Attaques chimiques en Syrie , Londres et Paris réclament des sanctions de l’ONU Moscou s’oppose

Attaques chimiques en Syrie , Londres et Paris réclament des sanctions de l'ONU Moscou s'oppose

La France et le Royaume-Uni ont réclamé, mardi 30 août auprès du Conseil de sécurité, l’adoption de sanctions contre le régime syrien, à la suite d’un rapport de l’ONU qui l’accuse d’avoir mené des attaques chimiques. Les ambassadeurs français et britannique, François Delattre et Matthew Rycroft, ont accusé Damas de « crimes de guerre ».

La France souhaite « une réponse rapide et ferme du Conseil », soit des « sanctions contre les responsables de ces actes qui constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité », a déclaré M. Delattre. « Tous ceux qui sont responsables doivent rendre des comptes, a abondé l’ambassadeur britannique, Matthew Rycroft. Nous souhaitons un régime de sanctions et l’utilisation des mécanismes légaux internationaux pour rendre la justice. » Leur homologue américaine Samantha Power a affirmé que Damas devrait « payer le prix » de ces attaques.

Les ambassadeurs des quinze pays membres du Conseil étaient réunis mardi pour étudier ce rapport baptisé Joint Investigative Mechanism (JIM, mission d’enquête conjointe), fruit d’un an d’enquête. M. Delattre a souhaité que le mandat du JIM, qui expire en septembre, soit prolongé d’un an au moins pour poursuivre ses investigations sur l’utilisation par Damas de gaz de chlore dans le nord de la Syrie en 2014 et 2015, attestée par le rapport.

« Impossible de nier »

Jeudi, le chef de la diplomatie française, Jean-Marc Ayrault, avait aussi dénoncé l’utilisation d’armes chimiques et le « rôle accablant » du régime de Damas, appelant le Conseil de sécurité de l’ONU à prendre « une réaction à la hauteur de la gravité » des faits. Le régime de Damas et l’organisation Etat islamique « font preuve de la même abjection lorsqu’il s’agit de terroriser et massacrer la population syrienne de manière systématique », avait écrit M. Ayrault.

Lire l’entretien avec Jean-Marc Ayrault :
 

« Je dis aux Russes d’arrêter de bombarder » en Syrie

La Maison Blanche avait aussi exigé dès mercredi que les responsables « rendent des comptes ». « Il est maintenant impossible de nier que le régime syrien a fait usage de manière répétée de gaz de chlore comme une arme contre son propre peuple », avait souligné le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Ned Price.

« Manipulations à des fins politiques »

Le rapport « manque totalement de preuves matérielles », a réagi l’ambassadeur syrien Bachar Jaafari. Les conclusions du rapport « sont basées entièrement sur des déclarations faites par des témoins présentés par les groupes armés terroristes », a déclaré mardi M. Jaafari à la presse après une réunion du Conseil de sécurité consacrée à l’examen du rapport. « En conséquence, ces conclusions manquent totalement de preuves matérielles [établissant] que du gaz de chlore a été utilisé, qu’il s’agisse d’échantillons ou de rapports médicaux », a-t-il affirmé.

Le gouvernement syrien estime cependant qu’il faut continuer l’enquête sur les cas présumés d’attaques chimiques cités dans le rapport. « Nous devons connaitre la vérité sans que ces incidents soient manipulés à des fins politiques », a ajouté l’ambassadeur auprès des Nations unies.

Une arme sans empreintes pour Moscou

Les crimes de guerre et crimes contre l’humanité sont le domaine de compétence de la Cour pénale internationale (CPI). Mais les tentatives des Occidentaux au Conseil pour obtenir que la CPI se saisisse des exactions commises dans la guerre en Syrie ont buté jusqu’ici sur l’opposition de la Russie et de la Chine. Moscou et Pékin, qui soutiennent le régime de Bachar Al-Assad, ont toujours la possibilité de bloquer toute initiative du Conseil en utilisant leur droit de veto, comme ils l’ont fait à plusieurs reprises depuis le début du conflit syrien, en mars 2011.

Car si Paris, Londres et Washington accusent le régime syrien, celui-ci a toujours nié avoir utilisé des armes chimiques. Jusqu’à présent, Moscou a toujours affirmé qu’il n’y avait pas de preuves formelles de la culpabilité de son allié. La Russie accuse aussi l’opposition armée d’avoir mené des attaques chimiques.

La Russie n’est pas prête à accepter les conclusions du rapport d’enquête de l’ONU, a déclaré mardi son ambassadeur. Les enquêteurs ont trouvé « l’arme du crime », a-t-il expliqué. « Mais il n’y a pas d’empreintes sur l’arme », a affirmé Vitali Tchourkine à des journalistes. « Il y encore des questions » non résolues, a-t-il estimé.

Neuf attaques chimiques présumées

Dans ce rapport de l’ONU de 95 pages, les enquêteurs ont conclu que des hélicoptères militaires syriens avaient répandu du gaz de chlore sur deux localités de la province d’Idlib, dans le nord-ouest du pays, à Talmenes le 21 avril 2014 et Sarmin le 16 mars 2015. L’organisation Etat islamique (EI) a de son côté utilisé du gaz moutarde à Marea (gouvernorat d’Alep, dans le nord de la Syrie) le 21 août 2015.

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Les enquêteurs se sont penchés sur neuf attaques chimiques présumées en 2014 et 2015. Mais pour six d’entre elles, attribuées par les Occidentaux au régime de Bachar Al-Assad, ils n’ont pas pu recueillir des « informations suffisantes », ou celles-ci étaient contradictoires.

Ce rapport a été publié trois ans presque jour pour jour après une attaque chimique qui avait tué des centaines de personnes à l’est de Damas, le 21 août 2013. A la suite de ce massacre, la Syrie avait rejoint la convention sur l’interdiction des armes chimiques et accepté un plan de démantèlement de ses stocks de gaz moutarde et sarin. En janvier, l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques) a annoncé que cet arsenal avait été détruit. Mais le chlore, qui a des usages industriels, n’est pas répertorié comme arme chimique.

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