Arrêté  anti-burkini  , le Conseil d’Etat se prononcera vendredi sur le pouvoir des maires

Arrêté  anti-burkini  , le Conseil d'Etat se prononcera vendredi sur le pouvoir des maires

Le Monde
| 25.08.2016 à 06h51
Mis à jour le
25.08.2016 à 18h36
|

Par Gaëlle Dupont

C’est une audience importante, suivie d’une décision qui fera date. Jeudi 25 août, le Conseil d’Etat a examiné les appels formés par la Ligue des droits de l’homme (LDH) et le Comité contre l’islamophobie en France (CCIF) contre l’ordonnance rendue par le tribunal administratif de Nice le 22 août. Celle-ci validait l’arrêté « anti-burkini » pris par le maire (Les Républicains, LR) de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes), Lionnel Luca, au début du mois.

La plus haute juridiction administrative française décidera, vendredi 26 août à 15 heures, si, comme l’affirme le tribunal administratif de Nice, l’élu a respecté la loi en interdisant l’accès à la baignade « à toute personne ne disposant pas d’une tenue correcte, respectueuse des bonnes m’urs et du principe de laïcité, et respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades adaptées au domaine public maritime ».

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Ces termes, malgré leur flou, visaient le port de la tenue de bain islamique, qui ne laisse apparaître que le visage, les mains et les pieds. Ils ont été interprétés de manière extensive dans les communes ayant pris des arrêtés similaires. Des femmes habillées portant le voile y ont été verbalisées sur les plages.

Mais la décision du Conseil d’Etat ira au-delà de la question de ce qu’est une tenue adéquate sur la plage. « Il fera jurisprudence et il définira le cadre du pouvoir des maires sur la réglementation des signes religieux dans l’espace public », observe Patrice Spinosi, l’avocat de la LDH.

Libertés fondamentales

« Pourra-t-on demain décider par arrêté municipal de zones où les musulmanes seront interdites de paraître, interroge Me Sefen Guez Guez, l’avocat du CCIF. Ou l’espace public restera-t-il un espace de liberté, où chacun est libre d’exprimer publiquement sa foi ‘ »

Selon les arguments déjà développés par la LDH et le CCIF, l’arrêté visé bafoue de façon disproportionnée plusieurs libertés fondamentales : liberté d’aller et venir, liberté de manifester ses convictions religieuses, droit au respect de la vie privée.

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Pour justifier la mesure, le maire de Villeneuve-Loubet a notamment mis en avant un risque de trouble à l’ordre public. Une argumentation validée par les juges des référés du tribunal administratif de Nice. « Le port d’un vêtement sur les plages pour y afficher, de façon ostentatoire, des convictions religieuses susceptibles d’être interprétées comme relevant [du fondamentalisme religieux islamiste], [pourrait] être ressenti par certains comme une défiance ou une provocation » après les attentats de Nice (14 juillet) et de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime, 26 juillet), écrivaient les juges dans leur ordonnance.

« Aucun débordement n’avait été constaté avant les arrêtés, répond Me Guez Guez. Ce sont eux qui ont créé une tension. » Plusieurs principes devaient aussi de nouveau être rappelés devant le Conseil d’Etat : seules les tenues dissimulant le visage sont interdites dans l’espace public ; des exceptions à la liberté d’expression religieuse garantie par le principe de laïcité existent seulement pour les agents publics, afin d’assurer la neutralité de l’Etat, et pour les élèves, afin d’éviter toute pression ou discrimination. Le Conseil d’Etat devra dire s’il est du pouvoir des maires d’en édicter de nouvelles.

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