 2014. L’élu, figure importante du mouvement écologique, a démissionné lundi 9 mai de son poste de vice-président de l’Assemblée nationale, à la demande de Claude Bartolone, mais nie en bloc les accusations le visant. Voici ce que l’on sait de l’affaire.

De quoi Denis Baupin est-il accusé précisément ‘

Quatre écologistes mettent publiquement en cause le député de Paris :

Sandrine Rousseau, porte-parole d’EELV, décrit une scène d’agression sexuelle qui aurait eu lieu en octobre 2011 : « Il m’a plaquée contre le mur en me tenant par la poitrine et a cherché à m’embrasser. »Elen Debost, adjointe à la mairie du Mans depuis 2014, dit avoir « reçu pendant plusieurs mois des SMS d’incitation sexuelle de M. Baupin, après lui avoir dit [qu’elle] n’était pas intéressée » en 2011.Annie Lahmer, conseillère régionale d’Ile-de-France, rapporte également des faits de harcèlement sexuel qui remonteraient à la fin des années 1990. M. Baupin lui aurait notamment dit : « Toi, t’auras jamais de poste au sein du parti », après qu’elle a refusé ses avances.Isabelle Attard, députée du Calvados ex-EELV, témoigne d’un « harcèlement quasi quotidien par SMS provocateurs, salaces [‘] dès juin 2012 et jusque fin novembre 2013 ».

Quatre autres témoignages anonymes visent également M. Baupin :

Une collaboratrice du groupe écologiste à l’Assemblée nationale aurait été victime d’une agression sexuelle dans un ascenseur, selon des sources anonymes cités par France Inter et Mediapart. « Il lui a pincé les fesses. Il s’est pris une baffe. » La date de cet épisode n’est pas précisée.Une autre collaboratrice EELV fait état de « messages un peu trop amicaux. Ils ne sont pas graves, ils n’ont pas de caractère sexuel », nuance-t-elle. Ces faits, qui remonteraient à l’automne 2014, ont été signalés aux coprésidents du groupe, après quoi elle dit avoir continué à travailler « sans aucune gêne » avec M. Baupin.Une collaboratrice d’une collectivité d’Ile-de-France raconte avoir reçu en 2012 « des SMS lourdingues à des heures improbables, du type cela me ferait plaisir d’aller boire un verre’, tu es vraiment très belle’, qu’est-ce que tu fais ce soir  » ».Une ancienne responsable du collectif Jeudi noir, qui milite contre le mal-logement, fait état d’avances insistantes et de pressions au début de l’année 2012.

Que répond Denis Baupin ‘

L’avocat du député, Emmanuel Pierrat, a fait savoir dans un communiqué, lundi 9 mai, que son client « conteste fondamentalement l’idée de harcèlement sexuel et plus encore d’agression sexuelle, lesquels lui sont totalement étrangers ». Il ajoute que l’élu envisagerait des poursuites en justice face aux accusations dont il fait l’objet.

Quelles suites judiciaires ‘

Les victimes d’agression sexuelle ou de harcèlement sexuel ont trois ans pour porter plainte (lorsque le harcèlement dure, on retient la date des derniers faits). Sur la base des dates associées aux récits des victimes, la majorité des faits dont M. Baupin est accusé pour l’heure sont donc prescrits. Seuls deux des huit témoignages diffusés lundi 9 mai pourraient encore faire l’objet de poursuites : celui d’Isabelle Attard, qui évoque un harcèlement qui a duré jusqu’à novembre 2013 et celui de la collaboratrice EELV pour les SMS reçus à l’automne 2014.

Dans un tel cas de figure, il existe deux possibilités pour qu’il y ait des suites judiciaires :

Si une victime de faits qui ne sont pas prescrits porte plainte (ce qui n’est pas le cas pour l’heure).Si le parquet s’autosaisit de ces faits.

C’est ce que le parquet de Paris a annoncé mardi 10 mai dans un communiqué. Le procureur a ouvert une enquête sur « des faits susceptibles d’être qualifiés d’agressions sexuelles, harcèlements sexuels, appels téléphoniques malveillants » qui sera confiée à la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP). L’enquête devra notamment recueillir les témoignages des victimes et de « tout témoin utile », et « vérifier les dates et lieux de la commission des faits allégués ». Elle est également susceptible de se saisir de témoignages de nouvelles victimes présumées.

Le député écologiste, quant à lui, pourrait, comme il l’a laissé entendre, déposer une plainte pour diffamation. Se poserait alors la question des éléments dont disposent les journalistes (témoignages, SMS’).

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Harcèlement, agression, viol : comment la loi définit les violences sexuelles

Emmanuelle Cosse a-t-elle pu couvrir son mari ‘

Plusieurs membres d’EELV ont déclaré lundi 9 mai ne pas être surpris par ces révélations. « C’était très, très connu dans le parti », a ainsi dit à l’AFP un collaborateur des députés écologistes. « Oui, je savais, pas tout, pas complètement », écrit sur son blog Jean-Sébastien Herpin, cosecrétaire régional d’EELV dans le Centre.

La ministre du logement Emmanuelle Cosse, qui n’est plus membre d’EELV mais en était la secrétaire nationale de novembre 2013 à sa nomination au gouvernement en février 2016, était-elle au courant des accusations dont son mari faisait l’objet ‘ Et, si oui, a-t-elle pu intervenir en sa faveur ‘

Pour l’heure, seul le conseiller EELV de Paris Yves Contassot met directement en cause l’ex-dirigeante du parti, sur la base d’une scène survenue un conseil fédéral, en pleine discussion sur des rumeurs d’agressions sexuelles dans le parti : « A la surprise générale, la personne qui est montée à la tribune pour demander qu’on arrête de discuter de ça, c’est sa compagne, c’est Emma Cosse. »

L’intéressée s’est défendue sur France Info mardi 10 mai : « J’ai appris comme vous hier ces accusations. [‘] J’ai été secrétaire générale d’EELV pendant deux ans, je n’ai jamais été saisie de signalements de harcèlement ou d’agression. » La ministre a estimé qu’on « parle de faits qui sont d’une extrême gravité et, s’ils sont avérés, il faut que cela soit réglé devant la justice. S’ils ne sont pas avérés, il faut aussi que cela se règle devant la justice ».

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