À Roubaix des mamans face à l’angoisse d’un départ en Syrie

À Roubaix des mamans face à l'angoisse d'un départ en Syrie

C’est d’abord un constat, celui de mamans souvent démunies face aux risques d’un départ de leurs enfants en Syrie. C’est aussi le besoin d’en parler, de rompre l’isolement, de donner des clés pour identifier les signes de radicalisation. Et, ce samedi, dans le cadre d’une journée de sensibilisation sur ce thème, il n’y avait plus une place dans le petit local de l’association Servir. «
On fait un premier pas. On en fera un deuxième pour l’ouvrir à plus de monde, explique Fatiha Touimi, directrice de l’association, regrettant de n’avoir pas une salle plus grande pour un sujet si concernant. Il y a des associations pour écouter. Il ne faut surtout pas hésiter à en parler autour de vous, à être les ambassadrices de ce qu’ont dit Charline Delporte et Lydie. »

Une phase de séduction

Membres du centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (CAFFES), les deux femmes sont venues parler de ce risque et de l’importance pour les parents de ne pas s’isoler. Le témoignage douloureux de Lydie dont la fille est partie en Syrie aurait même levé les doutes d’une des participantes à cette journée, convaincue désormais que sa petite-fille envisage de s’y rendre elle aussi. Ce qui l’aurait alerté est cette cause humanitaire souvent mise en avant par les candidats au départ.

Charline Delporte insiste beaucoup sur ce piège qui se referme sur de jeunes gens vulnérables. Car avant l’endoctrinement et la rupture avec les proches, l’emprise sectaire passe d’abord par une phase de séduction. «
Ils se laissent entraîner par quelque chose de sympa
», explique-t-elle. Cela peut donc être une cause présentée comme «
humanitaire
».

Le but de cette journée, c’est aussi de montrer à travers le témoignage de Lydie que tout le monde est concerné. «
On a d’abord dit que c’étaient des délinquants, des gens pas éduqués qui partaient en Syrie. Mais ça n’est pas que ça. C’est aussi des jeunes filles qui ont une bonne éducation, des filles intelligentes
», explique Charline Delporte. Le rappeler, c’est aussi une façon de dire que personne n’est à l’abri.

Pour contacter le CAFFES : 03 20 57 26 77 et 06 45 32 60 05. contact@caffes.fr

Le témoignage d’une mère : « Il faut déculpabiliser »

Lydie a rejoint le Centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (CAFFES) quand elle a vu que sa fille se radicalisait. Depuis elle partage son expérience pour aider les parents dans sa situation.

Sa fille est partie en Syrie il y a dix-huit mois. Elle s’est convertie il y a six ans. Sa radicalisation a été progressive. Son comportement a d’abord changé, comme sa tenue vestimentaire. Le contact avec ses parents a été de plus en plus difficile. «
On avait un mur face à nous
», raconte Lydie.

Puis sa fille est partie faire ses études en Allemagne, à 20 ans. «
L’été avant de partir, elle a changé, elle ne parlait plus de religion. Elle a endormi notre méfiance et elle est partie. Quand on est retourné la voir, on ne l’a pas reconnue. J’ai trouvé ma fille habillée en niqab. Son compagnon était un allemand converti. Elle s’est retrouvée rapidement enceinte. On est allé souvent là-bas pour essayer de garder le lien
», explique Lydie.

Puis un jour, sa fille est partie en Syrie. Elle a deux enfants aujourd’hui, le plus vieux a 2 ans, le deuxième est né en Syrie. Lydie tente de garder le contact et maintient l’espoir de faire revenir sa fille un jour, de rencontrer son deuxième petit-fils. Aujourd’hui, Lydie témoigne aussi pour aider les parents susceptibles de se retrouver dans sa situation. Pour prévenir. «
Je me dis pour moi, pour ma famille, c’est trop tard. Elle est là-bas. Quand on est parent, on culpabilise. Mais il faut déculpabiliser, il faut en parler. »

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